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VISITER LA VILLE EN //2030
DE LA VILLE RESIGNEE
A LA VILLE RESILIENTE
Le corrélat de l’amélioration globale du niveau En effet, interdire tout nouvel aménagement ou bien
de vie des pays dits développés, conduit nos sociétés, en contraindre fortement toute restructuration sur ces sites
quête croissante de sécurité, à refuser les risques. revient à les scléroser et les dévaloriser. La seule issue
salvatrice incombe alors à l’Etat Providence qui apporte
Si les risques sont nombreux, variés et om- sa garantie aux assureurs, et qui peut exproprier au prix
niprésents, ils sont définis par un socle commun fort les parcelles sinistrées. Mais en a-t-il réellement les
d’indicateurs. Celui-ci intègre le danger caractérisé par moyens ? Peut-il exproprier tous les biens situés dans les
la probabilité que l’évènement redouté survienne à une zones à risque ? Avec une réponse négative en filigrane,
certaine fréquence, sa gravité, le nombre de victimes po- que fait-on alors vis-à-vis des propriétaires de biens si-
tentielles, et son degré d’acceptabilité par la société. Ces tués dans ces zones ?
risques peuvent être liés à des évènements naturels, in-
dustriels, technologiques ainsi que les risques sanitaires. Ces biens immobiliers, construits parfois depuis
En France, les politiques publiques s’attachent essentiel- fort longtemps, perdent leurs valeurs. Les propriétaires
lement à identifier et évaluer les risques, règlementer ne peuvent, ni vendre leurs biens, ni construire des exten-
les zones à risque, organiser la protection civile en con- sions. De plus, le déménagement pur et simple devient
séquence, cadrer les questions de responsabilités et compliqué financièrement, précisément en absence de
d’économie des dommages. vente. La démarche adoptée conduit à une impasse.
Comment permettre à ces propriétaires de garder la
Face aux risques d’inondation par exemple, la valeur de leurs biens sans renoncer à leur positionnement
puissance publique a mis en place des outils. Parmi eux, en bord de cours d’eau présentant un risque d’inondation?
le Plan de Prévention des Risques d’Inondation (PPRI) est Comment passer de la ville résignée à la ville résiliente ?
le plus connu. Il règlemente les constructions sur les sect- Quelques pistes pourraient être explorées.
eurs identifiés dans une démarche tendant à multiplier les
zones non aedificandi. Il y a aussi les Programmes d’Action La première qui vient à l’esprit consisterait à in-
et de Prévention des Inondations (PAPI) permettent aux citer les propriétaires concernés à réaliser les travaux
collectivités concernées de trouver une partie des fi- nécessaires à l’adaptation de leurs biens face aux risques
nancements nécessaires à la réalisation d’opérations se d’inondation en leur permettant de densifier (évidemment
limitant bien souvent à la construction de digues. au-dessus des plus hautes eaux connues) leurs emprises
bâties afin de générer, in situ, l’économie nécessaire à
Finalement, les démarches engagées se foca- leurs réalisations. C’est en quelque sorte une transposi-
lisent sur les périmètres circonscrits aux zones identifiées tion sur les sites inondables de la démarche BIMBY (Build
inondables sur lesquelles, pour éviter tout dommage In My Back Yard) du tissu pavillonnaire.
sur les biens et les personnes, on tend soigneusement à Une autre piste à explorer s’attacherait à réaliser, sur des
éviter… la présence de tout bien et de toute personne ! emprises libres et inondables, à proximité de sites déjà ur-
Et, lorsque la table rase ne passe pas, on crée des infra- banisés affectés par un PPRI, des opérations d’ensemble
structures de protection… Cette démarche apparemment très valorisantes comme des Cités Lacustres en prenant
séduisante sur le papier peut entrer en réalité dans le reg- en compte toutes les contraintes inhérentes aux risques.
istre « perdant-perdant » pour tout le monde. Cela permettrait d’engager des processus de mutation
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