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                clients ! La visite passe aussi par la grande tréfilerie, où les bobines de fil (de deux à trois tonnes chacune) sont travaillées par six tambours pour en réduire le dia- mètre. Ou encore du côté du frot- toir pour transformer les clous noirs en clous gris. Pour le bleu, ce sera dans le four à... bleuir. Et une dernière étape : l’emballage. Depuis l’origine, c’est toujours par cartouche (paquet) de cinq kilos, ficelés et noués avec du raphia, façon Rivierre ! Estam- pillés aussi par un lion rouge, symbole d’une usine d’une autre époque, où le temps semble s’être arrêté en pleine révolution industrielle...
Tout en dentelles...
Changement de décor et d’époque, avec le musée de la Dentelle installé à Chantilly. Un savoir-faire cantilien qui remonte au XVIIe siècle. « Depuis sa réou- verture en septembre 2016, la visite du lieu s’articule autour de trois salles proposant un retour sur l’histoire de la dentelle en général, avant de s’intéresser à celle de Chantilly, sa production et ses différents métiers, résume Sarah Gillois, animatrice de l’ar- chitecture et du patrimoine. Mais, à partir de septembre 2019, le musée, qui occupe aujourd’hui uniquement le rez-de-chaussée d’un ancien hôtel particulier, doublera de surface en ouvrant de nouvelles salles au premier étage (les travaux sont en cours, ndlr), permettant ainsi de mettre plus avant les collections, de créer des mises en situation de donner un plus large aperçu du travail de la dentellière et d’étoffer nos expositions temporaires ». Venant ainsi renforcer l’attrait d’un musée (bien conçu) qui peut déjà s’enorgueillir de conserver la plus grande collection de den- telle de Chantilly à la main.
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ministre des finances de Louis XIV, qui mettra fin aux importa- tions et fondera en 1665 des ma- nufactures royales de dentelle en France. En identifiant des cen- tres déjà installés sur le territoire national, comme à Alençon, Se- dan, Reims, Le Mans... Sera ainsi créé « le point de France ». A Chantilly, « il faudra attendre 1693, année durant laquelle Anne de Bavière, épouse du prince de Condé, crée une école, la com- munauté de Sainte-Anne, qui comprendra 22 apprenties den- tellières », poursuit Sarah Gillois. Chantilly va d’abord se spécialiser sur de la dentelle « blonde », puis par la suite se singulariser avec de la « noire », particulière- ment fine, ornée de motifs flo- raux.
De l’histoire, place à la pratique et ses acteurs dans la deuxième salle du musée. Avec un homme- clé : le marchand dentelier. C’est lui qui possédait l’outil de travail qu’il mettait à disposition des dentellières, commandait à des dessinateurs des motifs exclusifs, collaborait avec le patronneur, le piqueur (celui qui réalisait les trous pour que la dentellière puisse appliquer ses épingles et réaliser ses motifs). Sans oublier la « demoiselle de parcours » et la raccrocheuse... Autant de mé- tiers et d’étapes de fabrication expliqués en détail, complétés par des anecdotes.
Mais, la concurrence, renforcée dès 1806 par la mécanisation, entraîneront le déclin de la den- telle manuelle dans la seconde moitié du XIXe siècle, comme l’évoque la dernière salle du mu- sée. Malgré des innovations comme l’apport de nuances de gris sur de la dentelle noire... En 1914, Chantilly arrête la pro- duction. Ce sont aujourd’hui les villes de Caudry et Calais qui pé- rennisent, en version mécanique,
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Châles, éventails, ombrelles, robes... mais aussi dessins pré- paratoires, cartons, fuseaux. Cer- taines pièces sont uniques ! « Aux XVIIIe et XIXe siècles, Chantilly fut un centre de production dentel- lière très connu en France, sou- ligne Sarah Gillois. Précieuse et délicate, blonde puis noire, sa dentelle orna les toilettes des dames de la cour, de la reine Marie-Antoinette à l’impératrice Eugénie de Montijo ».
De l’histoire de la dentelle, qui constitue l’introduction à la visite, on retiendra notamment le rôle déterminant joué par Colbert,
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Une des robes exposant le travail des dentellières de Chantilly.
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La Clouterie Rivierre : le point de départ de la visite pour les groupes se fait au comptoir de l’entreprise !
 Radioscopie
© Florent Perville


















































































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