Page 122 - 2011 JUne Chinese Art, TAJAN auction Paris France
P. 122

376 — LIN FENGMIAN (1900-1991)
JEUNE FEMME AU VASE DE PIVOINES
Encre de Chine et couleurs sur papier à paillons d’or
Cachet et signature en bas à droite.
(Traces de pliure et d'humidité et petites déchirures)

DIM. À VUE : 41 X 49 CM

30 000/50 000 €

Notre peinture s'inscrit dans un cycle d'œuvres que Lin Fengmian (1900-1991) consacre, à partir de 1948 et plus particulièrement aux alentours de 1960, à l'évo-
cation de la vie domestique de jeunes rêveuses décrites dans des intérieurs que vient seulement animer un grand vase de fleurs*.

Nonchalamment assis sur un siège dont le contour est rendu imperceptible par l’opulence de ses atours, notre modèle est décrit dans l'abandon de la rêverie. Les
yeux mi-clos, la tête légèrement inclinée sur la gauche, la main droite réajustant presque mécaniquement la coiffure et le bras gauche accompagnant ce geste. Dans
cette atmosphère puissamment onirique, la seule place concédée au pittoresque est un vase à long col accueillant trois pivoines. La description de l’espace se limite
quant à elle à une baie, diffusant une lumière quasi-irréelle, qu'encadrent des tentures de voile faisant écho avec la fluidité des étoffes de notre élégante.

Lin, fils d’une famille de charpentiers du Guangdong, débarque en France en 1918 dans le cadre du mouvement « Travail – Études » autorisant le séjour d’étudiants
chinois disposés à suppléer les ouvriers disparus aux champs d’honneur. Ouvrier le jour, il étudie le soir la peinture à l’huile, d’abord à Dijon, puis à Paris dans les
académies de Montparnasse. De retour à Pékin en 1925, il est aussitôt nommé directeur de l’École nationale des beaux-arts fondée en 1918 et dirige ensuite la
nouvelle académie du « Lac de l’Ouest » à Hangzhou. En 1952, il abandonne l’enseignement pour se consacrer à son art.

Pour notre peinture, Lin retient de la tradition chinoise ses médiums et support de prédilection : l'encre rehaussée de couleurs et le papier. Aussi, de son propre
aveu, puise-t-il l'archaïsme de ses figures féminines dans les personnages peuplant les céramiques Song : leur "charmante sensualité", exprimée dans "une forme
simple**", limitant ainsi la plasticité du corps du modèle. La tradition chinoise est encore perceptible dans le soin avec lequel l'artiste s'attache, en Xingshu ou "écri-
ture cursive" et par le biais d'un cachet imprégné d’encre rouge, à signer son œuvre. Mais l'opacité des couleurs, seulement contrebalancée par un usage modéré
du lavis, et l'ordre décoratif auquel semble répondre notre peinture sont autant de preuves d'une inclination de Lin pour une conception occidentale de la modernité
en peinture. De même pour la physionomie si particulière de son modèle qui entre directement en résonance avec la sculpture de Constantin Brancusi (La Muse en-
dormie, 1909, Washington, N.G.) ou le canon modiglianien. Enfin, l'entour décoratif de l'œuvre, son caractère dimensionnel, son refus du modelé et des volumes
semblent constituer un ultime rappel de l'art de Matisse.

Ainsi, maître de Zao Wou-ki, Chu Teh-chun et Wu Guanzhong, Lin Fengmian est-il le parangon de ces artistes qui aspirent à la fusion des traditions chinoises et
d'une modernité occidentale parfaitement assimilée.

                                                                                                                         Notes
                                                                                                                         *Hua He, Lin Fengmian, Ein expressionistischer
                                                                                                                         Maler in China, Europaïsche Hochschulschriften,
                                                                                                                         Francfort : Peter Lang, 2007, pp. 179-180.
                                                                                                                         **“Creating a new aesthetic structure : Ling Feng-
                                                                                                                         mian's search for a new language of pictorial
                                                                                                                         form”, in Zoujin Lin Fengmian (The World of Lin
                                                                                                                         Fengmian), Taipei : Gelin, Guoaji Tushu Glongsi,
                                                                                                                         2000, p. 103.
                                                   © Tous droits réservés
                                                                                                                                        © Tous droits réservés

Lin Fengmian, Jeune femme au lotus, vers 1960,     Lin Fengmian, Jeune femme au lotus, vers 1960,
couleurs sur papier, Dim. 69,5 x 67 cm, Shanghai,  couleurs sur papier, Dim. 68,5 x 68 cm, Collection
musée national.                                    particulière.

120 – TAJAN
   117   118   119   120   121   122   123   124   125   126   127