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8 MONDE ARABE
Lundi 03 Févrierr 2020
Libye
L’ARMÉE NATIONALE PUBLIE DES IMAGES SUPPOSÉES
DES ARMEMENTS TURQUES DÉBARQUÉS À TRIPOLI
Les armes débarquées à Tripoli sont «une invasion turque qui viole toutes les lois et normes internationales ainsi que le cessez-le-feu dans la
région occidentale», affirme le porte-parole de l’Armée nationale libyenne qui a publié sur son compte Facebook des images qui montrent,
selon lui, une cargaison acheminée par un bateau de guerre.
ur son compte Facebook, le porte- l'est libyen, le maréchal Khalifa, ndlr] Haftar
parole de l’Armée nationale libyenne en échange d'un droit de regard sur les res-
S(ANL), le général-major Ahmed al- sources naturelles de la Libye», a-t-il souli-
Mismari, a publié des photos et une vidéo gné, précisant que «si la France veut
d’armes qui ont été selon lui acheminées contribuer à l'application des décisions
mardi 28 janvier par la Turquie vers la capi- prises lors de la conférence [de Berlin, ndlr],
tale libyenne Tripoli par le biais d’un bateau elle devrait commencer par mettre fin à son
de guerre. soutien à Haftar».
«Le commandement général des forces ar-
mées arabes libyennes surveille de près le Les résultats
bateau turc qui a débarqué mardi 28 janvier de la Conférence de Berlin
2020 une cargaison d’armes dans le port de
Tripoli», écrit le responsable en commen-
Le 19 janvier, la capitale allemande a ac-
taire «Ceci confirme ce que le commande-
cueilli une conférence internationale sur la
ment général a dénoncé comme s'agissant
Libye avec la participation de plusieurs
d'une invasion turque qui viole toutes les
pays comme la Russie, les États-Unis, la
lois et normes internationales ainsi que le
Turquie et l’Égypte, ainsi que celle de l’UE
cessez-le-feu dans la région occidentale»,
et de l’Onu. Fayez el-Sarraj, Président du
ajoute-t-il.
Gouvernement d'union nationale, et Khalifa
Haftar, commandant de l'Armée nationale,
Passe d’armes turcs transportant «des mercenaires syriens suivre: «C'est attentatoire à la sécurité de étaient aussi présents, bien que les tenta-
entre la France et la Turquie en Libye». «Nous voyons ces derniers jours tous les Européens et des Sahéliens». De tives d’organiser un dialogue direct aient
des navires turcs accompagner des merce- son côté, le porte-parole du ministère turc échoué. Le principal résultat de cette
Le 29 janvier, Emmanuel Macron a accusé naires syriens arrivant sur le sol libyen», des Affaires étrangères Hami Aksoy a répli- conférence a été l’appel au cessez-le-feu
son homologue turc, lors d'une rencontre «c'est en contravention explicite avec ce qué que «le principal responsable des pro- dans toute la Libye et l’engagement de la
avec le Premier ministre grec Kyriakos Mit- que le Président Erdogan s'était engagé à blèmes en Libye depuis le début de la crise part des puissances étrangères à ne pas
sotakis mercredi 29 janvier à Paris, de faire lors de la conférence de Berlin, c'est le en 2011, c'est la France». «Ce n'est un se- s’ingérer dans le conflit en respectant no-
«non-respect de la parole donnée» pour non-respect de la parole donnée», a af- cret pour personne que ce pays accorde un tamment l’interdiction de livrer des armes
l'envoi «en ce moment même» de navires firmé le Président français, avant de pour- soutien inconditionnel à [l'homme fort de aux belligérants.
Liban
Tunisie :
Le pays veut se reconstruire
législatives
anticipées
Ce qu’en La résilience du peuple libanais lui niers mois ont aussi été ponctués des charniers, malgré les coupures vorer les expériences et les objets
a permis, après la guerre civile, de de récupérations et stigmatisations d’eau et d’électricité, le grignotage avec une insouciance frénétique, ci-
pense Youssef survivre au-dessus des charniers. communautaires. Autrement dit, et l’empoisonnement de nos terres, gales dans un paradis consumé-
Face à la paupérisation, au commu- non, la guerre n’est pas encore ter- la destruction et le pillage de notre riste. Le Liban s’est laissé
Chahed nautarisme ou au consumérisme, minée. Et elle est bien civile patrimoine, l’érosion de nos droits embarquer dans un cycle de dé-
l'actuelle contestation doit puisque nous la menons entre nous citoyens et les discours commu- bauche financière – fait de dé-
Le chef du gouverne-
conduire à un nouveau projet col- et contre nous. Mais c’est moins du nautaires nous dressant les uns penses faramineuses, de bakchichs
ment intérimaire, Yous-
lectif, frugal et réaliste. fait de notre habitude à l’altercation contre les autres. C’est cette même et de menaces – avec ce que cela
sef Chahed a commenté
Depuis plus de cent jours déjà, les qu’à cause de notre propension à la résilience qui, aujourd’hui, alors amène de dépendances. Il s’est
la possibilité de nou-
Libanais ne décolèrent pas. Leur résilience, idée sur laquelle nous que le Liban sombre dans une crise transformé en mendiant internatio-
velles élections législa-
détermination a pris de court une avons construit notre image de économique enfin visible, nous fait nal, grappillant financements et
tives en cas de la
classe politique indéboulonnable, nous-mêmes en tant que peuple. accepter l’inacceptable : rationne- soutien politique dans les capitales
non-approbation du
qui continue pourtant ses manœu- Car oui, nous sommes des rési- ment des liquidités, inflation galo- du monde entier; et a enchaîné
gouvernement d’Elyès
vres politiciennes, sans rien chan- lients, des survivants. pante, dévaluation prêts et injections de capitaux, en-
Fakhfekh et de la disso- Férocité de vivre
ger à sa compréhension de Nous avions sur- de notre devise, dettant jusqu’à ses arrières petits-
lution du parlement, es-
l’exercice du pouvoir. Nombreux monté les horreurs de la guerre. signes de paupérisation extrême – enfants.
timant que ce serait un
sont ceux qui décrivent la «révolu- Mais, pire peut-être, nous avons des vieillards fouillant dans les pou- Les Libanais ont, dans leur majorité,
scénario “catastro-
tion d’octobre» comme un point traversé la violence de notre his- belles aux enfants mendiant entre aligné leur mode de vie à celui des
phique”. Dans une inter-
pivot. Le fait qu’un nombre consi- toire récente avec abnégation. les voitures, pieds nus sous la pluie. pays dits «développés» et adopté
vention lors de sa
dérable de Libanais se soit mobilisé Nous avons connu les occupations Et les sempiternels discours com- ce qu’ils pensaient en être les
supervision d’un Conseil
face au pouvoir en place, toutes israélienne et syrienne jusqu’en munautaires. C’est que notre survie codes, les produits, les logiques
ministériel, Youssef Cha-
confessions, opinions politiques et 2005, encore plus de guerres israé- d’après-guerre, nous la devons économiques et sociales, pourtant
hed a considéré la ré-
classes sociales confondues, incar- liennes – en 1993, 1996 et 2006 –, avant tout à notre capacité de déni incohérents avec nos réalités socio-
élection comme un
nerait la fin réelle de la guerre civile et le vol orchestré des fonds publics du réel, que nous pouvons prolon- économiques – ce qui équivalait à
désastre pour la Tunisie,
(1975-1990). Celle-ci jouait les pro- de la part d’un establishment poli- ger longtemps de manière à nous habiller un affamé d’un manteau de
soulignant que le pays
longations, les hommes de guerre tico-financier mafieux qui en a usé habituer à tout, convaincus qu’elle soie. Dans une société structurelle-
ne peut tolérer une autre
étant devenus les leaders politiques comme de son propre porte-mon- fait notre force là où elle n’est ment régie par une double logique
période de transition,
d’aujourd’hui et les divisions com- naie, imposant un système cor- qu’une forme brutale de résigna- communautaire et féodale et donc
appelant à la nécessité
munautaires persistant, sur fond rompu et clientéliste. tion. Le fait est que celle-ci est allée déjà morcelée, la compétition
d’accélérer la formation
d’absence de travail de mémoire, C’est cette résilience qui nous a de pair avec une férocité de vivre constante pour l’accès aux biens a
du gouvernement le plus
de justice et de pardon. permis, durant trente ans, de respi- qui se trouve être en réalité une ap- renforcé les inégalités et contribué
tôt possible.
La réalité est à nuancer : les der- rer, rire, aimer et danser au-dessus titude à sur-vivre, c’est-à-dire à dé- à une dislocation sociale radicale.