Page 68 - Le grimoire de Catherine
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Mon repère ? La petite  étoile qui s’allume dans son regard lors de sa rencontre avec
              l’insolite.

              Tu es  ce ramasseur d’étoiles. Acceptes-tu  de travailler  avec moi  afin que  cette fête
              soit inoubliable? »

              Ainsi il avait été mis à l’épreuve, observé en catimini .Impossible de refuser  une telle
              invitation  de la part d’un homme si motivé et enthousiaste. Fini  les cours de géométrie
              qui le faisaient tant bailler. A lui, le monde  de la féérie où rien  n’est impossible, à lui la
              chance  d’inventer   le bonheur  et de l’offrir  aux autres sans contrepartie.
              Le  pacte fut scellé  par une vigoureuse poignée de main et  les deux compères s’en
              allèrent cheminant  de conserve vers  un appentis bien camouflé sous les feuilles  de
              lierre.

              Une odeur de copeaux régnait aux alentours, la porte poussée, on pouvait apercevoir
              un  établi  et  des  outils  de  menuiserie.  Un  bric  à  brac.  Une  véritable  caverne  d’Ali
              Baba forestière !
              Afin de réussir cette rencontre inédite, il allait  falloir travailler, travailler. Proposer  un
              buffet  hors  normes,  dans  un  décor    inattendu  et  inventer    une  carte  de  menus
              hétéroclite. Tout cela sans grands moyens sauf s’ils puisaient dans leur imagination. Et
              ces deux -là ne semblaient pas en  manquer.

              La première étape consistait à récupérer  les matériaux.  Sacs au dos et brouette à la
              main, ils commencèrent leur chasse  aux trésors ou plutôt aux objets  « égarés » par
              des indélicats ou étourdis.

              La    récolte  fut    fructueuse,  sa  diversité  inattendue.  Que  de  papiers    ayant    servis  à
              emballer    le  sandwich    au  jambon    du  randonneur !  Plus    d’un  cochon,  s’il  le  savait,
              devrait  s’en inquiéter pour son avenir.  Des  tissus chahutés   par  les folies du vent
              avaient    échappé  à  certains  promeneurs.  L’un  avait    ainsi  certainement  perdu  sa
              chaussette  rouge, l’autre  son chapeau de pirate. Que de larmes avaient été  versées
              lors de ces désastres ! C’était sûr !
              Ils s’intéressèrent également  aux canettes de boisson, véritables trésors pour en faire
              des fourchettes, des pinces  utiles selon les coutumes des invités espérés. Ils voulaient
              une rencontre raffinée mais savaient aussi que certains  mangeraient  avec leurs doigts.
              Le principal  serait  qu’ils le  fassent avec élégance, l’auriculaire levé ! Ils devraient  en
              prévoir une grande  quantité car pas question  d’être en pénurie de boisson faute de
              gobelets. Parler donne soif et leur espoir était  justement  que tous face connaissance
              en échangeant des mots et même des phrases. Peut-être possédaient-ils leur langage
              propre. Qui sait !

              Ils  rencontrèrent  aussi  d’autres  objets  plus encombrants  comme des volets  à la
              peinture  écaillée  par    le  temps  ainsi    qu’une    bicyclette  aux    pédales  tordues.  Ils
              chargèrent  tout cela puis se retournèrent et virent  avec satisfaction  le résultat de leur
              récolte. Leur  forêt était redevenue accueillante, tonique, débarrassée des résidus qui
              gâchaient sa verdure.  Elle avait retrouvé sa majesté  initiale.
              Leur  butin  déposé  dans  leur  cachette,  ils  se  mirent  au  travail.  Il  fallait  décaper,
              déchiffonner,  détordre  puis    assembler,  coudre,  composer  des  saladiers    à  partir  de


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