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Comment l’humanisme des Lumières n’a-t-il pas protégé les Hommes d’un tel manque d’anticipation ?
Covid est arrivé, et le GODF, en dernière ligne de la dernière page de son livre blanc, évoque un Huma- nisme écologique. Pour certains, tout serait à re- mettre en cause : la Science, le Cartésianisme, Darwin, le Progrès, la Raison : essayons d’y voir plus clair.
Une des caractéristiques du cadre conceptuel de la « modernité » serait d’avoir placé l’extériorité de l’homme à la nature. Dans cette partition, on a dé- cliné des dimensions ontologiques, scientifiques, et morales. Or, c’est justement cette partition qui est remise en cause par les développements contem- porains de la Science, ouvrant de nouvelles concep- tions, suivant la place que l’on a donnée, et que l’on pourrait donner aujourd’hui à l’homme et à la na- ture.
A - SUR LE PLAN ONTOLOGIQUE, depuis toujours l’Homme est hanté par l’explication de sa présence, se disputant avec Dieu ou la Nature le statut de su- jet ou d’objet.
- Pour les pré Socratiques , la Nature est le grand principe, source de ce qui est. La Nature EST l’être.
- Le christianisme introduit une profonde rupture avec la pensée grecque. Loin d’être éternelle et né- cessaire, la nature est une création contingente : mise sous tutelle de la nature, prééminence de l’hu- main. Dieu dominant.
- Pour Rousseau, la nature n’est qu’harmonie et l’homme chaos, l’état primitif de l’un comme de l’autre sont idéalisés
- Jusqu’à Darwin qui donne, avec sa théorie de l’évolution naturelle ( devenue plus tard CO- évolu- tion ) la belle place au hasard.
Aujourd’hui, Gabriel Neyrat, dénonçant la représen- tation d’un objet-terre et d’un sujet-homme pointe dans les discours anti-humanistes ou post-
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UNIVERSALISME, HUMANISME ET ÉCOLOGIE
1.2.
LES CLÉS MAÇONNIQUES POUR UN FUTUR PLUS HUMANISTE ET ÉCOLOGIQUE
humanistes (Sloterdijk, Stiegler ou M.Serres) un at- tachement encore « humaniste » à l’idée d’excep- tion, donc de privilège humain. Le mot « humanisme » sans adjectif voudrait-il alors aujourd’hui dire : place de l’humain en premier, lui permettant d’as- servir le reste ? Pour lui, l’Homme doit être replacé comme minuscule partie du cosmos et passer d’une vision géocentrique à une vision cosmologique. Changement radical d’ontologie : réaliser que la Terre est LA CONDITION. Pour Arne Naess, nous n’avons pas opéré la conversion du regard qui envi- sage la nature comme un réseau où chaque être vivant est un « nœud », « soutient avec l’autre une relation intrinsèque », un champ de coexistence et d’interactions où « toutes les formes de vie ont une valeur inhérente », et « un droit égal » de s’épanouir ( égalitarisme biosphérique ) .
B - SUR LE PLAN DU DROIT, de ce fait, les bio-cen- tristes veulent faire reconnaître un statut moral à tous les êtres vivants, considérant qu’ils possèdent une valeur en tant que telle, indépendante de leur utilité pour l’Homme. Et qui dit statut moral dit sta- tut juridique. Valérie Cabanès appelle à « recon- naître la Nature comme sujet de droit. » Aujourd’hui, le droit manque d’une vision écosystémique et la reconnaissance de l’écocide (avec son application !) permettraient d’adopter une posture préventive à tous les dérèglements, dont les acteurs politiques et économiques restent impunis. Par ailleurs, le statut de « personne non humaine » accordé à cer- taines autres espèces animales commence à faire son chemin dans les mentalités, même au sein des institutions juridiques. Ajoutons un peu d’utopie ou de poésie : certains penseurs du vivant ou philo- sophes ont parlé de « conseil de tous les êtres vi- vants » , de « parlement des êtres »...
C - SUR LE PLAN MORAL, la Franc-Maçonnerie s’inspire beaucoup de Kant lorsqu’il s’agit de mo- rale et d’éthique. Partant de son impératif catégo- rique « Agis de telle sorte que tu puisses également vouloir que ta maxime devienne Loi universelle », Hans Jonas introduit un nouvel impératif: « Agis de telle façon que les effets de ton action soient com- patibles avec la permanence d’une vie authentique- ment humaine sur terre ».
Commission Nationale de Réflexion sur le Développement Durable (CNRDD) Mars 2021 - P34
1.2.2. QU’EST-CE QU’UN HUMANISME ECOLOGIQUE ?