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16 CULTURE
Lundi 23 Mars 2020
Histoire
HASSAN PACHA OU
LES TROIS GOUVERNORATS D’ALGER
En sa qualité de gouverneur général d’Alger, Hassan Pacha est le seul à avoir eu trois mandats distincts durant la période ottomane
des Beylerbey qui se sont relayés de 1518 à 1587.
u titre honorifique de Pacha, Has-
san a exercé trois fois la fonction
Ade gouverneur. Cela s’explique
probablement par les traits de son carac-
tère, mais pas que. L’historien Diego de
Haëdo le décrit comme un homme « li-
béral et populaire », parlant parfaitement
plusieurs langues, notamment l’espagnol.
C’est dire qu’il peut faire un bon ambassa-
deur. Avant de s’installer à la tête de la Ré-
gence d’Alger, l’une des trois villes-Etats
nord africaines (avec Tunis et Tripoli), dès
le 20 juin 1544, il a bénéficié de l’appui de
son père Kheïreddine Barberoussse. En
soutenant la candidature de son fils, ce
fondateur de la Régence d’Alger fait valoir
son combat contre l’expansion espagnole
et son mérite – avec son frère Aroudj –
d’avoir intégré le Maghreb à l’empire. Has-
san est né d’un mariage mixte, sa mère est
algéroise. Il ne peut donc pas être un Kou-
lougli, son père n’étant pas un janissaire
(corps de l’armée ottomane), mais un cor-
saire qui s’est mis au service du sultan. A
Alger, Hassan peut avoir la facilité de tisser
des liens avec la population locale.
Au-delà de ses campagnes contre le
royaume zianide de Tlemcen, il doit aussi
assumer la charge de la guerre contre l’Es-
pagne, dont les forces occupent alors dernier, en 1557. Sa deuxième mission de la présence des Kabyles à Alger. Puis, ils même mille cavaliers envoyés par le roi de
Oran et ont des visées sur plusieurs villes gouverneur sera, surtout, marquée par le l’arrêtent et le renvoient, en 1561, à Koukou, il compte aussi sur trente-deux
d’Algérie. Il conduit parfois lui-même ses conflit armé avec le royaume des Ath Constantinople. Il est alors soupçonné de galères. Au terme de plus de deux mois
troupes, composées essentiellement de Abbas en Kabylie, en 1559. L’année constituer une armée de Renégats et de d’affrontements, il lève le camp, le 7 juin
soldats turques, de René- d’après, il établit la paix Kabyles, afin de mettre fin au pouvoir des 1563. Deux ans plus tard en mai, il parti-
L’alliance avec Koukou
gats et de Spahis. C’est avec les At El Kadi, souve- janissaires. Une fois de plus, il sera de re- cipe au grand siège de Malte, avant de
dans ce contexte qu’il a rains de Koukou dans la même région, al- tour à Alger, ayant tou- pouvoir se reposer dans son
appris, en 1546, le décès de son père. Son lant même jusqu’à épouser une fille du roi. jours les faveurs du sultan. La tentative d’Oran palais à Alger. Cette fois-ci,
protecteur n’étant plus là, il sera confronté Cette alliance permet aux Kabyles de cir- Accueilli chaleureusement en 1562, sa il apprend que son successeur est désigné.
à un rival, Rostan Pacha un beau père du culer librement à Alger, de porter des troisième et dernière période de cinq ans Il s’en va en janvier avec la certitude de ne
sultan qui cherche à le destituer. Inquiet, il armes et d’en acheter. sera ponctuée par sa tentative de prendre plus vivre à Alger. Il emporte ses biens,
s’en va à Constantinople, le 22 septembre Déjà méfiants envers le groupe des cor- le port Mers El Kébir et ensuite la ville mais laisse son épouse, la fille de Koukou,
1551, pour apaiser la tension. Il a alors 35 saires, les janissaires réunissent leur d’Oran. Fort d’une armée de quinze mille avec laquelle il a eu un fils. Il meurt en
ans. Il ne reviendra qu’après la mort de ce conseil (divan). Ils font interdire à Hassan mousquetaires, mille spahis à cheval et 1570 à Constantinople.
Correspondance entres les deys d’Alger
et la cour de France
Sous l’ère ottomane, le gouvernement d’Al- possession de son poste en raison de la ré- bre Dragut, il s’imposa au Grand Seigneur considérations et avec l’affection que nous
ger, proprement dit, est représenté par le pugnance qu’avaient les Algériens à rece- Souleyman par sa bravoure et son intelli- portons à la Majesté de Henri III, notre cher
pacha, nommé tous les trois ans par la voir au milieu d’eux un témoin de leurs gence et fut rappelé en 1580 à la suite des ami et votre Roi, nous ne trouvons aucun
Porte ottomane. Les lettres des Illustres et pirateries. Les négociations furent reprises plaintes des Algériens contre son adminis- moyen pour le mettre en place, la chose ré-
Magnifiques Seigneurs montrent que les auprès de la Porte ottomane par François tration. pugnant à l’esprit des marchands, du peu-
premiers consuls français finirent par se de Noailles, évêque de Dax et, surtout, par Mounira Amine-Seka ple et de tous. Ils ne veulent point admettre
faire accepter grâce à l’opiniâtreté des Mar- Gilles de Noailles qui, dans une lettre du 12 la nouvelle autorité que vous leur impose-
seillais. Les relations commerciales de la février 1578, annonça à Henri III qu’«(il) HASSAN VENEZIANO, PACHA D’ALGER, riez, et qui ferait du tort à l’Echelle d’Alger
France avec la Régence d’Alger remontent avait fait établir le capitaine Maurice Sauron A MM. LES CONSULS ET GOUVERNEURS si elle venait à s’y établir de force. Nous se-
à l’année 1478, époque où les Marseillais pour consul à Alger». DE LA VILLE DE MARSEILLE. rions bien surpris que vous l’ayez permis,
vinrent pêcher le corail sur les côtes mais Cette charge étant vénale, le titulaire pou- vos prédécesseurs n’ayant jamais eu la har-
on ne peut douter que cette lettre ne soit vait se faire représenter par un vice-consul Alger, le 28 avril 1579. diesse de le faire, et la chose étant à votre
le point de départ des correspondances of- ou gérant. Comme on le voit, François Gui- Magnifiques Seigneurs, préjudice et à notre dommage. Lorsque
ficielles. En effet, le premier titulaire du ghigotto, suppléant de Maurice Sauron, fut vous nous demanderez des choses qui se-
consulat d’Alger fut Bartholle de Marseille, expulsé quelques jours après qu’il eut tenté Il est venu ici un nommé François Guighi- ront dans nos habitudes et conformes à
nommé par Charles IX, le 15 septembre de s’installer à Alger. gotto, porteur d’une expédition de Consul nos devoirs, nous ne manquerons pas de
1564, sur les instances de notre ambassa- Hassan Veneziano, alors pacha d’Alger, suc- en faveur du Capitaine Maurice Sauron, vous montrer la bonne volonté que nous
deur à Constantinople, Pétremol de Ner- céda au pacha Ramadan en 1577. Renégat dont il serait le substitut. Mais nous, qui avons de vous faire plaisir. Que Dieu vous
voie mais il ne parvint pas à prendre vénitien, élevé parmi les corsaires du célè- voulons rester d’accord avec les anciennes accorde toute satisfaction !