Page 65 - IHEDATE l'annuel 2015
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Des entreprises et des territoires I65
PHILIPPE ESTÈBE
Sur les traces de la troisième Italie
En matière industrielle, notre regard est en permanence tourné soit vers la Chine, soit vers
l’Allemagne. Notre voisin transalpin reste célèbre chez nous pour ses produits emblématiques, son alimentation de qualité, son patrimoine exceptionnel et son art de vivre. Mais il ne nous viendrait pas spontanément à l’esprit de le considérer comme un pays industriel, au même titre que nos cousins germains. Or les chiffres nous réservent des surprises : là où notre balance manufacturière est déficitaire, celle de l’Italie est excédentaire de près de 60 milliards d’euros (avant la crise de 2008) ; la valeur ajoutée totale de l’industrie
dans le PIB italien s’élève à plus de 23 % contre moins de 20 % pour l’industrie française.
Une part importante de cette valeur ajoutée est produite dans le triangle industriel Gènes/Turin/Milan, que certains économistes appellent « la première Italie », par opposition à la deuxième, celle du sud, dont le dynamisme industriel n’est pas la caractéristique principale. Mais il existe une « troisième Italie», mise en lumière à la fin des années 1970, qui se démarque autant de la première que de la deuxième. C’est l’Italie des villes moyennes, jouissant d’une longue histoire d’autonomie municipale,
qui s’étend de la Toscane au Frioul et à la Vénétie Julienne. C’est surtout un territoire densément peuplé d’entreprises petites et moyennes : l’Emilie Romagne, en plein cœur de la troisième Italie compte plus de 440 000 entreprises pour 4,5 millions d’habitants, soit une entre- prise pour dix habitants contre une pour vingt habitants en France.
Ces entreprises produisent de tout : du textile, des chaussures, des meubles, de la mécanique, des voitures, des bijoux, des yachts de luxe, des machines-outils, des distributeurs de boissons, de glace, de café (et j’en passe). Certaines de ces entreprises sont de très petite taille - on trouve à Prato, près de Florence, des centaines d’ateliers textiles d’une dizaine de travailleurs - d’autres sont de grosses PME, comme Lotto, à Trévise, qui emploient plus de 3000 salariés et produit des chaussures de sport et de loisir. Mais toutes ont en commun de s’inscrire dans une géographie économique particulière, celle des districts industriels. Selon Michael Porter, le district (ou cluster) est une concentration géographique d’entreprises liées entre elles, de fournisseurs spécialisés, de prestataires de services, d’industries connexes et d’institutions associées (universités, agences de normalisation ou organisations professionnelles), dans un domaine particulier, qui s’affrontent et coopèrent.
LE PLUS IMPORTANT DE SES DISTRICTS EST DÉDIÉ À LA MODE.
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