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NOUS N’ASPIRONS PAS AU REPOS, LES SOLUTIONS SONT À NOTRE PORTÉE !
3.3. POLITIQUE
Ces changements de nature des territoires et la croissance démographique ont intensifié les contacts entre les espèces. La chauve-souris, vé- ritable laboratoire de création de virus, s’est re- trouvé au contact direct des populations humaines. Les zoonoses2 (transmissions des agents infec- tieux d’une espèce à une autre) se sont multipliées. L’homme n’y a pas échappé. La mondialisation a exporté ces virus sur tous les continents. 140 zoo- noses virales ont été répertoriées depuis les 10 dernières années3 . La fréquence d’apparition de ces nouvelles maladies a été multipliée par 10. C’est ainsi qu’est née la Covid-19. Et c’est main- tenant tous les ans qu’une maladie émergente est découverte.
Emmanuelle Leroux se remémorait cette de- mi-journée où la commission 5C avait pris ses fonctions ; tous n’étaient pas encore là. Elle avait demandé au groupe de lui expliquer pourquoi et comment avait surgi ce virus. Elle avait lu nombre d’articles, et écouté les scientifiques des com- missions précédentes, mais elle souhaitait avoir une autre vision des évènements. C’est Etienne en tant que porte-parole qui commença à éluci- der les tenants et les aboutissants. Son parcours scientifique et philosophique lui avait donné une vision systémique des problèmes. Pour lui, tout était lié, et l’interaction des évènements s’expli- quait par la profonde interdépendance de chaque chose dans l’univers. Ainsi un battement d’aile de chauves-souris avait contraint l’humanité à mettre genou à terre.
Les scientifiques dans leur spécialité développaient les conséquences des effets expliqués par le col- lègue précédent. Ainsi, Samuel Sitter le paléoan- thropologue conta l’histoire d’Homo sapiens, ap- paru il y a 300 000 ans et qui supplanta les autres espèces humaines. Venues d’Afrique, douées de capacités d’abstraction, de création et de com- munication, les tribus d’Homo-Sapiens, s’étaient élevées au premier rang de la chaîne alimentaire. N’ayant plus de prédateur et se reproduisant d’une façon exponentielle, elles avaient réussi à dompter la nature. Puis, sortant de sa condition de chas- seur-cueilleur, l’homme moderne trouva les res- sources pour s’acclimater sur toutes les latitudes de la planète4 .
Les sociologues expliquèrent ensuite dans la suc- cession des civilisations, l’influence du fait religieux dans l’élaboration des relations entre humains et ressources naturelles. L’économiste et historienne, Noëlle Aldrin raconta entre autres, l’origine du sys- tème capitaliste que nous connaissons aujourd’hui, avec sa logique passablement destructrice pour l’environnement. À tour de rôle, les universitaires élucidèrent avec clarté les articulations histo- riques, socio-économiques, géopolitiques et cultu- relles, à l’origine de la situation présente. La Pré- sidente, fascinée par ce cours particulier avec les meilleurs professeurs du monde, écoutait l’inexo- rable logique d’un effondrement annoncé. Pour la résumer, des études incontestables démontraient que l’effondrement d’une civilisation était lié à deux facteurs, l’épuisement des ressources naturelles qui la faisaient vivre, et l’accroissement des inégali- tés dans la population.
L’économiste et politologue Henri Bresson, spécia- liste du XXème siècle démontra notamment que si les classes sociales des pays occidentaux s’enri- chirent, ce fut toujours au détriment des pays du Sud se dégageant difficilement d’un passé colonial5.
Par ailleurs, une pensée unique se fit jour sur le plan économique, notamment sous l’influence de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) et du Fonds monétaire international (FMI), tenants d’un libéralisme sauvage où concurrence et dumping social à l’échelle planétaire aggravèrent des iné- galités déjà criantes suite aux lois du capitalisme engendrant une concentration de la puissance fi- nancière en de puissantes multinationales, dispo- sant de budgets aujourd’hui supérieurs à ceux de beaucoup d’Etats.
Ce système reposant sur une croissance conti- nue de la consommation aboutit aujourd’hui à des courbes exponentielles décrivant l’utilisation des ressources naturelles (énergies fossiles, pêche, es- paces agricoles et forestiers), à l’origine du réchauf- fement climatique, de la perte massive de la bio- diversité, et de l’acidification des océans. En 1972, des chercheurs publièrent le rapport Meadows qui soulignait déjà les limites de la croissance dans un monde fini et annonçait un écroulement des res- sources et des économies pour les années 2030.
Commission Nationale de Réflexion sur le Développement Durable (CNRDD) Mars 2021 - P106
3.3.4. LE TEMPS DE LA PANDÉMIE