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16 CULTURE
Mercredi 25 Septembre 2019
Cinémathèque de Bejaia
MERIEM ACHOUR BOUAKKAZ
CHAUFFE LA SALLE AVEC
LE FILM "NAR" (FEU)
"Nar" (feu), le nouveau film documentaire de Mériem Achour Bouakkaz, a agréablement chauffé, lundi soir, le public de la cinémathèque
de Bejaia, absolument transporté par l’aboutissement et la qualité de l’œuvre.
our montrer son contentement, de vie extrêmes qui les caractérisaient.
celui-ci lui a accordé un long stan- Un chef de famille, père d’une handicapés
Pding ovation, exactement comme de surcroit, à ce titre, en a fait l’horrible ex-
dans une sortie de théâtre. périence, en s’aspergeant d’essence, lui et
"Merci, merci, merci. Sincèrement je ne son enfant, avant de faire craquer son bri-
m’attendais pas à cet accueil", réagissait-t- quet dans le hall d’une agence bancaire. Il
elle ostensiblement émue, avant de se prê- a été sauvé in-extrémis par les clients qui
ter à l’exercice des questions réponse et du s’y trouvaient. " Pas de boulot, pas de loge-
débat, et qui a donné l’occasion de mieux ment, avec sur les bras une fille que je ne
mesurer les causes de ce succès. Les spec- pouvais prendre en charge. Je souffrais ter-
tateurs, ont été captivés par la force et la riblement", se souvient-il expliquant que
qualité des témoignages recueillis ainsi que l’obtention ultérieurement d’un logement
la puissance de leurs propos, expliquant lui a rendu l’espoir. " je vis désormais une
sans fioriture l’horreur de ces actes (immo- deuxième naissance", en esquissant son
lations), le raisons qui en sont à l’origine, et meilleur sourire
les douleurs familiales engendrées après Lui s’en est tiré, autant que plusieurs autres.
coup. Mais beaucoup de jeunes aux prises à des
Sans faire les doctes, ni recourir au jeu de facteurs déclenchant analogues continuent
la narration, Bouakkaz, effacé dans le film, de broyer du noir. Pas de perspectives,
a donné libre cours à ses protagonistes, des proies au chômage et à la pauvreté, ne des-
survivants et des proches endeuillés pour serrant les carcans qui les engoncent qu’en
dire simplement, leur mal, leur désespoir. allant dans les cafés ou les stades et qui ne
Des témoignages poignants, qui donnent rêvent qui de la Harga, un autre forme de
froid dans le dos. suicide en somme.
Le film s’ouvre sur un cas notoire, celui d’un Un film bavard , déroulé comme un cri de
jeune à Jijel, qui en 2004, a recouru à ce colère, sur les souffrances indicibles des
procédé, et dont la mort dans un lieu pu- jeunes et surtout le silence entretenu au-
blic a non seulement marqué les imagina- tour de ce phénomène qui a force de se ba-
tions mais a donné lieu à des émeutes. naliser, a-t-elle déploré, prend l’allure de
Ultérieurement le phénomène, s’est ag- prosaïque faits divers alors que "le choix de
gravé notamment avec l’avènement des la mort et le procédé utilisé sont des
printemps arabe en 2010. Le documentaire formes de violences extrêmes", a-t-elle dé-
ne donne pas de statistiques mais certains ploré.
rescapés, retrouvés dans la région de Le film a été projeté dans le cadre du 17
Constantine, et qui tous ont souligné leurs eme rencontre cinématographique de Be-
difficultés alors à supporter les conditions jaia.
Histoire
Les Almohades, mouvement rigoriste d’Ibn Toumert
Après avoir mis fin au pouvoir des Almora- Dès 1117, il en fait son premier point d’an- mert, auteur de l’ouvrage Aazou ma yout- mohade et le garant de son expansion. Ibn
vides et pris leur capitale Marrakech, les crage. Juriste et théologien, il rassemble les lab (Le meilleur qu’on puisse chercher), in- Toumert est reconnu comme imam impec-
Berbères almohades apparaissent, dès premiers initiés. Il conteste la pratique des carne le puritanisme et l’ascèse, ce qui cable (maâsoum).
1147, comme un mouvement de réforma- Almoravides du pouvoir, leur étude limitée séduit l’audience à une large échelle dans Abd el Moumen est, lui, premier imam-ca-
teurs sunnites dans tout le Maghreb et en des préceptes coraniques au profit d’un ju- les régions maghrébines. Il est cependant life (1130-1162). L’unique législateur, le seul
Andalousie. ridisme excessif, leur attachement forma- confronté à la réalité du terrain, à la pres- interprète autorisé des textes fondateurs de
Voilà un guide, un imam sunnite qui a des liste au rite malékite. Il prêche la réforme sion almoravide. l’islam.
ambitions autant politiques que reli- des mœurs et des pratiques juridiques. Il En une trentaine d’années, il sera le
gieuses. Mohamed ibn Toumart (naissance développe une vision austère et rigoriste Au nom de l’unicité constructeur du nouvel empire islamique
présumée entre 1076 et 1082) se serait pro- des normes sociales et de l’autorité légi- au Maghreb et en Andalousie, régi par le
clamé devant ses fidèles Mahdi (un homme time. Vision inhérente au principe fonda- Pour parvenir à la chute de leur rival, les Al- dogme de l’unicité divine, soit la réalisation
providentiel qui selon les sunnites devras mental : l’unité divine (tawhid, d’où mohades ont recours à la sélection (ta- ultime de l’islam et de l’Ordre de Dieu. Les
combattre l’Antéchrist), sinon reconnu en l’appellation Mouahidoun). C’est au nom de myiz), c’est-à-dire l’élimination directe par musulmans sont eux-mêmes assignés à se
tant que tel. Il se présente ainsi comme le cette unicité qu’il a préparé les Masmuda à les tribus elles-mêmes des membres les convertir à l’unitarisme (tawhid). Les juifs et
chef légitime, le représentant de Dieu (kha- sa cause (daâwa) religieuse et militaire. moins motivés au ralliement. La solidarité les chrétiens, eux, ne sont plus tolérés
lifat allah comme chez les Chiîtes), non pas tribale sera ainsi brisée. comme communauté.
le successeur du prophète (khalifat rassoul Tinmel le lieu de départ Cette épuration sera suivie par l’offensive Cette quête d’autorité absolue aura duré
allah), ce qui est une exception chez les anti-almoravide. Ibn Toumert décède en jusqu’à 1269, date marquant l’émergence
Sunnites. Pour asseoir sa doctrine, ce mem- Dans une seconde phase, vers 1124, il au- 1130 et son successeur Abd el Moumen des Mérinides.
bre de la tribu des Arghen (appartenance rait trouvé refuge à Tinmel dans le Sud ma- mène les troupes, jusqu’à la prise de Mar- Et pour la première et dernière fois de l’his-
aux Berbères Masmuda) réside en mon- rocain, qui allait devenir le point d’envol rakech en 1146. toire, le grand Maghreb sera unifié sous
tagne à Igiliz (près de Taroudant, ville du des Almohades, la première capitale de ce Le premier est le fondateur du mouvement l’autorité de souverains, non pas arabes,
Sud-ouest du Maroc). mouvement. Le théoricien virulent Ibn Tou- et du pouvoir, le second celui de l’Etat al- mais berbères.