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16 CULTURE
Lundi 03 Juin 2019
Ministère de la Culture
L’ENFANT PRÉSENT DANS LES PROGRAMMES
DES ÉTABLISSEMENTS CULTURELS
La ministre de la Culture, Meriem Merdaci, a affirmé hier à
Alger que les établissements culturels consacraient une part
importante de leurs activités aux programmes destinés aux
enfants, à l'occasion de la journée de l'enfance célébrée le 1er
juin de chaque année.
’exprimant en marge de la célé- culture de leur pays à travers la lecture
bration de la Journée internatio- et le cinéma, soulignant que cette date
Snale des droits de l'enfant, Mme était une occasion importante pour
Merdaci, a rappelé que "le droit à la "sensibiliser les parents sur les droits
culture est reconnu à tous les citoyens" de l’enfant". La ministre assistait à un
algériens et que l’enfant bénéficiait de spectacle de l’inchad animé par une
programmes culturels à longueur d’an- troupe de Gharadia à la salle Atlas qui
née, notamment pendant le ramadan. a tracé un programme de divertisse-
La ministre a insisté sur l’importance ment pour enfants à l’occasion de cette
d’inculquer aux enfants algériens la journée.
Conte
Wahrân la ville des deux lionceaux
pérait Alexandrie fut balloté, mal- cune importance ! Un jour d’été,
mené, bousculé et les vents tour- alors que les marins avaient perdu
billonnants brisèrent les mâts, tout espoir de remettre le navire à
emportèrent des lambeaux de flots, Djaffar longeait l’oued* où se
voile et abîmèrent le gouvernail. Au déversaient les sources de la mon-
petit matin, le lendemain, les tagne, à la recherche d’un endroit
hommes, hagards, découvrirent suffisamment profond pour s’y bai-
une immense plage de sable blanc gner. Il était seul et pourtant il eut
et les débris épars de leur navire la nette impression qu’on l’obser-
couché sur les rochers. Il était loin vait. C’est alors qu’il découvrit sur la
de l’Egypte, nos marins andalous ! berge deux jeunes lions, des lion-
Mais ils aimèrent cette terre où la ceaux presque, dont la crinière
destinée les avait conduits et ils dé- naissante promettait d’être rousse
cidèrent d’y rester. La plage qui les et opulente. Les jeunes bêtes
avait accueillis porte aujourd’hui étaient là, elles ne bougeaient pas
encore leur nom : « la plage des et suivaient tous ses gestes d’un re-
Andalous ». Onze siècles ! Les gard étonné. Djaffar, attendri, aurait
hommes ont disparu mais la mer bien voulu s’en approcher mais il
« Il y a plus de mille ans, de l’autre utilisa tous les subterfuges et grand secret, la veille de ses noces, est toujours là au bord du sable craignait de voir surgir leur mère à
côté de la mer, dans une ville qui à même certaines ruses pour amener il quitta sa famille et Cordoue et, blanc ! Et si l’histoire des Andalous tout instant et il n’avait pas envie
l’époque était considérée comme son père à lui choisir l’exquise lorsqu’à Malaga, les gens de son ne s’est pas passée exactement d’engager un combat contre une
la plus grande, la plus riche, la plus Nardjess pour épouse. Mais, est-ce père retrouvèrent sa trace, comme cela, quelle importance, lionne défendant ses petits. Par
brillante de toutes les villes du pour contrarier son fils rebelle ou quelques pièces d’or suffirent pour c’est ainsi que les gens s’en sou- prudence donc, il s’en alla douce-
continent : Cordoue, naquit le fils pour servir encore un de ses des- que le capitaine d’un navire en par- viennent ! Ainsi donc, Djaffar se re- ment par la rive opposée. Le lende-
cadet d’un vizir puissant réputé seins, le terrible vizir annonça un tance pour l’Egypte accepte de le trouvait avec ses compagnons dans main, au moment de son bain, les
pour sa sévérité et son intransi- jour à Djaffar ses noces prochaines prendre à son bord juste avant de un pays dont il ne connaissait pas lionceaux étaient encore là, et il en
geance à la limite de la cruauté. On avec la fille d’un riche négociant à quitter le port. Djaffar vit sans re- encore le nom et qui semblait dé- alla de même les jours suivants
appela le fils Djaffar. Le vizir éleva qui le calife accordait depuis peu gret s’éloigner les côtes espa- sert car pas une seule habitation ne mais de lionne, point de trace. C’est
ses fils dans la plus grande rigueur, ses faveurs et, pour ne lui laisser gnoles, et la fureur de son père, s’élevait sur cette plaine accueil- alors qu’il se rappela le rêve qu’il
leur interdisant tous les plaisirs que sans doute aucun espoir, il donna qu’il se délectait à imaginer, l’aida lante. Ils comprirent très vite que avait fait sur le navire quelques
la ville offrait avec tant de largesses dans le même temps la main de à atténuer le chagrin qu’il éprouvait l’accès devait être difficile car de heures avant la terrible tempête et
aux jeunes gens fortunés. Il exigeait Nardjess, dont il était le tuteur, à un en pensant à sa douce Nardjess. hautes montagnes l’entouraient de il comprit soudain que les deux
d’eux une obéissance aveugle ! obscur chef de guerre dont l’al- L’histoire ne dit pas comment se toutes parts. Ils décidèrent donc de lionceaux lui portaient un message,
Djaffar, de tous les fils du vizir, était liance pouvait toujours servir. Djaf- passa le début du voyage, mais une franchir les monts boisés à la ren- un signe du destin qu’il devait ac-
celui qui supportait le plus mal far était désespéré et il l’était nuit, alors que le navire glissait sur contre des habitants. Ils marchèrent cepter. Il lui sembla, ce jour-là, que
l’autorité paternelle, ses brimades d’autant plus que la demoiselle qui la mer tranquille, Djaffar eut un longtemps, croisèrent des cara- les lionceaux l’observaient avec
et ses humiliations. Son père le sur- lui était promise, fille d’une esclave songe étrange. Il rêva qu’il se dé- vanes, et des nomades leur indi- dans le regard comme un appel
nommait « le rebelle » et plus que chrétienne qui à force d’intrigues battait dans les flots soudains hos- quèrent un endroit où des sources muet, mais si clair que sans plus ré-
tous ses autres frères il eut à subir avait pris rang d’épouse, était plus tiles, il luttait contre des vagues claires et douces, dans une vallée fléchir il s’avança vers eux. Les lion-
le fouet qu’un esclave qui l’aimait âgée que lui et n’offrait avec ses noires et cinglantes qui l’entraî- aux fruits abondants, leur permet- ceaux, satisfaits, d’un même
bien lui appliquait le plus légère- grands pieds, son long nez et ses naient puis l’éloignaient tour à tour traient le repos dont ils semblaient mouvement s’engagèrent dans les
ment possible. Djaffar, dans ces cheveux filasses, aucun de ces d’un rivage de sable blanc. Il étouf- avoir besoin. Au début, l’esprit en- fourrées en se retournant parfois
moments-là, serrait les dents et charmes féminins que les poètes fait et sentait ses dernières forces le core troublé par tout ce qu’il venait comme pour s’assurer que
s’efforçait de retenir sa rage et ses chantaient en s’accompagnant de quitter. Il allait abandonner la lutte de vivre, Djaffar n’avait qu’une l’homme les suivait bien. Et puis,
gémissements. Il avait ensuite bien leur luth. A la perte de Nardjess ve- lorsque deux lions à la somptueuse seule pensée : reprendre la mer sur derrière un amas de grosses pierres
de la peine à taire sa révolte et, nait donc s’ajouter pour Djaffar crinière rousse surgirent soudain à le bateau que les marins s’affai- grises, ils s’arrêtèrent soudain en
pour épuiser toutes les énergies l’humiliation de devenir soudain ses côtés, lui offrirent leurs échines raient à réparer. Il n’envisageait poussant des petits cris. Djaffar
qui bouillonnaient en lui, il chevau- objet de pitié ou de risée aux yeux dociles et le portèrent sur la rive. certes pas de retourner en Anda- s’approcha le cœur battant et dé-
chait pendant des heures jusqu’à de tous les jeunes gens qu’il fré- C’est alors qu’il se réveilla mais il lousie, l’affront qu’il avait infligé à couvrit la lionne allongée sur le
épuisement. Mais notre Djaffar quentait et qu’il savait friands de ce n’eut pas le temps de songer à la son père et à la famille de la future flanc, les pattes raides et les yeux
trouvait surtout sa consolation au- genre de déconvenue. Alors Djaffar, signification de son rêve, car il épouse était trop grand et il savait grand ouverts. Elle était morte, vic-
près de la belle Nardjess, sa cou- vaincu par la malchance, écœuré s’aperçut que sur le bateau les ma- que l’honneur des puissants exige time sans doute d’un éboulement
sine, à qui il envoyait, en secret, des par l’avenir qu’il entrevoyait, un peu rins s’apprêtaient à affronter une de une vengeance terrible ! C’est vrai- qu’elle n’avait pas prévu car des
poèmes enflammés sur des petits pour se venger de son père et ces tempêtes dont la Méditerranée semblablement à Bagdad, la herbes et des branchages encore
rouleaux parfumés. Quand vint beaucoup parce qu’il aspirait à la li- a le secret : soudaine et brutale. somptueuse, que notre jeune verts apparaissaient sous les blocs
pour lui l’âge de prendre femme, il berté, prit la décision de partir. En Des heures durant, le navire qui es- homme pensait, mais ceci n’a au- de rocher.