Page 58 - Peppone #2
P. 58
56
marraine de Cendrillon, Madame dans Les Aristochats ou la mère de Tania dans La Princesse et la Grenouille. En résumé, soyez d’abord belles pour les hommes, puis soyez une bonne maman pour vos enfants. Et vous vous occuperez de vous dans une prochaine vie...
Comme si le matraquage incessant des publicités et magazines féminins ne suf sait pas, Disney préfère donc prendre les enfants au berceau pour bien leur faire entrer dans le crâne les normes de beauté fémi- nines de notre société. Avec en plus l’idée que la beau- té extérieure est nécessairement le re et de la beauté intérieure, puisque la laideur physique est toujours associée dans ces lms à une laideur morale. Rappe- lons tout de même au passage que cette idéologie est à l’origine de la souffrance quotidienne de l’immense majorité de ceux, et surtout de celles, qui n’ont pas la chance de correspondre à ces critères de beauté déli- rants et parfaitement arbitraires.
Mais heureusement, il existe d’autres représenta- tions de femmes que celles que l’on trouve chez Disney. Hayao Miyasaki, par exemple, donne vie dans ses des- sins animés à une série de personnages féminins qui n’ont aucun équivalent dans l’univers Disney ; ou plus exactement, qui ne pourraient y exister qu’en y endos- sant des rôles de méchantes. Prenons le cas de Dola dans Le château dans le ciel. Non seulement celle-ci est vieille, grosse et moche, mais elle est en plus la commandante autoritaire d’une équipe d’hommes (ses ls) qui lui obéissent au doigt et à l’œil. Elle tire à la carabine, conduit agressivement, court plus vite que les hommes malgré son poids, et n’a peur de rien. En bref, elle a toutes les caractéristiques des méchantes de Disney, sauf que chez Miyasaki, c’est une gentille ! (et qui prend le personnage de Judas dans mon tableau « la cene - once upon a time », pour bien marquer l’iro- nie de la situation).
Et la preuve que ce personnage n’a pas été créé par erreur, c’est que sa dimension féministe est clai- rement thématisée à l’intérieur du lm. Par exemple, dans un passage où elle discute avec le jeune héros, Pazu, pour qui la Princesse Sheeta vient de se sacri er, elle déclare : « ça fait cinquante ans que je suis une femme (...), c’est à pleurer ce qu’on est capable de faire pour sauver son homme, ça me rappelle ma jeunesse... ». Ainsi, autrefois dépendante des hommes au point de se sacri er pour eux, elle a ni par faire le choix de l’indépendance pour devenir celle qu’elle est devenue : une femme qui laisse son mari (ou du moins celui qui semble l’être) sur le vaisseau pendant qu’elle part à la conquête des trésors de Laputa.
D’aucuns objecteront que tout ça correspond à des stéréotypes des années 30-60 mais force est de consta- ter que les dogmes ont la vie dure chez Disney. L’uni- vers de Peppone n’est pas de dénoncer agressivement, juste de mettre le doigt dessus avec humour. Si mon univers artistique s’arrête aux lectures simples, c’est parce que l’enfant est une éponge qui absorbe sans recul, sans malice, sans sous-entendu qu’il restitue sans juger. Je n’en suis pas moins père de trois enfants ( trois lles ! ) et sensible à veiller à ce que le logiciel de leur éducation soit formaté avec suf samment de bienveillance et d’ouverture d’esprit pour absorber se- reinement les complexités que la vie d’adulte ne man- queront pas de leur faire découvrir.
Analyse de texte: www.lecinemaestpolitique.fr
Madame in The Aristocats or Tiana’s mother in The Princess and the Frog. In short, be beautiful for men, then be a good mother to your children. And you can take care of yourself in a future life...
As if the continual bombardment of adverts and women’s magazines were not enough, Disney prefers to catch children in their cradles and convey our norms of female beauty to them. This goes hand in hand with the idea that exterior beauty is necessarily a re ection of inner beauty, since physical ugliness is always associated in the lms with moral ugliness. In passing, we should recall that this ideology is behind daily suffering for the vast majority of men, and most of all women, who are not lucky enough to match these insane and totally arbitrary criteria for beauty.
Fortunately, however, there are other representations of women than in Disney lms. Hayao Miyasaki, for example, creates female characters in his animated lms with no equivalent in the world of Disney. Or to be precise, characters who could only exist in a Disney lm if they had the role of the baddie. Take the example of Dola in Castle in the Sky. Not only is she old, fat and ugly, but she is also the bossy leader of a team of men (her sons) who obey her without question. She shoots guns, drives aggressively, runs faster than men, despite her weight, and is afraid of nothing. In short, she has all the character traits of a Disney female villain, except that in Miyasaki’s lm, she is a goodie! (and she plays the role of Judas in my picture «The Last Supper - Once Upon a Time», to underline the irony of the situation).
And to show that this character was not created at random, the feminist theme is clearly present in the lm. For example, in a scene where she is talking to the young hero, Pazu, for whom Princess Sheeta has just sacri ced herself, she says: «I have been a woman for 50 years (...), it makes you weep to see what we can do to save our men, it reminds me of my youth...». Once dependent on men to the point of sacri cing herself for them, she ends up choosing independence and becoming what she is now: a woman who has left her husband (or the man who seems to be her husband) on the ship, while she sets off to conquer the treasures of Laputa.
Some would object that this corresponds to the stereotypes of the 1930s and 40s, but it must be said that dogmas die hard at Disney. In Peppone’s world, the aim is not to be aggressively critical but to point things out in a humorous way. My artistic world is limited to simple readings because children are sponges who absorb things uncritically, unmaliciously, seeing no hidden meanings, which they re ect back without judging. Still, I am the father of three children (three daughters!), and I try to make sure they are brought up with enough benevolence and open-mindedness to have an outlook enabling them to cope with the complexities that adulthood will not fail to throw at them.
Textual criticism: www.lecinemaestpolitique.fr