Page 10 - Ihedate - l'annuel 2016 (N°2)
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La deuxième forme d’autorité est le charisme ou le leadership. Nous attendons aujourd’hui de l’enseignant, outre son savoir, de donner envie d’apprendre. Nous demandons aussi au politique, en plus d’être compétent, de nous faire rêver. Mais le charisme crée le doute. Ainsi le terme leader se traduit en allemand par führer et renvoie à l’idée qu’il est possible de faire un mauvais usage de l’autorité charismatique.
La troisième forme, plus complexe et propre aux sociétés démocra- tiques est l’autorité compassion- nelle. La souffrance fait autorité. Quand une personne est victime, quand elle souffre, elle en impose. Mais c’est pour le meilleur (l’humanitaire) comme pour le pire (la politique compassionnelle : « Je souffre donc quelqu’un doit en être responsable».) Cette forme d’autorité est très présente dans l’espace démocratique et pourtant très ambivalente. Il suffit de mettre sur un plateau de télévision un chef d’entreprise très compétent et très charismatique face à un salarié qui vient d’être licencié par ce même patron pour observer la puissance de la compassion. Quels que soient la compétence et le charisme du chef d’entreprise, il en sortira toujours perdant face au spectacle vivant de la souffrance. L’autorité de la souffrance prime sur les autres.
Les trois formes d’autorité de l’âge démocratique sont toutes ambivalentes et ne permettent pas de discerner la bonne de la mauvaise autorité. Comment faire la différence entre d’un côté un visionnaire charismatique et atten- tif aux malheurs des autres et de l’autre un expert un peu gourou qui dégouline de bons sentiments ?
Voici le point clé de notre univers démocratique : nous avons des ressources, mais il nous manque les critères nous permettant de distinguer un bon usage d’un mauvais usage de l’autorité.
Pouvons-nous identifier ces critères ? Il me semble que ce n’est pas hors de portée. Une formule illustre cette autorité : « La bonne autorité, c’est celle qui permet de faire grandir aussi bien celui qui l’exerce que celui qui s’y soumet ». La bonne autorité, celle de l’univers démocratique, est donc ce qu’on pourrait appeler « une autorité de service », une autorité qui se met au service de ceux sur lesquels elle s’exerce. Mais ce doit être aussi une autorité limitée dans sa temporalité et dans son étendue. Et enfin, ce doit être une autorité réfléchie.
L’autorité
de la souffrance
prime sur
les autres
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