Page 16 - 03-09-2019

16 CULTURE

Mardi 03 Septembre 2019

Festival Diwane à Bechar
Histoire

Quand la loi régissait MAÂLMA LALLA KHEIRA CONQUIERT

les souks ottomans LE PUBLIC PAR SON INTERPRÉTATION

A l’époque ottomane, les médinas organisaient leurs
Maâlma Lalla Kheira, l'une des rares femmes à jouer du goumbri, un instrument à cordes
populations actives en corporations de métiers dont
pincées dédié à la musique traditionnelle Gnawa, a conquis le public présent samedi soir
chacune avait son propre territoire appelé souk. La
structure spatiale qui marquait les centres villes des aux premières représentations artistiques de la 12ème édition du Festival culturel national
médinas obéissait à des règles qui ne cessaient de se de la musique et danse Diwane.
développer et se plier aux recommandations de l’Is-
lam et aux exigences du temps et du lieu.
A l’époque ottomane, au vu de l’essor commercial
qu’ont connu les médinas, le nombre des corpora-
tions, selon André Raymond, avait atteint un indice
important. Au Caire, on en comptait 250 corporations,
à Tunis 83 et à Constantine, seulement 35. A Alger, on
n’en comptait que 32, mais l’apport maritime de sa
flotte pendant les trois siècles de l’ère ottomane était
de loin bien plus important que les autres activités
commerciales.
Ces structurations connues à Alger sous le nom de Ja-
maâa étaient formées en plusieurs chefs d’ateliers
connus sous le nom de Mouâalimin (maîtres), à qui la
gestion de l’atelier revenait. Un titre reçu par tradition
après l’obtention d’une ijaza, l’attestation de maîtrise,
délivrée par le maître à ses apprentis à la fin du stage.
Le président ou chef des mouâalimin était appelé el
amine choisi pour sa maîtrise du métier et sa piété
parmi eux. Il était le trait d’union entre les corpora-
tions et les autorités publiques. Il défendait les intérêts
des artisans et aidait les autorités municipales dans
l’administration de cette population ouvrière. De ce
fait, les amine avaient des prérogatives de police et
de juridiction sur les membres de leur corporation. alla Kheira, avec sa troupe de femmes, comme c'est le cas chez le seul espace qui permet de faire
Hoexter avait noté que «Dans le cadre de la police in- femmes musiciennes, toutes is- nous à Ghardaïa, nous a permis de connaître les femmes musiciennes au
térieure qu’ils exerçaient, ils surveillaient aussi les dé- Lsues de familles s'adonnant aux créer en 2007 la troupe feminine sein du Diwane et surtout des
placements des membres de leur corporation. Nul ne rites Diwane à Ghardaïa et qui sont à Dendoun Lalla Kheira", a-t-elle Maâlma comme moi, jadis confinées
pouvait pénétrer dans la ville ou en sortir sans se pré- leur premier passage sur scène à l'oc- ajouté. dans les espaces sacrés des pratiques
senter devant son amine.». Selon les sources histo- casion de cette manifestation, ont "Passer la première soirée de ce fes- Diwane, comme c'est le cas actuelle-
riques, les amines avaient leurs propres prisons et surpris le public par la dextérité des tival constitue pour moi et pour ma ment de plusieurs musiciennes qui
policiers, chaouch. Les décisions judiciaires dans les jeux Krakeb (qarqabous) et surtout la troupe, forte d'une dizaine de musi- jouent de cet instrument à Ghardaïa
parfaite maîtrise du Goumbri par ciennes, ‘une grande et importante et qui ne peuvent, pour différentes
affaires civiles étaient, dans ce cas, de leur prérogative.
cette jeune artiste, de son vrai nom sortie artistique’ », malgré notre par- raisons, prendre part à des manifes-
Ce n’était que rarement que le gouvernement inter-
Kheira Bouchareb. ticipation à plusieurs manifestations tations d'ampleur nationale", a-t-elle
venait dans leurs jugements. De par leur expérience,
"Je suis née à Ghardaia et j'ai grandi culturelles et artistiques, notamment expliqué.
les avis techniques dans les questions conflictuelles,
dans l'ambiance de la culture du à Tizi-Ouzou, Constantine et Alger", "A travers cette première participa-
dépassant les connaissances des juristes ou ahl el khi-
Dendoun, une variante régionale du a-t-elle signalé. tion au festival, nous voulons dé-
bra, les experts, ils se délaçaient pour enquêter sur le Diwane dans cette wilaya. J'ai appris "Nous avons été très heureuses par montrer aussi la présence des
terrain. De ce fait, ils étaient les aâwan el qadi, aides à jouer le Goumbri grâce à ma dé- l'accueil qui nous a été réservé par le femmes adeptes du Diwane tant sur
de cadis, dans leur domaine, selon la définition des funte mère Hadj Ayoubi Meriema, public de Bechar, un public connais- la scène artistique national, que dans
juristes.Quant au domaine de police, les amine coor- elle-même adepte depuis son jeune seur en matière de musique et danse ses pratiques sacrés où les femmes
donnaient avec el mouhtasib (le comptable?), en ma- âge des rites sacrés du Diwane", a-t- Diwane, ce qui constitue pour moi et adeptes de cette tradition sont pré-
tière des contrôle des poids et mesures, de la qualité elle déclaré à l'APS. ma troupe un atout pour poursuivre sentes dans les différents segments
des biens, ainsi que le comportement des membres "J'ai appris le Goumbri, -unique ins- notre chemin dans la promotion de liés à son organisation et son dérou-
de la corporations avec les clients. trument à cordes dans les pratiques la participation des femmes au déve- lement, notamment dans sa variante
rituelles et musicales du Diwane qui loppement de cet art séculaire, qui Dendoun, chez nous à Ghardaïa", a
Le jugement des litiges entre membres de ces corpo-
était, par le passé, l'apanage des était jusqu'à un temps récent réservé fait savoir cette artiste également
rations et les habitants de la ville, revenaient aux ins-
hommes-, au sein des groupes Di- uniquement aux hommes", a indiqué présidente de l'association "Den-
titutions suprêmes de a ville : le majlis et la mahkama,
wane. Mon amour pour le Diwane et Lalla Kheira. "Ce festival national du doun-Feminin'' de cette célèbre ville
le Conseil et le tribunal. C’est ainsi qu’on régla le litige
la pratique du Dendoun par les Diwane de Bechar est certainement touristique dans le sud du pays.
qui opposa les Mozabites à l’Oukildes habous (do-
maines) du tombeau de Sidi Ramdan, sur la propriété Clôture des ateliers du théâtre d'Alger-Centre
du four, au dessus de Souk El Djemâa.
Les litiges entre corporations, étaient réglés Présentation de la pièce "Rouh"
par Cheikh lebled, le sage de la médina, à travers des
accords de réconciliations, comme ceux des membres
Les jeunes de l'atelier de classique et arabe dialectal. l'atelier de chorégraphie, stagiaires" et que l'atelier a
de différentes corporations, tels opposants les jijlis
formation du théâtre d'Al- Les stagiaires ont participé Halim Rahmouni pour présenté quatre textes,
(natifs de Jijel) aux mozabites (natif du M’zab), ou en-
ger-Centre ont présenté, , à l'écriture de la pièce, sous l'atelier de scénographie et dont " Rouh" qui a été
core les tebbanine, marchands de paille aux sebba-
leur pièce intitulée " Rouh" la supervision de leurs en- Abdelkader Soufi pour écrite par Fatima El Houari
ghines, teinturiers … etc.
sur la scène du théâtre, or- cadreurs, en l'occurrence l'atelier de musique. qui est une des partici-
Amine el ouména, le chef des chefs de toutes les cor-
ganisateur de cette mani- l'écrivain H'mida Ayachi L'écrivain H'mida Ayachi a pantes à l'atelier d'écriture.
porations, était élu par les amines. L’amine des siya-
festation, évoquant des qui a supervisé l'atelier de indiqué que " la présenta- Pour rappel, les ateliers de
ghines (les bijoutiers) était nommé Al Hadj Mohamed
personnalités éminentes l'écriture, Mohamed Fri- tion de la pièce se poursui- formation du théâtre d'Al-
Ibn El Hadj Hamid, fut Amine el ouména.
du patrimoine arabe en mehdi en charge de l'ate- vra lors de la prochaine ger-Centre ont débuté le
Dans les prochains articles, nous verrons comment les
philosophie et soufisme lier de la mise en scène, étape, l'expérience conti- 21 juillet dernier et pré-
autres corporations s’organisaient, telle a corporation
dans un mélange d'arabe Samar Bendaoud pour nuera avec de nouveaux senté la pièce "Rouh".
des mozabites et des maîtres-maçons.