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 toutes les solidarités (territoriales, profession- nelles, familiales et religieuses) et institue une soli- darité nationale destinée à prendre le relais des modes traditionnels de solidarité.
Apparaît alors une nouvelle forme de citoyenneté, la citoyenneté sociale, qui se superpose à la citoyen- neté politique et civile, établie sur l’acceptation du paiement de cotisations en contrepartie du droit de recevoir des prestations.
Les cotisations issues du grand nombre des ci- toyens sociaux confluent en de puissants moyens financiers, puissance dont l’anonymat est le pen- dant, lui qui encourage un individualisme préda- teur, tendant à considérer ces régimes comme au- tant d’entités aux poches profondes...
Dans un second temps, à partir des années 1980 et de ses ténors Thatcher et Reagan, le néo-libéra- lisme prôné par les écoles économiques de Vienne et de Chicago, mû par le principe popularisé « le problème, c’est l’Etat » s’est attaqué à l’Etat -Provi- dence. Le principe - l’un de ceux constituant le consensus de Washington - en est bien simple : l’entreprise privée est réputée plus efficace que l’Etat car ses dirigeants ont des comptes à rendre aux actionnaires et sont directement intéressés aux résultats. De plus, l’Etat est affublé soit des ori- peaux du pire des actionnaires, soit de ceux d’un indigent bien trop endetté, ou encore comme un re- paire de fonctionnaires corrompus, discriminant dans l’attribution de marchés publics les plus pe- tites entreprises aux moyens corrupteurs moins in- téressants que ceux des grandes...C’est ainsi que, considérée comme un frein à l’expansion de la lo- gique marchande, la solidarité devient une cible privilégiée de l’ultralibéralisme.
Ajouter à cela que la construction européenne laisse toute liberté de s’exercer au law shopping des entreprises multinationales qui font jouer la concurrence sociale et fiscale entre les Etats Membres, oubliant ainsi de jeter les bases finan- cières des solidarités nationales ou européennes, et la dérégulation, encore en marche à présent, progresse.
Quant aux pays endettés de la zone Euro, il peut se faire que les marchés dérégulés spéculent sur leur dette, et que la Troïka (BCE + Commission + FMI) leur impose en tant que plan d’ajustement la priva- tisation et le démantèlement de l’Etat social, piéti- nant ainsi non seulement les compétences recon- nues aux Etats par les traités européens, mais violant de surcroît des droits fondamentaux recon- nus par le droit international.
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3.4. TRANSITION
Ceci étant rappelé, il faut affirmer avec force, et sur la base de l’expérience acquise dans la lutte contre la pandémie, que la solidarité a encore et toujours un rôle primordial à jouer. Et ce, à l’échelon de l’Etat. En effet, si l’Etat se montre faillible à garantir que les droits fondamentaux sont respectés, il laisse la porte ouverte à l’expression des solidarités com- munautaires, à base ethnique ou religieuse. Et aux liens féodaux que les forts exigent des plus faibles pour leur assurer quelque protection.
En l’absence d’une politique affirmée de solidarité, l’Etat navigue à vue, en laissant au gré de ses choix financiers à court terme, le marché de l’assurance grignoter la solidarité civile, et les citoyens adhérer volontairement à des organismes à but non lucratif. Non sans que des dérives libérales du Conseil Constitutionnel ou l’amnésie frappant parfois la Mutualité française quant à ses principes tradition- nels ne viennent entamer la garantie qu’est censée apporter l’Etat aux citoyens, alors que c’est pour- tant là une de ses missions essentielles.
Mission qui relève peut-être davantage de la philo- sophie politique et sociale que du droit : le concept de solidarité jouit d’une grande vigueur, mais dé- note aussi une maniabilité politique délicate, elle qui peut aussi bien servir à analyser les phéno- mènes d’isolation communautaire qu’à les dépas- ser.
la solidarité dépend fortement des circonstances dans lesquelles elle est amenée à s’exprimer : en situation de nécessité, elle émerge comme ligne directrice quasi-instinctive des parties prenantes.
   Commission Nationale de Réflexion sur le Développement Durable (CNRDD) Mars 2021 - P113
3.4.2. SOLIDARITE




















































































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