Page 32 - Biramawa mag N°1
P. 32

guelén Ndiaye. Par la suite, les deux  était divisé en deux branches : D’où  gais à l’époque. Valentin Fernandes          par Kahone était l’une des raisons de cet échec ».  De plus, l’élargissement de l’espace politique vers le Sud
     hommes se sont séparés. La rupture  la  rivière du  Saloum  et  du Sine. Il  (1506-1510) avait utilisé le terme «         était dicté en partie par le commerce du sel. La Gambie était une plaque tournante des échanges commer-
     était soldée par la mort de Diattara.  semble que la légende est largement  Bour Saloum » pour nommer la ri-              ciaux. Le fleuve était un important axe commercial vers les marchés de consommation. Son agencement
     Il  était  abattu  par les hommes  de  partagée. À Ngathie, l’un de nos in-    vière. « Du cap dos Mastos jusqu’à         avec la rivière du même nom permettait le trafic du sel par la voie fluviale. De ce fait, les ports d’exporta-
     Mbégaan ».                             formateurs Aliou Ndiomé dit à peu  la rivière de Gambie, il y a 25 lieues.         tions de Saloum (Kawourn,Cassang, etc.) se situaient sur la rive gauche du fleuve Gambie. Il constitue l’une
     Il semble que la rupture était causée  près la même chose. « Au moment  Et  dans l’intervalle,  se jettent  trois         des raisons qui explique le contrôle de ses terroirs par les rois de Saloum. Un informateur qui avait visité
     par un conflit d’intérêt économique.  de l’arrivée de Mbegaan sur le trône  rivières. L’un  s’appelle  Jaala  dans        ces lieux nous renseigne sur l’existence d’un marigot à kawourn nommé jusqu’à présent marigot des rois
     Ce dernier était identifié par la tra-  du Saloum, il y’avait une famine et  leur langue  et dans le  nôtre (…).          de Saloum. Cela prouve dans le passé, le contrôle politique de cet espace par ces derniers.
     dition comme un musulman sonin-        les populations avaient demandé à  La seconde s’appelle  la  rivière de
     ké. L’islam à l’époque était une reli-  Mbegaan  de la  nourriture. Ce der-    barbacijs  qui s’élargit  à  l’intérieur   Conclusion
     gion marchande. Diattara aurait été  nier était allé voir le génie Sangho-     et forme deux bras. Le bras qui va         Le sel était donc l’une des forces et la puissance de Saloum. De nos jours, le Sénégal est le premier pays
     un  commerçant. Sous ce rapport,  mar pour  obtenir  un cours  d’eau.  vers le nord s’appelle le « Broçalo »              producteur de sel en Afrique de l’Ouest. Le sel est exporté jusqu’en Afrique centrale. La filière peut devenir
     la  politique économique  au  pro-     Lorsqu’il  a eu gain de cause, il dit  [Roi-Saloum] ».                             une source de fiscalité locale et d’activités génératrices de revenus. Sa modernisation  dans une perspective
     fit  du  pouvoir  central  pouvait  être  à son  peuple voilà une nourriture  Il  est permis donc de dire que le          industrielle  peut servir d’impulsion aux politiques de décentralisation pour un développement socio-éco-
     en contradiction avec les intérêts  inépuisable  pendant  la  saison des  conflit entre Mbegaan et Ali Eli bana           nomique des terroirs salicoles. Le Sine-Saloum n’est pas seulement un «  bassin arachidier » ; c’est aussi un
     économiques de ce dernier c’est-à-     pluies, vous aurez des poissons ; et  était causé en grande partie par le          « bassin de sel ».
     dire la recherche du profit. De plus,  pendant la saison sèche vous obte-      contrôle des salines et des voies de
     l’alliance  entre Mbegaan et le ma-    nez de sel ».                           communication.
     rabout  Saloum  Souaré dont le pa-     Pour nous, le récit relaté par nos in-
     tronyme était connu pour l’activité  formateurs véhicule des substances
     marchande était une alliance contre  extraordinaires pour expliquer l’ori- Le rôle du sel dans la construc-

     nature  du point de  vue de  la reli- gine du pouvoir de Mbegaan. À tra-       tion de l’espace Saloum
     gion. Ce dernier aurait été un mar- vers ce récit, Mbegaan est présenté        Autant que la gabelle qui avait joué
     chand favorable à la cause de Mbe-     comme le créateur de la rivière. Or,    un rôle important à la construction
     gaan. C’est ce qui explique peut-être  la  rivière existait  bien avant  l’avè-  de la France moderne, le sel  avait
     le fait qu’il n’avait pas soutenu son  nement  de Mbegaan.  Le sel était       joué un rôle prépondérant  dans le
     frère musulman Ali Eli bana.           exploité et la pêche était pratiquée    processus  de  la  structuration de
     En outre, voici une source qui per- par les populations depuis leur ins-       l’espace  Saloum.  Les structures du
     met d’entrer de plain-pied dans le  tallation. Ce qui est nouveau, c’est le    pouvoir central  étaient  modelées
     but  du sujet. Selon Manga Ndour,  contrôle du cours d’eau par un pou-         au tour  « des  affaires  du sel ». En
     Mbegaane,  après sa  circoncision  voir politique incarné par Mbegaan.         effet, l’emplacement  de la  capitale
     au Sine, était venu séjourner au Sa-   Ce  dernier  avait très  tôt compris    (Kahone) était dicté en partie par le
     loum. Lors de son séjour, il avait vi-  que la  richesse  du Saloum,  c’est la   contrôle des salines et le commerce
     sité une bonne partie de l’espace qui  rivière du même nom ; parce qu’elle     du sel. Ce commerce était l’une des
     allait devenir le Saloum. Il était allé  était  à  la  fois un  axe commercial,   causes du rayonnement économique
     en Gambie, dit-il. Ces déplacements  source de production de sel et des        de Kahone. D’après les témoignages
     l’avaient permis  d’explorer  les po- produits halieutiques.  Qui  contrôle    de BOILAT,  Kahone était  prospère.
     tentielles  économiques  de l’espace  la rivière devient donc maître des ri-   « Au Sud du royaume de Sine est
     et l’importance de la  Gambie sur-     chesses et par conséquent contrôle      placé le royaume du Saloum, le plus
     tout sur  le plan  commercial.  Mais  le pouvoir  politique. Il  semble que    commerçant de toutes les contrées
     aussi de constater que l’agriculture  des mythes ont été même inventés         habitées par les sérères. Le princi-
     et l’élevage étaient les activités do-  pour le contrôle de la rivière. Nous   pal commerce se fait à Kawour la ca-
     minantes dans les régions qu’il avait  pensons  que la  surveillance  du       pitale du royaume. Là se réunissent
     visitées. Après sa victoire sur Ali Eli  bras de mer par les génies dénom-     les marchands  mandings qui y ap-
     Bana ; il était allé voir le génie San-  més : « Mama youngoumél, Laga et      portent de l’or, de l’ivoire et des es-
     ghomare afin de négocier la rivière  M’bossé » était  une stratégie pour       claves. (…) ».
     dénommée rivière du Saloum. À son  contrôler la  rivière car le pouvoir        En analysant l’échec de la création
     retour, Mbegaan monta sur son che-     politique n’avait ni la logistique  ni   d’un comptoir  commercial  au  Sa-                                           Omar Mallé SAKHO
     val et planta son sabre et l’eau le sui-  les hommes pour la surveillance. La   loum,  A, Dessertine  pense que «                                      Chercheur UCAD, Laboratoire LARHISA
     vit dans le sillon tracé par son sabre  mainmise sur le  cours  d’eau  avait   l’importance  (…) des  quantités de
     sur le  chemin du retour. Le sillon  eu un écho chez les auteurs portu-        marchandises qui devaient transiter

     32 BIRAMAWA MAGAZINE                                                                                                                                                                                                     BIRAMAWA MAGAZINE
                                                                                                                                                                                                                              33
   27   28   29   30   31   32   33   34   35   36   37