Page 10 - 25-04-2020
P. 10

10                                                                                                                          Samedi 25 Avril 2020



                                            Médecins étrangers face au Covid-19 en France

                               «SANS EUX, NOUS N’AURIONS




                                               PAS PU FAIRE FACE»



               Pour contrer le Covid-19, le gouvernement a quelque peu assoupli les conditions d'exercice des médecins étrangers. Pour leurs confrères
                français, ces médecins venus d'ailleurs sont indispensables à l'hôpital public en ces temps de pandémie. «Sans les médecins étrangers,
                                                                   l'hôpital ne fonctionnerait pas.»

                  'est le constat sans appel que dresse
                  Olivier Varnet, neurologue à l'hôpi-
            Ctal de Gonesse (Val-d'Oise), sur l'an-
            tenne de RT France, en évoquant l'apport
            des médecins diplômés hors de l'Union eu-
            ropéenne qui ont largement prêté main-
            forte au personnel hospitalier pour faire
            face à l'épidémie de coronavirus en France.
            Tous les médecins diplômés devraient avoir
            le droit d'exercer, sous réserve d'une vérifi-
            cation des connaissances qui n'est pas très
            difficile à organiser
            Selon Olivier Varnet, ces médecins qui n'ont
            pas le droit d'exercer en France sont large-
            ment  sous-payés  par  rapport  à  leurs
            confrères et ne bénéficient que d'un statut
            inférieur au travail qu'ils fournissent. «Je
            pense que tous les médecins diplômés de-
            vraient avoir le droit d'exercer, sous réserve
            d'une  vérification  des  connaissances  qui
            n'est pas très difficile à organiser», plaide  vention que leurs confrères français Mais  cer à titre dérogatoire des fonctions non  à poursuivre leur période probatoire dans
            le  neurologue,  qui  dénonce  à  cet  égard  dans les faits, les deux médecins interrogés  médicales les candidatures» de ces prati-  une autre structure» en cas d'accord entre
            «cynisme du gouvernement qui continue à  par RT France assurent que ces praticiens  ciens. Il s'agit de ceux qui ont déjà tenté les  établissements pour une «convention de
            les exploiter complètement, à utiliser leurs  font le même travail que leurs confrères.  épreuves de vérification des connaissances  mise à disposition». Le gouvernement avait
            connaissances et leurs compétences sans  «C'est insupportable parce que leur com-  pour  obtenir  une  équivalence  mais  qui  déjà publié, le 1er avril, un décret autori-
            leur donner aucun droit supplémentaire».    pétence au quotidien n'est pas remise en  n'ont pas réussi le concours durant les trois  sant   médecins,   chirurgiens-dentistes,
                                                question puisque comme tout le monde le  dernières années. Ils devront déposer un  sages-femmes  et  pharmaciens  diplômés
               Une situation «humiliante»       voit,  notamment  en  période  de  crise,  ils  dossier auprès des Agences régionales de  hors UE à exercer dans certains territoires
                                                sont au même niveau de compétence et  santé (ARS), en charge de les mettre en re-  d'Outre-mer,  «tant  que  demeure  en  vi-
            Amine Benyamina, chef du service de psy-  d'intervention  que  leurs  confrères  fran-  lation avec des établissements. «L'ensem-  gueur dans les territoires l'état d'urgence
            chiatrie et d'addictologie à l'hôpital Paul  çais», déplore Amine Benyamina.  ble  de  ces  praticiens  exerceront  des  sanitaire». Les médecins étrangers ayant la
            Brousse de Villejuif (Val-de-Marne) et ini-                             fonctions  non  médicales  (aide-soignant,  qualité de réfugié peuvent, eux, toujours
            tiateur de la pétition adressée à Edouard   Trois cas de figure         accueil et orientation...) d'appui auprès des  être recrutés par les établissements publics
            Philippe pour «l'intégration des médecins                               équipes soignantes les plus mobilisées par  sous un statut de contractuel, sans avoir
            à diplôme étranger engagés dans la lutte  Sur  la  fiche  gouvernementale  intitulée  la  gestion  de  la  crise  dans  le  cadre  de  passé  les  épreuves  de  vérification  de
            contre la pandémie», parle d'une situation  «communication sur les possibilités pour  contrats de travail conclus par les établis-  connaissances. Dans un communiqué com-
            «humiliante».«Pour  exercer  en  France,  il  les établissements de santé de recruter des  sements de santé», peut-on encore lire.   mun publié le 21 avril, le HCR – l'Agence
            faut avoir un diplôme français et être fran-  praticiens  à  diplôme  hors  Union  euro-                    des Nations unies pour les réfugiés – et le
            çais [...] mais le système n'a pu tenir que  péenne dans le cadre du Covid-19», datée  «Prêter main-forte»  Conseil de l'Europe ont encouragé les pays
            grâce à ces supplétifs hospitaliers qui sont  du 8 avril et publiée le 20 avril, le ministère               européens «à recourir au soutien que les
            des médecins diplômés hors Union euro-  des Solidarités et de la Santé détaille les  Entre 4 000 et 5 000 praticiens diplômés  professionnels de santé réfugiés peuvent
            péenne», explique l'addictologue. Le gou-  trois cas de figure dans lesquels ces profes-  hors UE officient déjà comme non titulaires  apporter». «Toutes les ressources disponi-
            vernement  a  en  effet  assoupli  les  sionnels de santé peuvent exercer. L'évolu-  dans des établissements français, généra-  bles pour aider doivent être mises à contri-
            conditions  d'exercice  pour  les  médecins  tion  la  plus  marquée  concerne  «les  lement dans les hôpitaux publics.  bution  en  cette  période  de  crise»,  a
            étrangers, sur fond de pandémie, en auto-  praticiens qui ne sont pas actuellement en  Le ministère de la Santé précise que ces  notamment déclaré Filippo Grandi, Haut-
            risant en particulier ceux qui n'avaient pas  exercice et qui n'ont pas encore satisfait à  personnes,  lorsqu'elles  souhaitent  aug-  commissaire de l'ONU pour les réfugiés,
            le droit d'exercer à remplir des fonctions  la  procédure  d'autorisation  d'exercice».  menter leur temps de travail pour «prêter  cité  dans  le  communiqué.  Les  réfugiés
            «non médicales», peut-on lire dans un do-  «Afin de répondre aux offres de service de  main-forte dans un établissement plus ex-  «peuvent ainsi montrer leur solidarité et
            cument du ministère de la Santé. Ils sont au  ces candidats dans le contexte de crise sa-  posé à un afflux de patients» du Covid-19,  contribuer en retour aux communautés qui
            même niveau de compétence et d'inter-  nitaire, il est proposé d'examiner pour exer-  peuvent être «temporairement autorisées  les accueillent», a-t-il ajouté.
                                          La pauvreté se creuse en France en temps de crise sanitaire
                                            Les «files d'attente de la faim»


            Le  gouvernement  débloque  39  millions  débloquant en urgence, ce 23 avril, un bud-  et personnes seules allaient désormais tou-  tion de chèques services à 150 000 per-
            d'euros d'aide alimentaire pour les plus dé-  get de près de 39 millions d'euros pour un  cher des chèques services pour leurs be-  sonnes et l'enveloppe de 900 millions d'eu-
            munis.  Les  associations  et  des  partis  de  plan de soutien de «l'aide alimentaire en  soins  de  première  nécessité.  25  millions  ros déjà promise aux foyers précaires par
            gauche  avaient  dénoncé  les  «files  de  la  France», destiné aux populations fragiles,  seront alloués au soutien des associations  Emmanuel Macron le 13 avril. Quatre mil-
            faim» et l'urgence sociale dans les quartiers  impactées de plein fouet par la crise sani-  de terrain qui distribuent de la nourriture  lions  d'allocataires  du  RSA  et  de  l'ASS
            populaires durant l'épidémie. Les images  taire résultant de la pandémie de Covid-19.  aux personnes en difficulté, tandis que les  pourront ainsi se voir verser 150 euros par
            de files d'attentes de la faim dans les quar-  La secrétaire d'Etat auprès du ministre des  14  millions  restants  seront  consacrés  à  ménage et 100 euros par enfant. Mais la
            tiers populaires commençaient à se multi-  Solidarités et de la Santé, Christelle Dubos,  l'«aide d'urgence alimentaire immédiate».  date tardive de ce versement, prévu le 15
            plier.  Le  gouvernement  a  répondu  en  a annoncé que 100 000 familles précaires  Ce dispositif viendra compléter la distribu-  mai, avait agacé l'opposition.
   5   6   7   8   9   10   11   12   13   14   15