Page 103 - Le grimoire de Catherine
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leurs têtes ébouriffées de leurs nids et décidèrent de revoir leur répertoire musical
délaissé depuis si longtemps. Malgré leurs couacs, ils voulaient retrouver leurs
vocalises.
Mary Poppins regretta très vite de s’être engagée dans ce chemin rempli d’embûches
pour ses bottines si fragiles et ouvrit son parapluie. Le premier courant d’air rencontré
la propulsa contre un mur qui égrenait ses années d’oubli pierre par pierre.
De là, émanait un grondement sourd. Une petite boîte toute cabossée y avait été
cachée. Intriguée, elle ne résista pas et l’ouvrit avec peine.
Plusieurs bourdons s’en échappèrent, vrombissant à qui mieux mieux. Ils avaient été
les victimes de jeux d’enfants cruels, qui après les avoir emprisonnés les avaient
oubliés. Ils n’avaient eu d’autres choix que d’hiberner. Les abeilles n’allaient pas
longtemps résister à de tels appels !
Polichinelle et Arlequin se mirent à chanter la ritournelle du clair de la lune en
espérant retrouver leur vieil acolyte Pierrot pour faire la fête. Pourtant pas de temps à
perdre, ils étaient tous là pour redonner vie à cette grande zone oubliée.
Ils se regroupèrent et il y eut conciliabule, en italien, en bavarois et autre sabir.
Ils commencèrent à s’afférer ,creusant le sol avec de vieilles pelles tordues pour que
les buissons si longtemps abandonnés retrouvent vigueur et qu’enfin ils puissent
redevenir ce pourquoi ils avaient été planté, pour recueillir les doux soupirs des futurs
amoureux.
Ils n’oublièrent pas de semer des graines de courges, qui, devenues grandes se
transformeront, en sarbacanes intéressantes.
Fiers d’eux, ils allèrent ramasser une des pancartes repérée à leur arrivée et la
dressèrent .Ce jardin était redevenu « Le jardin de l’ouïe »
Les perce-neiges, les jonquilles, les muguets, tous allaient s’y sentir bien et ne
tarderaient pas, ils en étaient persuadés, à organiser un concert de cliquetis
Ils s’applaudirent et décidèrent de continuer leur périple. Tout était calme, mais … une
drôle de sensation ne tarda pas à les envahir.
Un léger souffle de vent chahuta le chapeau du marchand d’oiseaux, chipa un gant de
Mary Poppins et taquina nos deux sympathiques bouffons de théâtre. Comme il
sentait bon ! Il transportait l’odeur des fossiles de la terre ensevelis depuis la nuit des
temps. Il vaporisait en fait l’odeur des saisons.
La demoiselle au parapluie repéra rapidement le parfum si délicat des jacinthes
d’eau qui se mêlait à celui de la fragile églantine. L e printemps s’ébrouait, se
débarrassait des nuits noires de l’hiver.
Notre équipage de plus en plus stimulé continua son exploration, humant l’air
ambiant. Ce dernier s’était modifié. Ses effluves racontaient l’intensité du thym, puis
celle du poivrier pour se mêler enfin à celui des herbes brûlées par le soleil.
Arlequin se mit à danser pour célébrer l’été tout en parfums épicés.
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