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             Mercredi 25 Septembre 2019
                                                               Cinémathèque de Bejaia


                               MERIEM ACHOUR BOUAKKAZ



                                      CHAUFFE  LA SALLE AVEC



                                               LE FILM "NAR" (FEU)




               "Nar" (feu), le nouveau film documentaire de Mériem Achour Bouakkaz, a agréablement chauffé, lundi soir, le public de la cinémathèque
                                            de Bejaia, absolument transporté par l’aboutissement et la qualité de l’œuvre.

                 our montrer son contentement,                                                                          de vie extrêmes qui les caractérisaient.
                 celui-ci lui a accordé un long stan-                                                                   Un chef de famille, père d’une handicapés
            Pding ovation, exactement comme                                                                             de surcroit, à ce titre, en a fait l’horrible ex-
            dans une sortie de théâtre.                                                                                 périence, en s’aspergeant d’essence, lui et
            "Merci, merci, merci. Sincèrement je ne                                                                     son enfant, avant de faire craquer son bri-
            m’attendais pas à cet accueil",  réagissait-t-                                                              quet dans le hall d’une agence bancaire. Il
            elle ostensiblement émue, avant de se prê-                                                                  a été sauvé in-extrémis par les clients qui
            ter à l’exercice des questions réponse et du                                                                s’y trouvaient. " Pas de boulot, pas de loge-
            débat, et qui a donné l’occasion de mieux                                                                   ment, avec sur les bras une fille que je ne
            mesurer les causes de ce succès. Les spec-                                                                  pouvais prendre en charge. Je souffrais ter-
            tateurs, ont été captivés par la force et la                                                                riblement", se souvient-il expliquant que
            qualité des témoignages recueillis ainsi que                                                                l’obtention ultérieurement d’un logement
            la puissance de leurs propos, expliquant                                                                    lui a rendu l’espoir. " je vis désormais une
            sans fioriture l’horreur de ces actes (immo-                                                                deuxième naissance", en esquissant son
            lations), le raisons qui en sont à l’origine, et                                                            meilleur sourire
            les douleurs familiales engendrées après                                                                    Lui s’en est tiré, autant que plusieurs autres.
            coup.                                                                                                       Mais beaucoup de jeunes aux prises à des
            Sans faire les doctes, ni recourir au jeu de                                                                facteurs déclenchant analogues continuent
            la narration, Bouakkaz, effacé dans le film,                                                                de broyer du noir. Pas de perspectives,
            a donné libre cours à ses protagonistes, des                                                                proies au chômage et à la pauvreté, ne des-
            survivants et des proches endeuillés pour                                                                   serrant les carcans qui les engoncent qu’en
            dire simplement, leur mal, leur désespoir.                                                                  allant dans les cafés ou les stades et qui ne
            Des témoignages poignants, qui donnent                                                                      rêvent qui de la Harga, un autre forme de
            froid dans le dos.                                                                                          suicide en somme.
            Le film s’ouvre sur un cas notoire, celui d’un                                                              Un film bavard , déroulé comme un cri de
            jeune à Jijel, qui en 2004, a recouru à ce                                                                  colère, sur les souffrances indicibles des
            procédé, et dont la mort dans un lieu pu-                                                                   jeunes et surtout le silence entretenu au-
            blic a non seulement marqué les imagina-                                                                    tour de ce phénomène qui a force de se ba-
            tions mais a donné lieu à des émeutes.                                                                      naliser, a-t-elle déploré, prend l’allure de
            Ultérieurement le phénomène, s’est ag-                                                                      prosaïque faits divers alors que "le choix de
            gravé notamment avec l’avènement des                                                                        la mort et le procédé utilisé sont des
            printemps arabe en 2010. Le documentaire                                                                    formes de violences extrêmes", a-t-elle dé-
            ne donne pas de statistiques mais certains                                                                  ploré.
            rescapés, retrouvés dans la région de                                                                       Le film a été projeté dans le cadre du 17
            Constantine, et qui tous ont souligné leurs                                                                 eme rencontre cinématographique de Be-
            difficultés alors à supporter les conditions                                                                jaia.

                                                                              Histoire

                Les Almohades, mouvement rigoriste d’Ibn Toumert


            Après avoir mis fin au pouvoir des Almora-  Dès 1117, il en fait son premier point d’an-  mert, auteur de l’ouvrage Aazou ma yout-  mohade et le garant de son expansion. Ibn
            vides et pris leur capitale Marrakech, les  crage. Juriste et théologien, il rassemble les  lab (Le meilleur qu’on puisse chercher), in-  Toumert est reconnu comme imam impec-
            Berbères almohades apparaissent, dès  premiers initiés. Il conteste la pratique des  carne le puritanisme et l’ascèse, ce qui  cable (maâsoum).
            1147, comme un mouvement de réforma-  Almoravides du pouvoir, leur étude limitée  séduit l’audience à une large échelle dans  Abd el Moumen est, lui, premier imam-ca-
            teurs sunnites dans tout le Maghreb et en  des préceptes coraniques au profit d’un ju-  les régions maghrébines. Il est cependant  life (1130-1162). L’unique législateur, le seul
            Andalousie.                         ridisme excessif, leur attachement forma-  confronté à la réalité du terrain, à la pres-  interprète autorisé des textes fondateurs de
             Voilà un guide, un imam sunnite qui a des  liste au rite malékite. Il prêche la réforme  sion almoravide.  l’islam.
            ambitions autant politiques que reli-  des mœurs et des pratiques juridiques. Il                            En une trentaine d’années, il sera le
            gieuses.  Mohamed ibn Toumart (naissance  développe une vision austère et rigoriste  Au nom de l’unicité    constructeur du nouvel empire islamique
            présumée entre 1076 et 1082) se serait pro-  des normes sociales et de l’autorité légi-                     au Maghreb et en Andalousie, régi par le
            clamé devant ses fidèles Mahdi (un homme  time. Vision inhérente au principe fonda-  Pour parvenir à la chute de leur rival, les Al-  dogme de l’unicité divine, soit la réalisation
            providentiel qui selon les sunnites devras  mental  : l’unité divine (tawhid, d’où  mohades ont recours à la sélection (ta-  ultime de l’islam et de l’Ordre de Dieu. Les
            combattre l’Antéchrist), sinon reconnu en  l’appellation Mouahidoun). C’est au nom de  myiz), c’est-à-dire l’élimination directe par  musulmans sont eux-mêmes assignés à se
            tant que tel. Il se présente ainsi comme le  cette unicité qu’il a préparé les Masmuda à  les tribus elles-mêmes des membres les  convertir à l’unitarisme (tawhid). Les juifs et
            chef légitime, le représentant de Dieu (kha-  sa cause (daâwa) religieuse et militaire.    moins motivés au ralliement. La solidarité  les chrétiens, eux, ne sont plus tolérés
            lifat allah comme chez les Chiîtes), non pas                            tribale sera ainsi brisée.          comme communauté.
            le successeur du prophète (khalifat rassoul  Tinmel le lieu de départ    Cette épuration sera suivie par l’offensive  Cette quête d’autorité absolue aura duré
            allah), ce qui est une exception chez les                               anti-almoravide. Ibn Toumert décède en  jusqu’à 1269, date marquant l’émergence
            Sunnites. Pour asseoir sa doctrine, ce mem-  Dans une seconde phase, vers 1124, il au-  1130 et son successeur Abd el Moumen  des Mérinides.
            bre de la tribu des Arghen (appartenance  rait trouvé refuge à Tinmel dans le Sud ma-  mène les troupes, jusqu’à la prise de Mar-  Et pour la première et dernière fois de l’his-
            aux Berbères Masmuda) réside en mon-  rocain, qui allait devenir le point d’envol  rakech en 1146.          toire, le grand Maghreb sera unifié sous
            tagne à Igiliz (près de Taroudant, ville du  des Almohades, la première capitale de ce  Le premier est le fondateur du mouvement  l’autorité de souverains, non pas arabes,
            Sud-ouest du Maroc).                mouvement. Le théoricien virulent Ibn Tou-  et du pouvoir, le second celui de l’Etat al-  mais berbères.
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