Page 29 - Biramawa mag N°1 Du 17 Juin 2020

Le Rôle du de l’Europe. Le terroir qui allait de-
Sel dans
l’histoire du
Saloum
Introduction
Aliment indispensable à la vie et à
la santé de l’homme et des animaux,
le sel était un produit stratégique.
Dans sa thèse intitulée « Un exemple
d’économie coloniale. Le Sine-Saloum
(Sénégal), de 1887 à 1940 : cultures
arachidières et mutations sociales »,
Paris, université Paris VII, 1978. Mou-
hamed. Mbodj a montré que, grâce à
l’économie arachidière, le Sine-Sa-
loum était la première région écono-
mique de l’A.O.F dans les années 30.
La puissance du Saloum à l’époque
coloniale était fondée sur un produit
de rente. Certes, la période coloniale
est une période charnière mais, il
existe au Saloum, un processus his-
torique important antérieur à la pé-
riode coloniale. De ce fait, la question
qu’on se pose est de savoir sur quels
produits la puissance du Saloum était
fondée ? Cette curiosité nous pousse
à mener des recherches sur le sel qui
est une donnée naturelle pour la ré-
gion.
Le Saloum était un espace situé dans
une région qu’on a appelé la Séné-
gambie. On voit là qu’« il s’agit de
toute la façade atlantique correspon-
dant au secteur du littoral africain
franchement tourné vers l’Ouest ».
En effet, sa vaste étendue de côte ex-
posée à des vents dominants forts et
chauds durant toute la saison sèche,
combinés à l’existence de marais sa-
lants, la côte sénégambienne était de
tout temps destinée par la géographie
et le climat à être un pays producteur
de sel à l’image de la côte Atlantique
thique et religieuse, le conflit semble
venir le royaume du Saloum au XVIe avoir un soubassement politico-éco-
siècle était une zone productrice en nomique. En effet, l’environnement
grande quantité. Sa particularité ré-
du Saloum offrirait d’énormes ri-
chesses naturelles dont la mainmise
sidait dans le fait qu’à 140 km envi-
ron de la côte à l’intérieur des terres, peut être la source du conflit. La ri-
on peut produire le sel marin grâce à vière du même nom qui constitue
l’existence « (…) "[d’] un bras de mer la colonne vertébrale de la géogra-
qui s’enfonce profondément dans les phie du Saloum était à la fois un axe
terres et s’irradie en un nombre infi-
commercial et source d’exploitation
ni de marigots (…) ». Ainsi, l’eau salée de sel et des produits halieutiques.
La richesse entre les richesses donc,
de la rivière constitue la matière pre-
mière pour la production de sel. c’est la rivière. Elle représentait pour
Notre travail consiste à mettre en le Saloum, ce que « le Nil » signifiait
relief l’une des données qui a ser- pour l’Égypte.
vi à construire progressivement les L’analyse des lieux de conflit révèle
contours de l’espace Saloum. Il s’agit que la zone convoitée se situait à la
donc de montrer le rôle du sel dans le lisière de la rive gauche plus préci-
processus de la configuration de l’es- sément dans le pays qu’on appelait
pace Saloum. le « Mbey ». Au-delà de sa vocation
agricole, la localité abritait les plus
importantes salines naturelles. Dès
La lutte pour le contrôle des sa-
lors, elle devint un enjeu pour tous
lines ceux qui avaient des visées sur le
Les sources orales que nous avons Saloum. Et on comprend alors pour-
consultées mentionnent que c’est quoi, Mbégaan le premier Roi de Sa-
Mbegaane Ndour qui fut le premier loum n’avait pas érigé sa capitale à
roi du Saloum après sa victoire sur Mboudaye (village de son père). Sa
Ali Eli bana. Le conflit qui l’opposait capitale était Kahone située à la rive
avec ce dernier est souvent présen- gauche non loin des salines de Nga-
té sous la forme anecdotique d’un thie ; contrairement à Mboudaye si-
conflit au dénouement mystique tué à l’ouest de Laguème. Un autre
entre un patriarche sérère et un ma- fait suscite aussi notre attention :
rabout toucouleur. La tradition avait l’élimination de Diattara tembedou
mis en avant l’aspect mystico-légen- à Ngathie. Selon Abdou Boury Ba «
daire en évoquant la métamorphose après avoir réussi à s’emparer du
de Mbégaane et sa sœur. « Un jour pouvoir par ruse, (…) Mbégane eut
Mbégaane fit part à sa sœur ses an- à combattre Diattara Tembedou, un
goisses de ne pouvoir conquérir la chef musulman d’origine Sarakholé.
couronne au détriment d’Ali Eli bana Diattara avait remplacé Ali Eli bana
qui s’était entouré d’une troupe aguer- pendant quelques jours, mais au-
rie et convaincue. Sa sœur le suggé- rait été tué par les sérères, partisans
ra le stratagème suivant : Mbégaane de Mbégane, tout près du Village de
devait se transformer en serpent et Ngathie où se trouve son tombeau
cacher dans la babouche du chef tou- appelé « khatoubDiatara ». La tradi-
couleur pendant qu’il priait dans la tion prend ce dernier comme le suc-
mosquée ; à la sortie d’Ali Eli bana ; cesseur d’Ali Eli Bana. Mais d’après
Mbégaane allait mordre celui-ci au une autre source, « Diattara au dé-
pied et sa sœur alors changée en but était un allié de Mbegaan. Il était
chatte, viendrait attraper « le serpent l’époux de sa sœur. Il est le père de
» pour disparaître avec lui ». sa nièce Mingué Diattara, la mère du
Au-delà de son interprétation my- troisième Roi de Saloum : Lat mingué
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