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À LA CENSURE D’AIMER
Je ne reviendrais pas sur la censure dont j’ai été victime
dernièrement. En effet, j’ai osé jouer les Roméo sous balcon.
Un effet nocturne entre voix (légèrement éraillée) la mienne et
un instrument à corde appelé guitare largement sous employé
dans son office de l’amour courtois ;
Pour la première fois, je m’étais sorti de mon « tiroir ». Mon
sept mètres carrés, loué à un marchand de sommeil chinois qui
parlait sans accent un Français à la Prévert. Je ne lui arrivais
pas à la cheville. Une honte de plus à ajouter à ma vie
anguleuse, bétonneuse, épineuse, de témoin acteur d’une
société dont je suis une peinture floue et tout à la fois rupestre
et moderne. Des paradoxes que je peux lire en des magazines
qui “causent” d’un temps entre campagne basse-cours et
urbanisme de bonne figure aux étages de la modernité :
voiture et politesse, le tout enveloppé dans le meilleur du
progrès. Suis-je vraiment à la page ?
Je m’égare. En fait, je ne dois compter que sur moi pour
« draguer » une belle féminine, blonde (95C, 1.75 m), une
croupe à faire pâlir le premier étalon venu. Et que puis-je faire,
si ce n’est don de ma modeste et humble certitude de l’aimer
pour sa plastique, son déhanché et ses bottes en cuir noir ? Je
ne crois plus aux sentiments.
Et ce jour entre la basse nuit et la haute nuit, j’ai pris mon
courage à quatre bras avec une brouette d’audace. Je me suis
posté sous son balcon et j’ai chanté. Oui, chanté. Chanté avec
ce désir d’aimer et surtout d’être aimé.
Pourtant, aucune ombre pour venir me rassurer de sa
présence. Et, quelque dix minutes plus tard, une patrouille de
police municipale est intervenue pour me rappeler les bienfaits
de vie en communauté, dérangement incompris de celle-ci.
Dépité, froissé, presque offensé, la rage au ventre, je suis
revenu sur ma terre d’exile, d’asile, mon sept mètre carrés
avec pour lot de consolation une glace à la vanille, mon seul
dessert de ce soir-là. J’avais ainsi, aussi, le tout… bien glacé.