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Mercredi 26 Févrierr 2020
Procès de Julian Assange
DES GILETS JAUNES PRÉSENTS
POUR LE DÉBUT DES AUDIENCES
À LONDRES
L'extradition ou non du fondateur de WikiLeaks vers les Etats-Unis fait l'objet d'une série d'audiences à la cour de Woolwich à Londres.
A cette occasion, des Gilets jaunes ont organisé une nouvelle opération coup de poing. «Free, free Julian Assange !»
e message aura résonné comme un
mantra ce 24 février devant la prison
Lde Belmarsh, scandé du petit matin à
la tombée du jour, sous une pluie battante,
par quelques centaines de citoyens venus
apporter leur soutien au fondateur de Wi-
kiLeaks, pour la première journée d'au-
diences sur sa potentielle extradition vers
le sol américain.
Prévue pour se dérouler en deux semaines
réparties sur les mois de février et de mai,
la procédure a débuté dans une salle d'au-
dience à proximité la prison de haute sécu-
rité, où le journaliste australien est
incarcéré depuis 319 jours, et où son état
de santé s'est dégradé au fil des mois.
«Assange s'est sacrifié pour nous»
Détail difficile à rater, nombre des soutiens
de Julian Assange agglutinés devant le cen-
tre pénitentiaire avaient enfilé un gilet
jaune, emblème du mouvement citoyen du
même nom. Et pour cause : une nouvelle
opération coup de poing réunissant derrière de grandes vitres, à l'arrière de la «traitements inhumains et dégradants» et Kristinn Hrafnsson, «dix ans plus tard, il n'y
quelque 150 citoyens français a été organi- salle. Costume gris sur pull gris, il est bien d'une peine disproportionnée de 175 ans a aucune preuve d'un tel préjudice». Et
sée par l'administratrice du groupe Face- coiffé et bien rasé. Son visage impassible, de prison. d'ajouter : «Au contraire, un responsable du
book «Assange l'ultime combat», Corinne, fermé ne trahit ni fatigue, ni exaspération, Pentagone a été forcé d'admettre lors du
une Gilet jaune de Nancy. Deux cars pleins ni colère. Il lui arrive de perdre son regard «Pourquoi ne discutons-nous procès de Manning en 2013 que personne
à craquer ont ainsi traversé la Manche du- au plafond pendant de longues minutes. pas du mal qui a été révélé n'avait été blessé physiquement à cause des
rant la nuit du 23 au 24 février pour l'occa- Au balcon, ses proches, son père John, son par WikiLeaks en 2010 et 2011?» révélations de 2010 et 2011. Et maintenant,
sion. frère Gabriel sont présents. De la salle d'au- en 2020, ils sont devant les tribunaux, pas
Parmi les Français présents sur place, Mar- dience, difficile pour le fondateur de Wiki- «Nous devrions parler de crimes de guerre en mesure de présenter une seule preuve
tin, Gilet jaune parisien, fait le déplacement Leaks d'entendre ses soutiens qui et de meurtres de civils, et non d'espion- de ce préjudice», a rappelé Hrafnsson à la
pour la quatrième fois, afin de «sauver s'égosillent pour lui toute la journée sans nage contre les Etats-Unis dans cette cour», presse. Pour rappel, parmi les documents
l'honneur». aucun répit. a déclaré le journaliste et rédacteur en chef publiés par Wikileaks figurait une vidéo
«Julian Assange s'est énormément sacrifié de WikiLeaks Kristinn Hrafnsson, également montrant des civils tués par les tirs d'un hé-
pour nous, pour moi il est évident que c'est Rédacteur en chef de Wikileaks: présent pour cette audience à Londres. Il est licoptère de combat américain en Irak en
ici qu'il faut être présent. L'Histoire est en «C'est honteux de devoir défendre «scandaleux» que Julian Assange soit jugé juillet 2007, dont deux journalistes de
train de nous juger en ce moment, la le journalisme devant un tribunal» à Londres pour des «affirmations creuses l'agence Reuters. D'après le rédacteur en
France n'a pas été à la hauteur», déclare-t- des États-Unis» qui n'ont pas changé au chef de Wikileaks, c'est le sujet principal de
il au micro de notre reporter. Alors que la justice britannique examine la cours des dix dernières années, a déclaré l'affaire de Julian Assange : «Je suis assis là
demande d'extradition de Julian Assange Kristinn Hrafnsson, promettant que la dé- à écouter ces accusations, ces accusations
A l'intérieur, une audience vers les Etats-Unis, sa défense accuse Do- fense avait des arguments solides pour évi- subjectives, et à m'interroger : pourquoi ne
attendue de longue date nald Trump de vouloir faire du fondateur ter l'extradition. «Il n'y a absolument rien de discutons-nous pas du mal qui a été révélé
de Wikileaks un exemple dans sa «guerre nouveau qui est présenté ici ce matin par le par WikiLeaks en 2010 et 2011? Pourquoi
Dès 8h du matin, des dizaines de journa- contre les journalistes d'investigation». Service des poursuites judiciaires au nom ne parlons-nous pas de crimes de guerre,
listes du monde entier se sont pressés pour Dix ans après la diffusion inédite de 700 de la partie américaine», a déclaré le rédac- de l'assassinat de civils innocents par l'ar-
un accès à la salle d'audience, ou à défaut, 000 documents classifiés sur les activités teur en chef de WikiLeaks à une foule de mée, de journalistes de Reuters massacrés
à la salle de presse située au sous-sol. Les militaires et diplomatiques américaines, la journalistes qui s'étaient rassemblés devant ?». Mais pour la partie représentant les
places sont difficiles à obtenir et beaucoup justice britannique a entamé l'examen - qui la cour de Woolwich. Selon lui, les avocats Etats-Unis, «Julian Assange n'est pas un
sont repartis bredouille. doit s'étendre jusqu'au mois de juin - de la représentant les autorités américaines ont journaliste». S'il est extradé vers les États-
Au sous-sol, les journalistes prennent des demande d'extradition de l'Australien de livré des arguments qui étaient «plus ou Unis, Julian Assange fait face à des accusa-
notes devant une projection vidéo de piè- 48 ans, qui a comparu calme, les yeux rivés moins les mêmes que ceux qu'on entend tions d'espionnage passibles d'une peine
tre qualité. Certains se rapprochent des té- sur son ordinateur portable. Face à la cour depuis dix ans».Pour sa part, le représentant de 175 ans de prison. L'avocat du fondateur
lévisions, quitte à s'asseoir par terre tant le de Woolwich, son avocat Edward Fitzgerald des Etats-Unis, James Lewis, a souligné que de Wikileaks Edward Fitzgerald a rétorqué
son est inaudible. a dénoncé des poursuites motivées par des le fondateur de Wikileaks «n'est pas inculpé en qualifiant les accusations américaines de
Dehors, les slogans des Gilets jaunes sont raisons politiques, soulignant que l'accord pour avoir dévoilé des informations embar- «trompeuses» et assuré que son client me-
incessants. américano-britannique interdit «expressé- rassantes ou gênantes» mais pour avoir mis nait des «activités journalistiques». Le ré-
De la salle de presse, leur tapage est plus ment» les extraditions pour les infractions en danger la vie de sources américaines en dacteur en chef de Wikileaks estime quant
que perceptible, rendant la tâche d'écoute politiques. publiant, en 2010, 250 000 câbles diploma- à lui que l'existence même du procès d'ex-
des plaidoiries plus difficile pour les jour- Dans une salle d'audience bondée, jouxtant tiques et 500 000 documents confidentiels tradition est une honte : «C'est honteux que
nalistes. Julian Assange est lui au premier la prison de haute-sécurité où Assange est portant sur les activités de l'armée améri- nous devions défendre le journalisme de-
étage, dans un box entouré de deux agents, incarcéré, il a mis en avant le risque de caine en Irak et en Afghanistan. Mais pour vant un tribunal de ce pays.»