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LA CHRONIQUE
de Pınar Selek
Les chirurgies sexuelles cosmétiques en Europe
Marie Lesclingand, socio-démographe, met en lumière une réalité souvent insoupçonnée
Marie Lesclingand est socio- démographe. Elle travaille sur les multiples situations
sociales, mais aussi sur la com- plexité des réalités, en particulier en ce qui concerne le genre. J’ai la chance de faire partie du même la- boratoire de recherche qu’elle (UR- MIS) ; j’ai ainsi pu suivre une partie de ses travaux, qui portent notam- ment sur la question des «Mutila- tions Génitales Féminines». Elle a contribué à la production de rap- ports internationaux sur ce sujet qui suscite de nombreuses réac- tions dans les pays occidentaux. Marie Lesclingand a décidé d’aller plus loin et de se pencher sur un sujet jusque-là soigneusement ca- ché : les chirurgies sexuelles cos- métiques en Occident... et elle compare ainsi les différentes pra- tiques de modifications génitales
féminines. Ses recherches en cours montrent les nouvelles formes ex- trêmement modernes de la domi- nation masculine sur le corps des femmes.
ALTÉRATION PHYSIQUE
Notre socio-démographe explique comment les pratiques de modifi- cations sexuelles des corps ont une longue histoire et existent dans de nombreuses sociétés. Et elle attire l’attention sur la co-existence d’an- ciennes pratiques perçues comme « traditionnelles » et d’interven- tions chirurgicales « modernes », comme la labioplastie (réduction des petites lèvres, appelée aussi nymphoplastie), ou la vaginoplas- tie (chirurgie plastique du vagin) : « Les pratiques d’excision, associées aux femmes africaines, sont quali-
fiées de mutilations et vues comme violentes, alors que les chirurgies sexuelles cosmétiques sont per- çues comme pratiques de beauté individuelle ou actes d’émancipa- tion. Elles sont pourtant similaires du point de vue de l’altération physique ». Elle compare l’excision et la labioplastie, opération «es- thétique» la plus répandue et en nette augmentation ces dernières années, qui sont très proches dans la façon de modifier les organes génitaux féminins... En effet, grâce aux études médicales récentes, nous n’avons plus de doutes sur le rôle déterminant des petites lèvres dans le plaisir et sur l’altération de la sensibilité sexuelle lorsqu’elles sont réduites. Marie Lesclingand souligne également que «les conséquences à plus long terme sur la santé et la sexualité de ces
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