Page 100 - 68254

102 111 Idolâtrie, indépendance et liberté 2 Les Grecs héritèrent alors de l’empire des Perses. Alexandre le
LA MAIN CACHEE également victimes de ces faux espoirs. Le dix-neuvième siècle vit
des Juifs de toute l’Europe délaisser leurs convictions religieuses
pour leur préférer des idéaux laïques. 80% des Juifs d’Europe de
l’Ouest s’assimilèrent ou se convertirent. En Europe de l’Est, en
Pologne et en Russie, même des Juifs apparemment pratiquants
sombrèrent dans une déchéance morale sans précédent. Les Juifs
quittèrent leurs shtetls pour rejoindre les mouvements anarchistes,
communistes, socialistes et bundistes, dans l’espoir de changer leur
situation en Russie. Ils abandonnèrent la Torah et se cherchèrent
un nouveau « messie » en s’inspirant de la vision utopique du
communisme marxiste.
Ce ne fut qu’à la fin du dix-neuvième siècle que de nombreux
Juifs commencèrent à découvrir la vacuité de leurs idéaux et la
vanité d’un monde sans Torah. L’Affaire Dreyfus qui se produisit
5
dans ce contexte leur fit l’effet d’une douche froide, et ce
traumatisme allait trouver un douloureux écho au début du
vingtième siècle avec le Pogrom Kichinev. 6
Voici la description que fit un Juif athée du profond
bouleversement que le Pogrom Kichinev avait opéré en lui : « Mon
ancien cosmopolitisme, internationalisme et autres idéologies
similaires se sont évanouis d’un coup, comme le contenu d’un
tonneau dont le fond aurait cédé. » 7
Rabbi El’hanan Wasserman résume la situation dans son
célèbre ouvrage, Ikvéta D’Méchi’ha (« Les temps du Machia’h ») :
« Revenons à présent sur les “idoles” adorées au cours des
derniers siècles. Les “Lumières de Berlin” (ou plutôt, la stupidité de
Berlin) avaient promis une grande délivrance. Dès que commença à
souffler un vent de libéralisme, les Juifs se hâtèrent d’en être les
plus fidèles représentants. Une fois que le libéralisme fut passé de
mode, ils se tournèrent vers la démocratie, le socialisme, le
communisme, et tous les autres “ismes” dont notre génération s’est
abreuvée. Toutes ces idoles à qui ils sacrifièrent leur sang et leur
99
les idoles
Briser
4
Ce schéma se répéta avec les Perses, qui au début se montrèrent Plusieurs siècles plus tard, Néboukhadnetsar expulsa les Juifs Ce cas de figure est apparu pour la première fois dans l’Égypte leur
vacarme des cris et des pleurs était insupportable. Je voulus m’échapper
de cet enfer, mais dès que je sortis la tête de la couchette du bas,
quelqu’un me vomit dessus. Je m’essuyai le visage précipitamment et je
me traînai jusqu’au pont. Je m’appuyai alors contre la balustrade pour
vomir dans la mer, avant de m’écrouler à moitié mort sur le pont » (Le
monde de nos pères, Irving Howe).
Les passagers souffraient de toutes sortes de privations, dont le manque
cruel de nourriture. Le régime alimentaire quotidien était constitué de
petits pains rassis aussi durs que la pierre, lorsqu’ils n’étaient pas
détrempés par l’eau salée. Parfois, les passagers étaient « régalés » d’une
soupe aqueuse qui ressemblait davantage à une flaque de boue qu’à un
potage. Les Juifs qui mangeaient cacher n’en avaient généralement pas.
Ils se contentaient d’un peu de pain rassis et buvaient de l’eau bouillie
qui, s’ils étaient chanceux, était mélangée à un peu de brandy et de sucre
pour lui donner du goût. Ils dormaient là où ils mangeaient, sur des
couchettes dures et exigües, généralement installées sur trois niveaux.
Ils grelottaient de froid lorsque la trappe était ouverte et suffoquaient
lorsqu’elle était fermée, en raison de la puanteur âcre des corps non
lavés, de la nourriture avariée et du vomi. La seule lumière qui les
éclairait provenait d’une faible lanterne oscillante, et ils parvenaient à
grand-peine à discerner le jour de la nuit. Les toilettes et la salle de
bains étaient insalubres et infestés par les rats. L’eau froide et salée était
tout ce dont ils disposaient pour se laver, et l’hygiène corporelle était
des plus rudimentaires. Même lorsque la mer était calme, les passagers
se sentaient continuellement malades. Quand un violent orage éclatait,
le bateau tanguait tellement que les gens vomissaient partout, même les
uns sur les autres. Le fracas de la vaisselle brisée était assourdissant, et
les enfants hurlaient, effrayés par le sifflement du vent, la violence des
vagues et le bruit de plongeon des cadavres jetés à l’eau. Une personne Idolâtrie, indépendance et liberté
sur dix ne survécut pas à la traversée.
4 Pour les millions d’immigrants ayant voyagé en troisième classe, la joie
d’apercevoir la Statue de la Liberté fut souvent suivie par l’expérience
traumatisante d’Ellis Island. (En réalité, les immigrants arrivaient dans
de nombreux ports américains, mais le Port de New York était le plus
127 130 # 68254_efi
jewishissues/jewishsociety/Will_Your_Grandchildren_Be_Jews$.
com, « Will Your Grand-Children be Jews ? » (http://www.aish.com/
Horowitz des statistiques du NJPS (1990), sur le site internet Aish.
ce sujet, consultez l’analyse que font Antony Gordon et Richard
durablement le comportement d’un Juif à l’âge adulte. Pour approfondir
qu’au moins neuf ans d’éducation juive sont nécessaires pour influencer
Goldstein sur l’importance de l’école juive, mais insistent sur le fait
les mariages mixtes. » Rimor et Katz sont d’accord avec Fishman et
lutter contre le processus d’assimilation se traduisant entre autres par
concluent que l’école juive est « le seul mode éducatif permettant de
par le NJPS en 1990, Mordékhaï Rimor et Eliahou Katz (1993)
ou inexistante. Plus encore, après avoir analysé les données recueillies
un Juif ou une Juive, que ceux ayant reçu une éducation juive sommaire
ayant passé au moins six ans en école juive ont plus de chance d’épouser
Barak Fishman et Alice Godstein (1993), indiquent que les adultes juifs
Juive (National Jewish Population Survey - NJPS), analysées par Sylvia
11 Les statistiques de 1990 du Recensement National de la Population
10 Mikhtav MeEliahou II, « VeHaGéoula HaAtida », pp.19-21.
acquise. L’on apprécie réellement sa valeur que lorsqu’elle nous est ôtée.
L’indépendance ne doit jamais être considérée comme une donnée
accordée, même si elle n’est que « libération de quelque chose ».
envers Hachem pour cette indépendance exaltante qu’Il nous a
donner la Torah au Sinaï. Nous devons être infiniment reconnaissants
qu’il nous aurait suffi que Hachem nous fasse sortir d’Égypte sans nous
9
C’est peut-être pour cette raison que dans le Dayénou, nous affirmons
l’indépendance, sans pour autant être capable d’offrir la liberté.
Ce « hasard » du calendrier nous suggère que l’Amérique symbolise
e
Iyar, le 23 jour du Omer – la période située entre Pessa’h et Chavouot.
Statue de la Liberté fut apposée le 5 mai 1903, date correspondant au 8
La plaque commémorative sur laquelle est gravée le fameux poème de la
8
Zone de Résidence, étaient autrement plus malveillantes.
Tsar Alexandre III, décidant de cantonner à nouveau les Juifs dans la
LA MAIN CACHEE
Cependant, comme nous l’expliquerons plus tard, les intentions du