Page 108 - VISION MAGAZINE BASSIN D'ARCACHON
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DÉCOUVERTE
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Au début des années 80, l’accès se faisait au bout elle était devenue un peu banale à mes yeux ».
de l’avenue des dunes, à Pyla-sur-Mer. C’était une Au début des années 2000, devenu photographe
visite familiale, rituelle, passage obligé lorsque les professionnel, il continue à se rendre sur la dune,
cousins bretons nous rendaient visite. Le jeu était de temps en temps, fait de « jolies photos »,
alors de prendre notre élan sur la crête, puis de mais, a posteriori, les trouve un peu trop « cartes
courir dans la pente et de se laisser rouler dans le postales ». Il oriente à cette époque son objectif
sable. On avait l’impression de voler un instant plus vers les vagues de l’Atlantique et la communauté
eorges Brassens l’affirmait, sans doute à tort, haut que les pins. Observer le paysage, profiter du locale des surfeurs. « Je passais devant la dune,
dans une chanson : « L’arc-en-ciel qui dure un point de vue, cela me passait un peu au-dessus de mais je ne m’arrêtais pas, je filais vers les spots de
Gquart d’heure, personne ne l’admire plus ». la tête. L’ivresse de la descente était plus forte » . La Salie ou de Biscarrosse ». Régulièrement publié
Empruntée à Goethe, cette théorie philosophique par les magazines spécialisés, il voyage beaucoup
suggère qu’à trop observer le spectacle d’une nature DE LA CARTE POSTALE À LA PHOTO D’ART avant de redécouvrir le site en 2007, « comme un
triomphante, ou à évoluer quotidiennement dans un amour de jeunesse que l’on n’aurait pas oublié. » De
paysage unique et magistral, on puisse se lasser de la Adolescent, Yannick commence à porter son regard Pilat, il dit désormais « aimer chaque détail » : « Les
magie et de la poésie de cette vision contemplative. un peu plus loin, jouant à trouver les petits villages lumières d’automne entre soleil et nuages sombres,
« Sans être totalement blasé, j’ai ressenti au fil du du Bassin perdus dans la pignada. À peine majeur, le vent qui balaie le sable, la sensation de fouler
temps cette banalisation de l’émotion face à la Dune Nikon argentique en bandoulière, il commence à pour la première fois un nouveau paysage. Chaque
du Pilat », avoue le photographe Yannick Le Toquin. photographier tout ce qui l’environne, et la Dune du visite, chaque photo est différente, à la fois par la
Natif de Gironde, il passe ses huit premières années Pilat, site incontournable de la région, fait partie lumière, la texture du sable et l’atmosphère du site.
en Côte d’Ivoire, avant que sa famille ne revienne de ses premiers sujets. « Je la prenais en photo, C’est un lieu grandiose, à découvrir et redécouvrir
s’installer définitivement sur le Bassin d’Arcachon. oui, mais sans but précis. Évidemment, le site était éternellement ». Publié en 2019, son livre « Dune
« La dune, enfant, je ne la voyais que du coin de sublime, le point de vue incroyable sur la forêt et du Pilat, mouvement éternel » est un hommage
l’œil. Plus que la grande montagne de sable, c’est l’océan. Mais je ne percevais pas encore toute sa artistique, respectueux et tendre aux panoramas
le manège qui tournait à ses pieds qui m’intéressait. force visuelle. À force de la voir si régulièrement, de son enfance.