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4 ORAN
jeudi 19 Mars 2020
19 mars 1962
LE JOUR DE LA VICTOIRE
Le 19 mars 1962 marque la fin d’une guerre de libération menée par le peuple algérien et celle de 132 années d’une colonisation effroyable et
barbare. La population oranaise, comme celle de toutes les régions du pays, a vécu l’événement dans une joie incommensurable et avec un
immense et profond soulagement.
émotion.
De son côté, S.Bouzid, raconte
les événements de la journée
du 19 mars.
"J’avais 10 ans. Nous habitions
au quartier des Mimosas, près
de la cité Petit, j’étais avec les
gosses du quartier, c’était
presque l’heure du déjeuner
lorsque nous avons vu de mil-
liers de feuilles de papier
qu’un
avion lançait. Nous avons ra-
massé plusieurs exemplaires
et nous remarqué que nos voi-
sins, les adultes, commen-
taient ce qu’il y avait d’écrit sur
les feuilles et là nous avons
compris que la guerre était
finie, alors nous nous sommes
Le professeur Sadek Benkada, place publique du quartier de comme stipulé dans les ac- mination qu’ils allaient voter à
précipités, chacun de nous,
historien et chercheur au Cen- M’dina Jdida". cords d’Evian dans le premier l’unanimité le 1er juillet 1962,
vers la maison et, en cours de
tre de Recherche en Anthro- Cette crainte s’est d’ailleurs vé- point, signés la veille. C’était la lors du référendum sur l’auto-
route, nous avons entendu des
pologie Sociale et Culturelle rifiée après le 19 mars, l’OAS a fin de la guerre, mais ils se détermination".Concernant le
you-yous dans les maisons par
(CRASC), se souvient bien de redoublé de férocité. Les at- sont abstenus de faire de cessez-le-feu à Oran, l’histo-
lesquels les femmes expri-
cette journée exceptionnelle : tentats, les assassinats et les grandes démonstrations de rien a indiqué qu’"Oran consti-
maient leur joie".
"le 19 mars 1962, vers midi, un exécutions sommaires se sont joie par crainte des attentats, tuait un cas particulier", car
"Tous les voisins ont préparé
avion a survolé la ville d’Oran multipliés à Oran, faisant des des exactions et des intimida- l’OAS, après le 19 mars, a re-
du couscous et des gâteaux
et ses environs, notamment dizaines de morts et de bles- tions de l’OAS, très bien im- doublé de férocité, perpétrant
traditionnels qu’ils ont distri-
M’dina Jdida, pour lâcher de sés, et ce durant les mois qui plantée à Oran et, en des attentats sanglants et des
bué aux plus démunis. C’était
milliers de tracts. C’était la ont suivi et jusqu’à la fin juin. général, dans les grandes villes assassinats, ainsi que des inti-
une journée que je n’oublierais
proclamation du cessez le feu, Sadek Benkada souligne, à ce du pays".Amar Mohand Ameur midations envers les oranais.
jamais", ajoute-t-il.Le 19 mars
après la signature, la veille, le propos, que "ceux qui ont a ajouté qu’à l’époque "l’OAS "L’OAS voulait, à travers ces
1962, les journaux locaux et
18 mars, des Accords d’Evian". vécu les affres du colonialisme se considérait comme un Etat actes, saboter les accords
nationaux annonçaient le ces-
"Les Algériens se sont précipi- et des attentats de l’OAS peu- au sein de l’Etat et que l’armée d’Evian", a-t-il souligné.
sez-le-feu, la fin de la guerre
tés pour ramasser ces tracts et vent comprendre ce que le 19 française était une force d’oc-
et du colonialisme : "Cessez le
y ont découvert la proclama- mars signifie pour eux et pour cupation et ne voulait pas en Une journée particulière-
feu à midi dans toute l’Algé-
tion du cessez-le-feu, pre- le pays tout entier". La veille démordre. Les algériens la
rie", c’était le titre le plus usité.
mière mesure entrant en déjà, la signature des Accords craignaient car cette organisa- Cette journée du 19 mars 1962
Les carnages de l’OAS n’ont
vigueur après la signature des d’Evian et la libération, dans la tion a déjà fait montre de ses reste gravée dans la mémoire
cessé que le 5juillet à Oran au
Accords. La joie, soudaine, se nuit du 18 au 19 mars 1962, visées, à travers les attentats et des oranais.
cours duquel, les oranais
lisait sur tous les visages, ac- des cinq figures de la Révolu- les assassinats. C’est pour cette Hadja Mansouria, 81 ans, se
comme tous les algériens fêtè-
compagnée d’un immense et tion, détenues à Aulnoy, ont raison que dans les grandes souvient bien de ce jour si par-
rent avec faste l’indépendance
profond soulagement, car cela suscité le bonheur des algé- villes, les démonstrations de ticulier. "Mon père est entré
du pays. Le peuple algérien a
annonçait la fin d’une guerre riens. Les Oranais, collés à la joie étaient réfrénées de peu précipitamment à la maison,
payé un lourd tribut en vies
exsangue qui a duré près de radio suivaient de près tous les de nouveaux attentats et de la tenant à la main une feuille de
humaines.Le défunt Réda
huit années et une occupation événements et tous les épi- vengeance des ultras". papier. Il hurlait presque : c’est
Malek notait dans son ouvrage
de 132 ans et c’est pour cette sodes et les derniers dévelop- "Ailleurs, en l’occurrence dans le cessez-le-feu, la guerre
"L’Algérie à Evian" que les
raison que le 19 mars est ap- pements des négociations les zones rurales et dans le est terminée. Nous n’y
pertes furent colossales. Il
pelé la fête de la victoire", d’Evian. maquis, dans les rangs de croyions pas, mais après
souligne à ce propos : "Le
ajoute le même universitaire. l’ALN, les démonstrations de quelques instants nous avons
mois de mai marque l’apogée
Pour lui, "le sentiment ressenti Terroriser pour saboter les joie étaient plus prononcées", entendu les you-yous des voi-
des crimes de l’OAS. La cap-
alors était indéfinissable chez accords d’Evian- a-t-il ajouté. sines et nous nous sommes
ture de ses têtes de file les
tous les oranais" mais, a-t-il L’historien et chercheur Mo- lancées, nous aussi, à tue-
plus connues l’accule à la po-
ajouté, "cette joie et ce soula- De son côté, Amar Mohand hand Ameur souligne que "le tête"."Néanmoins, nous nous
litique de terre brûlée. Déses-
gement ont été tempérés par Ameur, historien et chercheur cessez le feu a été une victoire sommes tues rapidement, car
pérant d’instituer une
la crainte des attentats des ul- au CRASC, rappelle, dans une pour le FLN, car malgré la nous avions peur de l’OAS,
république de type sudiste,
tras de l’OAS, perpétrés déclaration à l’APS, que "les force de la France et sa puis- d’un autre attentat comme
qui consacrerait la partition du
à Oran, car environ 20 jours oranais, comme tous les algé- sance, le FLN n’a cessé le feu celui du 28 février. Mais nous
territoire national, l’ultime
auparavant, le 28 février 1962, riens, ont très bien accueilli la qu’après un accord global ga- sommes rattrapé le 5 juillet, le
carré d’irréductible conçoit le
un attentat à la voiture piégée proclamation du cessez le feu, rantissant l’autodétermination jour de la fête de l’indépen-
projet fou de ramener l’Algérie
a ensanglanté Tahtaha, la le 19 mars 1962 à midi, des algériens, une autodéter- dance", ajoute-t-elle, avec
à sa situation d’avant 1830".