Page 9 - Ihedate - l'annuel 2016 (N°2)
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L’autorité à l’âge démocratique
ELLE S’AFFICHE DANS LES MÉDIAS MAIS AUSSI DANS TOUS LES SECTEURS DE LA SOCIÉTÉ, LA FAMILLE, L’ENTREPRISE OU LE POLITIQUE. LA CRISE DE L’AUTORITÉ.
MAIS DE QUELLE AUTORITÉ PARLONS-NOUS ? LORS DE LA PREMIÈRE SESSION DE L’IHEDATE DE L’ANNÉE 2016, LE PHILOSOPHE PIERRE-HENRI TAVOILLOT NOUS OFFRAIT SON ÉCLAIRAGE SUR UNE AUTORITÉ DONT L’ORIGINE, LE SENS ET LA MISE EN ŒUVRE NOUS ÉCHAPPENT ALORS QU’ELLE SATURE L’ESPACE PUBLIC.
L’aménagement du territoire peut-il être démocratique ?
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Pierre-Henri Tavoillot
Philosophe, maître de conférences à l’université Paris-Sorbonne (Paris IV) et président du Collège de Philosophie. Directeur du master « Métiers de l’entreprise », il est aussi membre du Comité d’éthique du CNRS (Comets) et chargé de cours à Sciences Po.
Il faut distinguer l’autorité du pouvoir puisqu’il existe du pouvoir sans autorité et de l’autorité sans
pouvoir. L’autorité se distingue aussi de la contrainte. Elle n’a pas non plus besoin de justification rationnelle. Mais alors qu’est-ce que l’autorité ? Autorité vient du latin augere qui signifie augmen- ter. L’autorité augmente un pouvoir ou un argument grâce à ce qu’on pourrait appeler une substance. D’où vient cette substance ?
L’humanité a trouvé trois grandes réponses massives : le passé, la nature et le divin. Le passé renvoie à l’idée que le pouvoir ou l’argument viennent des anciens, qu’ils ont été hérités. Issu d’une forte tradition, le passé ne laisse aucun choix. La nature renvoie au cosmos hérité des Grecs, c’est-à-dire à un ordre parfait, immuable, juste, beau et bon. Pour qu’il y ait autorité, il faut que le pouvoir ou l’argument coïncident avec cet ordre. Enfin le divin renvoie à l’idée que l’autorité vient de Dieu, d’une transcendance sacrée. Si l’autorité vient du passé, sa source est antérieure. Si elle vient de la nature, elle est extérieure. Enfin si elle vient de Dieu, elle est supérieure.
Pourquoi ces trois formes ont-elles été ébranlées dans l’univers démocratique ? La crise de l’autorité ne date pas de mai 1968, mais de l’Epoque moderne, de l’invention de la démocratie. L’autorité tradi- tionnelle est alors contestée dans ses trois formes qui s’effondrent simultanément. Il faut tout recons- truire avec un nouveau cahier des charges : reconstruire non plus à l’extérieur de l’humain, que ce soit dans le passé, dans la nature ou à travers Dieu, mais à l’intérieur de l’humain pour y puiser les ressources qui permettront d’aug- menter un pouvoir ou un argument. Et c’est sur ce modèle que nous fonctionnons depuis 400 ans.
Quelles perspectives trouvons-nous dans les tentatives de reconstruction de l’autorité ? Trois formes d’autorités sont disponibles dans l’espace démocratique. La première forme est l’autorité de la compétence ou du savoir. Il est avant tout demandé à un homme politique de connaître ses dossiers. Il est demandé à un chef d’entreprise, mais aussi à un parent, d’être compétent. Pourtant la compétence ne suffit pas car nous nous méfions des compétents et des experts. La vérité ne suffit pas à construire l’autorité.


































































































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