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MONDE ARABE 09
Jeudi 09 Avril 2020
Situation des prisonniers sahraouis
LE POLISARIO ALERTE
HUMAN RIGHTS WATCH
Le Front Polisario a exprimé sa profonde inquiétude face à la situation épouvantable qui affecte les prisonniers politiques sahraouis
détenus illégalement au Maroc dans des prisons en pleine propagation de la pandémie du COVID-19.
e sont des temps difficiles pour
nous tous, mais pas plus que ceux
Cqui languissent en détention arbi-
traire. Comme vous le savez, des dizaines
de civils sahraouis innocents sont actuelle-
ment détenus illégalement dans les prisons
marocaines", lit-on dans une lettre adressée
par la représentation du Front Polisario au-
près de l'UE, au bureau de Bruxelles de
Human Rights Watch.
"Victimes de mauvais traitements, de tor-
ture et de négligence médicale intention-
nelle, ces prisonniers ne sont pas
seulement à haut risque de tomber grave-
ment malades à cause du COVID-19, ils
sont également des cibles faciles pour le
régime marocain", a ajouté le Front Polisa-
rio, soulignant qu'"il est donc impératif que
le Maroc autorise l'accès immédiat à ces
détenus par des observateurs indépen-
dants des droits de l'Homme".
La lettre a souligné l'appel urgent du Haut-
Commissaire des Nations Unies aux droits
de l'Homme, Michelle Bachelet, le 25 mars
2020, pour la prise des mesures urgentes
pour protéger la santé et la sécurité des
personnes en détention et d'autres établis- le Front dans sa lettre.Se référant aux res- vent être prises dès maintenant pour dis- général du Front Polisario, Brahim Ghali, a
sements fermés, dans le cadre des efforts ponsabilités de l'UE vis-à-vis du conflit de suader les représailles contre les plus vul- adressé une lettre au secrétaire général des
globaux pour contenir la pandémie de longue date au Sahara occidental, le Poli- nérables à COVID-19. Nations unies, décrivant l’effroyable situa-
COVID-19. sario a indiqué que "l'UE a joué pendant Les autorités marocaines devraient recevoir tion qui affecte les prisonniers politiques
La lettre de la Représentation du Front Po- trop longtemps un rôle de second plan un message clair et fort qu'elles ne peuvent sahraouis détenus illégalement dans les
lisario appelé HRW à "inciter le Conseil eu- dans la recherche d'une solution politique pas utiliser l'urgence sanitaire actuelle pour prisons marocaines.
ropéen et la Commission à intervenir au conflit du Sahara occidental. Mais c'est exercer des représailles contre les détenus Il a averti que "l'épidémie de ce virus dan-
immédiatement pour garantir la sécurité de un contexte qui peut changer, étant donné politiques et restreindre davantage les gereux et les mesures urgentes requises,
tous les prisonniers politiques sahraouis les leviers dont dispose l'UE, y compris droits et la dignité du peuple sahraoui", a- notamment pour éviter les grands rassem-
dans les prisons marocaines". l'opportunité d'un nouveau départ avec la t-on ajouté. blements et le surpeuplement, contredisent
"Au-delà de leur libération immédiate, ces nouvelle direction de la Commission". Le 22 mars dernier, alors que la pandémie totalement la situation dans laquelle ces
prisonniers ont besoin d'une protection ur- "Si le défi de parvenir à un règlement poli- COVID-19 se propageait à travers le prisonniers civils sont détenus dans des
gente contre le virus COVID-19", a soutenu tique juste reste difficile, des mesures peu- monde, le président sahraoui et secrétaire prisons marocaines surpeuplées".
Maroc
La double peine, des mères célibataires
Le dilemme est terrible : « Mourir du coro- nous, c’est une double peine. Mon fils n’a Atlas, cette brune aux yeux clairs, la voix cette crise nous tombe dessus ! » Début
navirus ou mourir de faim. » A choisir, ni père ni papiers, alors personne ne veut rauque et brisée, a fui sa famille pour mars, lorsque les premiers cas de Covid-19
Zeyna* prendrait forcément la première nous approcher », raconte la jeune femme, s’épargner la honte d’une grossesse hors sont détectés au Maroc, le salon de coiffure
option. Pour cette jeune mère de 29 ans, qui paraît plus que son âge. mariage. « Ce n’était pas ma faute », res- ferme ses portes. Désormais, des policiers
qui élève seule son fils de 12 ans, le confi- Claquemurée dans une minuscule chambre sasse-t-elle, le regard baissé vers le sol. rôdent régulièrement dans son quartier
nement n’est pas envisageable : « Je prends avec son fils Driss*, Zeyna doit d’ordinaire Petite bonne à l’âge de 8 ans, elle a été vio- pour forcer les gens à rentrer chez eux. «
le risque de tomber malade, pour sauver affronter le regard pesant des voisins. Dans lée par son employeur pendant des années Quand on travaille au jour le jour, on n’a au-
mon enfant. Car si je ne La honte d’une grossesse une société où le conser- : « Je suis tombée enceinte pour la pre- cune autonomie. On ne vit plus, on survit
subviens pas à ses be- vatisme religieux reste très mière fois à 13 ans et j’ai perdu le bébé. J’ai », tranche Zeyna.
hors mariage
soins, il est mort. » fort, les relations hors ma- fait une deuxième fausse couche l’année Depuis, elle s’est résolue à faire des mé-
Le Maroc, qui n’a pas opté pour un dépis- riage sont condamnées à la fois par la loi d’après. » Quand elle rencontre Mohamed nages chez des particuliers. La peur au ven-
tage systématique et compte à ce jour 1 et la religion. « J’ai réussi à échapper à la à l’âge de 16 ans, elle se sent enfin vivre. « tre, elle brave chaque jour l’interdiction de
021 cas, a décrété l’état d’urgence sanitaire prison mais pas à la stigmatisation de la so- On était très amoureux. Il m’avait promis de sortie pour se rendre au centre de Casa-
le 20 mars pour une durée d’un mois. Sans ciété. Aujourd’hui, j’en paie le prix : l’épicier demander ma main. », blanca. Sans autorisation,
Sortir la peur au ventre
autorisation dérogatoire signée par un em- ne veut pas me faire de crédit, ma famille raconte-t-elle. Mais elle risque une peine d’un à
ployeur officiel, les Marocains ne peuvent ne veut plus entendre parler de moi et mes lorsqu’il apprend sa grossesse, Mohamed trois mois de prison et une amende allant
plus se rendre au travail. Comme Zeyna, voisins ne veulent pas garder mon fils. Ils le ne donne plus signe de vie. « J’ai vécu un jusqu’à 1 300 dirhams (quelque 117 euros).
des millions de travailleurs non déclarés ou surnomment“ould el hram” » (« bâtard », cauchemar pendant des années, mais j’ai « Je prends les transports en commun, je
exerçant dans le circuit informel se sont en arabe. fini par m’en sortir »,précise-t-elle au- croise des gens sur mon chemin, j’ai peur
ainsi retrouvés sans revenus du jour au len- Driss est né dans un petit appartement à jourd’hui. qu’il m’arrive quelque chose, car mon fils
demain. Casablanca, loin de l’hôpital et sans état Grâce à l’aide d’associations, la jeune n’a personne d’autre. En plus, je suis obli-
« En temps de crise au Maroc, on peut tou- civil. Zeyna a failli l’abandonner, « plusieurs maman trouve un emploi « au noir » dans gée de le laisser seul à la maison. Je crains
jours s’appuyer sur sa famille. Les voisins fois », reconnaît-elle les larmes aux yeux. un salon de coiffure à Casablanca. « Au qu’il sorte dans la rue, qu’il approche d’au-
s’entraident et se prêtent de l’argent. Pour Originaire d’un village berbère du Haut- moment où je remontais enfin la pente, tres enfants », raconte-t-elle, désemparée.