Page 9 - Voyages & Groupe n°33

Journal de crise
La crise sanitaire va accélérer la tendance vers un tourisme bienveillant.
Lionel Flasseur,
Directeur général d’Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme
Voyages & Groupe : Comment fonctionne aujourd’hui Auvergne- Rhône-Alpes Tourisme ?
Lionel Flasseur : Dès le 17 mars, nous avons mis la totalité de nos effectifs, soit 64 salariés en télétravail. Confor- mément aux préconisations gouverne- mentales, nous les avons ensuite incités à poursuivre ainsi, à partir du 11 mai, tout en laissant le choix à certains colla- borateurs de revenir sur leur lieu de travail s’ils le souhaitaient. Auparavant, nous avons fait le nécessaire pour que nos locaux de Lyon et de Clermont-Fer- rand soient sécurisés et équipés comme il convient du point de vue sanitaire. VG : Quelles sont les actions que vous entreprenezavecles opérateursdu tourisme depuis le début de la crise ? L.F. : Nous avons mis en place très rapi- dement des web-séminaires de façon à aider les professionnels dans la situation si particulière dans laquelle ils vivent. Régulièrement, nous organisons des rencontres thématiques : l’accès aux aides au tourisme, les questions fiscales, juridiques... Nous avons aussi mis aussi en place une veille pour recenser et diffuser les informations des différents médias et sites web de façon qu’ils puis- sent être informés sur les évolutions qui interviennent sur leurs marchés.
VG : La situation budgétaire et les investissements sont-ils modifiés par la crise sanitaire ?
L.F. : Pour la promotion, nos budgets sont stables depuis trois ans. Nous ve- nons de proposer aux départements et offices de tourisme d’abonder leurs opé- rations selon le principe d’un euro pour un euro. Quant à la région, elle a mis en place des prêts de 5 000 euros pour les entreprises de moins de 10 salariés.
VG : Quel est l’enjeu de la saison d’été qui se profile ?
L.F. : Auvergne-Rhône-Alpes enregistre annuellement 160 millions de nuitées, dont 52 % se situent en été, de mai à octobre. Avec 21,2 milliards d’euros de revenus touristiques, nous sommes la deuxième région française, bien qu’en été la contribution économique soit lé- gèrement moindre qu’en hiver. En ce qui concerne la situation actuelle, nous estimons que le secteur a déjà perdu 2 milliards d’euros entre le 15 mars et le 11 mai, 2,5 milliards d’euros jusqu’en juin.
VG : omment la voyez-vous et qu’en at- tendez-vous ?
L.F. : Si le secteur touristique est sans doute le plus lourdement impacté de l’économie, c’est celui pour lequel on a le moins de visibilité, le plus d’incerti- tudes. Elles sont liées aux questions de déplacements, d’ouverture ou de fer- metures de frontières, d’aléas sanitaires sur nos propres destinations comme aussi sur nos différents marchés. Nous
parlons d’un plan de transition plutôt que d’un plan de relance. Ce sera de toute façon une saison particulière qui va se réaliser uniquement sur des dis- tances courtes.
Et cette crise va accélérer la mutation des comportements dont nous avions déjà aperçu les prémisses depuis quelque temps.
VG : Vous aviez lancé le concept de
« tourisme bienveillant », est-il adapté à la crise actuelle ?
L.F. : Bien avant la crise sanitaire, avec la honte de prendre l’avion, par exemple, on sentait bien que les aspirations de la clientèle évoluaient vers une plus grande préoccupation environnementale, une attention particulière au respect de la nature, des activités douces et ac- tives... Ces attitudes s’en retrouveront renforcées cet été.
Mais auparavant, il faudra trouver les moyens pour lever plusieurs verrous qui vont freiner la transition : la peur de sortir et de s’éloigner, l’accessibilité avec la question des transports et celle du pouvoir d’achat qui ne vont pas man- quer de se poser. Compte tenu de la si- tuation, elle ne se fera qu’avec des clien- tèles d’ultra proximité.
En Auvergne-Rhône-Alpes, elle représente tout de même 27 % de la fréquentation. Mais c’est autant que l’Ile de France. L’arrêt du tourisme a été brutal mais sa reprise se fera très progressivement.z
Voyages & groupe 33 - MAi 2020 - 9