Page 21 - E-Book L'Ouï-Lire
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Un jour je reçus un petit mot, trouvé dans mon sacartable : « Seulement naît la Rose ... signé : F.D »... Seulement naît la rose ... On ne me l’avait jamais dite sous d’aussi belles façons ... Très vite je me suis mise à fantasmer sur ce F.D, mon mystérieux Prince Charmant, F.D... mon Frince Darmant...
Quel prénom pouvait-il d’abord avoir ? Florian, Flavio, Friedrich, Félicien, voire François, Ferdinand ou Fernand, Florent, Frédéric, Fabrice ou Frank ?
Florian D’Ange, m’étais-je imaginée un bon moment. Autant fantasmer sur un niveau poétique quitte à tomber sur un Frédéric Dard (le papa de San Antonio...).
Bref qui était-il et où était-il ?
Je l’ai su le lundi suivant lorsque je l’ai surpris à s’approcher de mon sac, tentant d’y mettre son deuxième petit mot.
Ce fut le coup de foudre, son côté timide m’a de suite plu et quand j’ai voulu lire son message il me l’a reprise des mains, en a fait une boulette et l’a avalé aussitôt-illico-presto ! Puis m’a dit que si je voulais la récupérer je n’avais qu’à aller la chercher ! Belle manière de me provoquer à l’embrasser. Bref il l’avait vraiment avalée mais nous n’avons pas pour autant cessé de nous embrasser.
Jusqu’au moment où j’ai su son prénom... Misérable, me suis-je dit... Fred... C’est tout ? Fred... bof, très banal. Quant à son nom, il n’a pas voulu me le dire. J’ai eu beau insister, rien n’y faisait, il se taisait.
Il faut avouer que depuis mon enfance, j’ai toujours eu du mal à avoir de petits copains, à cause de mon blocage sur mon prénom. Combien ai-je eu de soupirants d’enfance rejetés d’avance à cause de leur nom ! Guillaume Elan (Salmonella Elan, non merci), Stéphane Pollichon, ... et Christophe Bouton, lui le pauvre, il était si adorable mais je résistais farouchement à ses attentions et ses rondes suppliantes autour de moi. « Salmonella Bouton », moi jamais !
Quand on est amoureux, enfants, nous sommes incroyablement sûrs et certains de nous marier ; d’où mon entêtement, refusant d’emblée de sortir avec tel garçon portant un nom que ne me satisfaisait pas. Qui ne satisfaisait pas à mes principes de l’harmonie et du sens vocal de mon prénom.
Et donc quand j’ai appris le nom de Fred, mon Frince Darmant tout poétique, j’en suis tombée des nues : Fred Donatella ! Oh non ! Pas ça ! Pas Salmonella Donatella ! La Versace et ses lèvres toutes gonflées, très peu pour moi ; je refusais de salir ainsi mon prénom. Je n’imaginais pas du tout le voir apparaître avec ces lettres en gros plan sur des affiches A3 : Salmonella Donatella à l’Elysée ce soir, Votez Salmonella Donatella, Présidente ! (Eh oui, j’avais déjà de grandes ambitions). Ca faisait trop Cicciolina !
Du coup, je me retrouvais face à une évidence : rien qu’à cause de ce nom si lourd à porter pour moi, me séparer de ce beau jeune garçon qui me plaisait, avec qui je voulais vivre ma vie, avoir des enfants ou bien ... envisager une vie de couple sans mariage ?
J’ai alors décidé que je ne me marierais jamais.
Et de suite après, ma vie amoureuse d’adolescente s’en est trouvée moins pointilleuse, moins limitée par mes soi-disant principes d’honneur.
Fred n’est évidemment pas resté longtemps, j’avais des besoins de papillonnage, pour rattraper le temps « perdu », comme je le pensais, à l’époque.
Et bonjour les Christian, David, Abdel et les autres, moi c’est Salmonella ! Oui, oui mon prénom vous donne l’eau à la bouche; petits, petits, venez à moi comme des petits poissons, je suis votre Nénuphar des Marécages, non, non ce n’est pas contagieux, il n’y a que mon amour qui l’est !
Et par-dessus tout je me suis prise de passion pour la biologique et surtout la botanique, n’est ce pas drôle ?



















































































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