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Il faut avouer que depuis mon enfance, j’ai toujours eu du mal à avoir de petits copains, à cause de mon blocage sur mon prénom. Combien ai-je eu de soupirants d’enfance rejetés d’avance à cause de leur nom ! Guillaume Elan (Salmonella Elan, non merci), Stéphane Pollichon, ... et Christophe Bouton, lui le pauvre, il était si adorable mais je résistais farouchement à ses attentions et ses rondes suppliantes autour de moi. « Salmonella Bouton », moi jamais !
Quand on est amoureux, enfants, nous sommes incroyablement sûrs et certains de nous marier ; d’où mon entêtement, refusant d’emblée de sortir avec tel garçon portant un nom que ne me satisfaisait pas. Qui ne satisfaisait pas à mes principes de l’harmonie et du sens vocal de mon prénom.
Et donc quand j’ai appris le nom de Fred, mon Frince Darmant tout poétique, j’en suis tombée des nues : Fred Donatella ! Oh non ! Pas ça ! Pas Salmonella Donatella ! La Versace et ses lèvres toutes gonflées, très peu pour moi ; je refusais de salir ainsi mon prénom. Je n’imaginais pas du tout le voir apparaître avec ces lettres en gros plan sur des affiches A3 : Salmonella Donatella à l’Elysée ce soir, Votez Salmonella Donatella, Présidente ! (Eh oui, j’avais déjà de grandes ambitions). Ca faisait trop Cicciolina !
Du coup, je me retrouvais face à une évidence : rien qu’à cause de ce nom si lourd à porter pour moi, me séparer de ce beau jeune garçon qui me plaisait, avec qui je voulais vivre ma vie, avoir des enfants ou bien ... envisager une vie de couple sans mariage ?
J’ai alors décidé que je ne me marierais jamais.
Et de suite après, ma vie amoureuse d’adolescente s’en est trouvée moins pointilleuse, moins limitée par mes soi-disant principes d’honneur.
Fred n’est évidemment pas resté longtemps, j’avais des besoins de papillonnage, pour rattraper le temps « perdu », comme je le pensais, à l’époque.
Et bonjour les Christian, David, Abdel et les autres, moi c’est Salmonella ! Oui, oui mon prénom vous donne l’eau à la bouche; petits, petits, venez à moi comme des petits poissons, je suis votre Nénuphar des Marécages, non, non ce n’est pas contagieux, il n’y a que mon amour qui l’est !
Et par-dessus tout je me suis prise de passion pour la biologique et surtout la botanique, n’est ce pas
drôle ?
Le premier jour en amphi, j’attendais avec impatience le moment où le prof arriverait à la lettre R :
« Rabien Stéphanie – Présente ! Rose .. euh Salmonella ? » Et je criais aussitôt « Préseente ! » un peu assez fort pour être sûre d’être bien entendue. Et tous les regards se tournaient alors vers moi ; ce que j’adorais ça, le plaisir vicieux de lire sur leurs visages soit des moues dégoûtées, soit des étonnements admiratifs. Et c’était là que se jouait la première relation avec le prof : soit il prenait la chose avec humour, soit il détournait la tête avec un léger mépris.
Et tout au long de mes premières semaines botanico-biolo-organico universitaires, a commencé de poindre en moi le besoin de faire quelque chose de plus profond.
J’ai eu envie de faire le clown, d’être clown... N'est ce pas drôle ? Salmonella Rose, Clown...
A suivre ...
Delphine Saint-Raymond


































































































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