Page 22 - AQMAT Magazine Avril/Mai vol60 no3
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TOUT DROIT
LE DEVOIR DE LOYAUTÉ DE VOS EMPLOYÉS, AH OUI?
Au Québec, il est établi que tout employé est légalement tenu d’être loyal à son employeur. Cette prémisse assure certes une protection pour l’employeur, mais jusqu’à quel point ? Étant donné la mobilité croissante de la main-d’œuvre, il importe de connaître ce à quoi un employeur peut s’attendre d’un employé, particulièrement en prévision d’une situation dans laquelle ce dernier partirait au pro t d’un compétiteur.
Charles Wagner
avocat, Langlois Avocats
Collaboration spéciale
L’obligation de loyauté prend source à l’article 2088 du Code civil du Québec (le Code) qui se lit comme suit :
2088. Le salarié, outre qu’il est tenu d’exécuter son travail avec prudence et diligence, doit agir avec loyauté et ne pas faire usage de l’information
à caractère con dentiel qu’il obtient dans l’exécution ou à l’occasion de son travail.
Ces obligations survivent pendant un délai raisonnable après cessation du contrat, et survivent en tout temps lorsque l’information réfère à la réputation et à la vie privée d’autrui.
Cette obligation impose le devoir à tout salarié d’agir avec loyauté et notamment de ne pas faire usage des renseignements confidentiels obtenus dans l’exécution de ses fonctions.
Cela se traduit entre autres par les devoirs du salarié de faire primer les intérêts de l’employeur avant les siens et d’agir avec honnêteté et bonne foi. En cours d’emploi, la violation grave ou répétée de ce
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devoir deviendra un motif sérieux pouvant mener à un congédiement.
L’étendue du devoir de loyauté va dépendre d’une variété de facteurs tels la nature particulière de l’emploi et de l’entreprise, la durée du service du salarié au sein de l’entreprise, le positionnement hiérarchique du salarié dans l’entreprise et le niveau de responsabilités, l’existence de liens privilégiés du salarié avec la clientèle de l’employeur, l’accès à des rensei- gnements confidentiels, etc.
Ce faisant, dans le contexte d’un ex-salarié qui était un employé clé, un cadre ou qui avait des liens privilégiés avec les clients, le devoir de loyauté est beaucoup plus important.
Il convient toutefois de noter que l’obligation de loyauté devient moins contraignante lorsque la relation d’emploi prend n.
Cette nuance est importante puisqu’il serait inadéquat, par exemple, d’exiger que l’ancien employé demeure au ser- vice exclusif de l’entreprise après la terminaison du lien d’emploi.
Ainsi, ce sont principalement les obli- gations de bonne foi et d’honnêteté
qui subsistent, mais seulement pour un certain temps.
Il est aussi reconnu que l’obligation de loyauté n’empêche pas de concurrencer son ancien employeur en utilisant ses compétences, ses aptitudes et son expérience.
Cette obligation ne confère pas non plus à l’employeur une mainmise sur sa clientèle.
En somme, le salarié qui quitte son employeur peut normalement lui faire immédiatement concurrence, et ce, en cherchant à s’approprier sa clientèle.
Dans la même optique, un employeur ne peut, sur la simple base de l’obliga- tion de loyauté, s’opposer à ce qu’un salarié de son entreprise aille travailler chez un compétiteur.
Enfin, l’obligation de loyauté ne restera qu’exceptionnellement en vigueur pour une durée de plus que quelques mois après le départ de l’employé. Après l’expiration de ce délai raisonnable, l’ex-salarié n’est plus assujetti qu’aux règles ordinaires applicables à la concurrence.
La Cour d’appel suscite une réflexion quant à la portée de l’obligation de loyauté dans sa récente décision Tra c Tech International inc. c. Milgram et Compagnie ltée.
À lire sur aqmat.org.
*Cet article a d’abord paru dans le VigieRT – février 2016 de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.