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L’ÎLE MYSTÉRIEUSE
                  Si vous cherchez Stéphane Scotto, il y a de grandes chances que vous le
                  trouviez sur son voilier, échoué au pied des illustres Cabanes Tchanquées,
                  savourant un coucher de soleil dans un silence religieux. Ils sont quelques
                  amoureux du Bassin d’Arcachon à se retrouver ici régulièrement. Tous ont
                  en commun un attachement particulier à l’île et à ses cabanes.
                  Comme pour beaucoup, son rapport passionnel avec le Bassin remonte
                  à l’enfance, aux vacances qui forgent les souvenirs et font naître une
                  nostalgie commune à ces passionnés. Lien familial, lien affectif… Ils ont
                  souvent fini par transformer leur lieu de villégiature en lieu de vie. Pour un
                  gamin en vacances, l’île aux Oiseaux a toujours eu ce parfum d’aventure,
                  un peu comme dans cet épisode de Babar l’éléphant qui lui est dédié. Dans
                  les yeux d’un enfant, c’est une île mystérieuse et inaccessible, un endroit
                  que l’on veut explorer, un monde que l’on invente.
                  D’ailleurs, peu de chanceux ont foulé le sol de ce bout de terre. Ses locaux,
                  insulaires le temps d’un week-end ou de quelques jours, n’apparaissent
                  jamais sur les photographies de Stéphane, qui souhaite préserver leur
                  intimité. Ils sont chasseurs et ostréiculteurs pour la majorité et sont
                  les rares élus à posséder une concession sur l’île, qui comporte huit
                  tout petits villages. Bien entendu, ici, pas de grand confort, on cultive
                  la simplicité : les cabanes à l’équipement le plus avancé sont dotées de
                  panneaux solaires et d’un réfrigérateur à gaz.
                  L’île est jalonnée de tonnes, ces petites cabanes de chasseurs flottantes,
                  trônant au milieu de leur plan d’eau. « À vrai dire, aujourd’hui on entend
                  assez rarement les coups de fusil. La nuit à la tonne est plutôt un prétexte
                  pour vivre ces moments privilégiés, qui se transmettent de génération en
                  génération », explique Stéphane. Le lieu relève plutôt du sanctuaire et
                  s’enveloppe de secrets. C’est d’ailleurs peut-être cette aura mystérieuse
                  qui aura motivé le célèbre designer Philippe Starck à y acquérir une cabane
                  au village d’Afrique.


                                                                        UNE AMIE D’ENFANCE
                                                                        Stéphane a toujours eu une grande fascination pour le lieu. Vers l’âge
                                                                        de 14 ans, il s’empare du petit voilier familial pour partir en exploration.
                                                                        Un « quat’vingt » avec lequel il s’aventure auprès de l’île timidement,
                                                                        préoccupé par les piquets des parcs à huîtres environnants : « Je
                                                                        n’étais pas forcément à l’aise. Je m’en approchais, mais pas au point
                                                                        de pouvoir y mettre les pieds. Ça a créé une frustration pendant toute
                                                                        mon enfance, celle de ne pas pouvoir marcher sur cette île qui me
                                                                        paraissait complètement inaccessible. »
                                                                        En 1999, après 6 ans passés au Sénégal en tant que photographe dans
                                                                        l’armée de l’air, Stéphane revient sur le Bassin pour se consacrer à ses
                                                                        paysages. Son premier réflexe : s’équiper pour enfin explorer cette amie
                                                                        d’enfance. « J’ai tout de suite ressenti le besoin de naviguer à nouveau,
                                                                        ce qui m’a conduit à débarquer sur l’île en tant que photographe, avec
                                                                        mon matériel dans mon sac à dos. Autant vous dire que la première fois
                                                                        que j’ai marché sur l’île, l’émotion fut très forte. » Ce jour-là, Stéphane
                                                                        jette l’ancre, pose un pied sur l’île et explore tout ce qu’il peut.
                                                                        Ce sera la première exploration d’une longue série. Depuis 2014, il est
                                                                        interdit de jeter l’ancre à moins de 100 mètres des rivages de l’île et
                                                                        de s’y aventurer par ses canaux. Ce qui rend la tâche du photographe
                                                                        un peu plus difficile. C’est pourquoi il adopte une nouvelle routine avec
                                                                        l’île. Il prend l’habitude de passer des nuits à bord de son voilier, au
                                                                        son des clapotis sur la coque.
                                                                        C’est d’ailleurs de nuit qu’il a réalisé des photographies parmi les plus
                                                                        mémorables, comme celle des Cabanes Tchanquées sous la Voie lactée.




               Chaland posé à marée basse dans le chenal de Saousse.
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