Page 72 - IHEDATE - L'annuel 2017
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Nous avons le souci constant de pouvoir faire face à un incident et de récupérer la situation. Mais nous sommes complètement interdépen- dants dans les meilleurs comme dans les moins bons moments.
À quoi sert le réseau européen ?
D’abord à mutualiser les secours. Aujourd’hui, nous avons une réserve de 3000 mégawatts en Europe. Si tous les pays étaient seuls, ils auraient besoin de beaucoup plus de marges. Si une centrale de 1000 mégawatts rencontre par exemple un incident, ce sont l’ensemble des centrales de tous les autres pays qui vont produire un peu plus pour compenser cette perte. Cette réponse se fait dans les secondes qui suivent l’incident, et ce pour garantir l’équilibre européen. C’est mécanique. Les secours sont donc mutualisés. Un autre béné ce est l’utilisation à l’échelle européenne des mix énergétiques complémentaires.
Y a-t-il une ré exion à l’échelle européenne sur la politique énergé- tique de chaque pays membre ?
On parle de politique énergétique européenne mais il n’y a pas d’injonction pour que chaque pays privilégie telle ou telle lière. Chaque pays est libre de développer les sources d’énergie de son choix, dans la mesure où il respecte les objectifs 2020 . On a vu que l’Allemagne avait décidé d’arrêter le nucléaire et qu’elle a quatre fois plus de photovoltaïque et d’éolien que la France. C’est son choix. Mais l’éolien allemand ne fonctionne pas tout le temps et l’Allemagne a besoin de la production venant des pays voisins. C’est l’appréciation de l’ensemble qui a du sens.
L’Europe de l’énergie ne constitue-t-elle pas une politique européenne du mix énergétique de fait ?
En effet, chaque pays choisit le mix qui lui convient, mais ce que nous demande la Commission, c’est de mettre le réseau par-dessus, comme si l’Europe n’était qu’un seul et même pays. L’Europe de l’énergie, c’est la possibilité d’avoir un réseau qui permette de mettre en regard toutes les ressources et de pouvoir utiliser à tout moment le meilleur mix européen. Mais le meilleur est sujet à discussion. Est-ce que le meilleur, c’est le plus économique ? Le plus propre ? À voir. En tant qu’opérateur de réseau, nous n’avons pas à avoir d’avis. Nous facilitons le choix du politique.
Comment se passent les échanges
avec vos voisins européens ?
L’Allemagne a des grands gisements d’éolien dans le nord. Quand il y a beaucoup de vent, les ux passent où ils peuvent, là où le réseau le permet. Une partie va en France, en Pologne, en République tchèque, en Belgique. Si ces ux nous gênent, on peut décider de couper les éoliennes mais ce serait de la production perdue. On peut aussi se coordonner entre pays européens pour dire «attention, demain le vent va souffler fort en Allemagne et des ux vont débouler partout en Europe». Nous sommes donc obligés de discuter quotidiennement avec nos collègues européens de la météo du lendemain pour savoir quels ux vont arriver et comment les prendre en compte dans l’exploitation du système. Selon la météo et les conditions de marché , les ux peuvent s’inverser plusieurs fois par jour. Cela nécessite davantage d’intelligence et de coordination entre pays.
Pour lutter contre le changement climatique, l’Union européenne s’est xée des objectifs : réduire de 20% ses émissions de gaz à effet de serre (par rapport aux niveaux de 1990), porter à 20% la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie nale et améliorer de 20% son ef cacité énergétique. La production la moins chère peut changer d’endroit au l de la journée. Les ux vont des zones les moins chères vers les zones les plus chères.
En fonction de ces prix, les ux physiques changent donc de sens.
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