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8 MONDE ARABE
Mercredi 13 Novembre 2019
Tunisie Crimes contre les civils sahraouis
Rached Ghannouchi ne
sera pas Premier ministre L’ASSOCIATION DES JURISTES
En Tunisie, le Premier ministre et le président de
l’Assemblée doivent être connus dans la semaine. DÉMOCRATES CONDAMNE
Le parti Ennahdha, arrivé en tête des législatives
d’octobre, a tenu ce week-end son conseil de la
choura, l’organe consultatif du parti. Il a désigné L'Association internationale des juristes démocrates (AIJD) a condamné les violations des droits
Rached Ghannouchi comme candidat à la prési- de l'Homme perpétrées à l'encontre des civils sahraouis dans les territoires occupés, la répression
dence de l’hémicycle.Le chef historique du parti systématique, la détention arbitraire et le traitement dégradant des détenus politiques sahraouis
d’inspiration islamiste ne sera finalement pas pro- dans les prisons marocaines.
posé au poste de Premier ministre. Le risque de ne
es participants à une
pas obtenir le feu vert de l’Assemblée, en présen-
réunion de l'Associa-
tant un personnage clivant comme chef du gou-
Ltion, tenue vendredi et
vernement, était trop grand. Le perchoir doit être
samedi à Bruxelles, ont
attribué mercredi lors de la première session de
adopté une décision concer-
l’Assemblée issue des législatives du 6 octobre.
nant la question de la déco-
Dans le même temps, les tractations se sont inten-
lonisation du Sahara
sifiées pour rassembler une majorité des députés
occidental condamnant les
derrière un futur Premier ministre. Les difficultés à
violations des droits de
former des alliances ne permettent pas pour
l'Homme perpétrées à l'en-
l’heure de connaître celui ou celle qui succèdera à
contre des civils sahraouis
Youssef Chahed.
dans les villes occupées ainsi
que la recrudescence des
Une personnalité de consensus
hostilités, la répression systé-
matique, la détention arbi-
Il semble difficile pour Ennahdha, premier parti
traire outre le traitement
avec 52 députés, de présenter un candidat issu de
discriminatoire et dégradant des arrêts de la Cour de jus- parvenir à une solution poli- l'affaire du détenu politique
ses rangs. Les promesses de portefeuilles ministé-
des détenus politiques sah- tice de l'Union européenne tique juste et permanente à sahraoui Naâma Asfari et de
riels faites à différents partis n’ont pas permis
raouis. (CJUE) et des principes du même de garantir le droit im- son épouse Claude Mangin,
d’établir la majorité nécessaire (109 voix) afin de
La décision condamne égale- droit international concernant prescriptible du peuple sah- interdite d'entrer au Maroc
porter un Nahdaoui à la Kasbah. Le choix pourrait
ment la poursuite de l'exploi- les richesses naturelles des raoui à l'autodétermination. pour rendre visite à son
donc se porter sur un Premier ministre de consen-
tation des ressources territoires non autonomes, y Dans ce contexte, la décision époux condamné à 30 ans
sus adoubé par Ennahdha. Selon la Constitution,
naturelles du peuple sahraoui compris le Sahara occidental appelle le comité contre la par la Cour de cassation de
d’ici vendredi, le président de la République doit
par le régime marocain d'oc- occupé. torture à suivre l'état de mise Salé après un précédent juge-
confier à une personnalité choisie par le premier
cupation soutenu par certains La décision appelle l'ONU à en œuvre par l'occupation ment du tribunal militaire de
parti de l’Assemblée le soin de former un gouver-
pays européens qui appuient créer un mécanisme onusien marocaine des recommanda- Rabat et à veiller à garantir
nement. S’il ne parvient pas dans les deux mois à
son occupation illégale du indépendant de surveillance tions contenues dans la déci- les droits des détenus poli-
obtenir l’aval des députés, le président proposera
territoire à des fins écono- des droits de l'Homme et à sion du Comité onusien tiques sahraouis dans les
un autre chef de gouvernement.
miques, en violation flagrante poursuivre ses efforts pour contre la torture (CAT) dans geôles marocaines.
Libye
Les séquelles de l’intervention de l’OTAN
En 2017, 60 % de la population libyenne vols à destination de la Libye et mettaient dans une interview à la chaîne d’informa- pour l’organisation. Il fut d’ailleurs mis en
souffrait de malnutrition. 1,3 million de Li- en avant la « responsabilité de protéger » tion saoudienne Al Arabiya que les rebelles exergue que ce modèle d’intervention,
byens étaient en attente d’une aide huma- la population libyenne. Les États-membres avaient reçu des armes de la part de pays considéré comme un succès, serait réa-
nitaire d’urgence, sur une population totale furent appelés à prendre toutes les me- non identifiés[5]. Cette affirmation fut cor- dopté par l’OTAN[8]. Les difficultés concer-
de 6,4 millions d’habitants. Cette situation sures nécessaires pour faire respecter cette roborée par les déclarations du porte-pa- nant la gestion de l’après-conflit n’ont pas
catastrophique fait suite à l’intervention interdiction. En parallèle de l’intervention role du Conseil national de transition, tardé à apparaître. Malgré l’embargo sur les
éclair de 2011 conduite par l’OTAN. L’orga- de l’OTAN fut lancée l’opération Odyssey Mustafa Gheriani, sans fournir plus d’infor- armes, l’OTAN en avait fourni en très
nisation s’estimait investie d’une mission Dawn, menée par une coalition internatio- mations. Cette nouvelle intervenait au mo- grande quantité aux groupes rebelles. L’or-
humanitaire : sauver le peuple libyen du nale dirigée par les États-Unis. Le 30 mars ment où les forces de Kadhafi intensifiaient ganisation avait également envoyé des
massacre que lui promettait son dictateur 2011, l’agence de presse Reuters révélait les attaques contre la ville de Misrata[6]. forces spéciales et un personnel de rensei-
et lui offrir un modèle démocratique, gage que le président américain Barack Obama Après la prise de Tripoli par les forces de gnement qui agissait auprès de ces
de stabilité, de liberté et de prospérité. Le avait signé un ordre secret autorisant le l’opposition le 22 août 2011, le secrétaire groupes comme des formateurs. Ce sou-
régime de Kadhafi est bien tombé. Mais la soutien du gouvernement américain aux général réaffirma l’engagement de l’OTAN tien avait dissuadé les rebelles de convenir
situation est très éloignée des promesses forces rebelles qui cherchaient à destituer à protéger la population civile libyenne et d’un cessez-le-feu avec Kadhafi, et n’a pas
attendues de l’intervention des Occiden- Mouammar Kadhafi[3]. Cette autorisation de l’accompagner vers la construction été pour rien dans la guerre civile qui a
taux : violences, famines, instabilité poli- demeure dans la ligne adoptée par l’OTAN d’une démocratie[7]. Peu de temps après, éclaté après la chute du chef d’État libyen.
tique et progrès de l’islamisme. Les dès les débuts du conflit : lancer des Syrte, dernier bastion du régime, tomba, et Dans les faits, rien n’établit que l’OTAN ait
principaux médias français, qui avaient frappes aériennes sur les forces gouverne- le colonel fut tué au cours d’un raid impi- été favorable à une négociation pacifique
couvert avec attention les événements en mentales libyennes et équiper les rebelles. toyable. La mission prit donc fin le 31 oc- avec le président libyen. Pourtant, le 11
2011, sont depuis bien silencieux sur les sé- Barack Obama avait alors déclaré que ces tobre 2011, 222 jours après le début de avril 2011, celui-ci avait accepté un cessez-
quelles de cette intervention militaire. Une frappes avaient pour objectif de forcer l’opération. Malgré l’embargo sur les armes, le-feu. Sans appui de l’OTAN, les rebelles
intervention qu’ils soutenaient alors, à Mouammar Kadhafi à se retirer du pouvoir, l’OTAN en avait fournit en très grande n’auraient pas tenu très longtemps face à
l’unisson de la classe politique de l’époque. par le biais de pressions constantes tant sur quantité aux groupes rebelles. L’organisa- l’armée de Kadhafi (probablement seule-
En février 2011, en écho à la révolution tu- le plan militaire que sur d’autres plans. Il tion avait également envoyé des forces ment quelques mois). Avant l’intervention
nisienne, un mouvement de protestation n’excluait pas l’éventualité de fournir des spéciales et un personnel de renseigne- de l’OTAN, Kadhafi avait repris la majorité
gagnait l’est de la Libye, en particulier la armes aux rebelles. Un agenda qui outre- ment qui agissait auprès de ces groupes des villes qui étaient tombées dans les
ville de Benghazi, dirigé contre le régime passait largement les prérogatives de la ré- comme des formateurs. mains de rebelles. Certains observateurs
au pouvoir depuis 42 ans. Cette protesta- solution 1973 du Conseil de sécurité, qui Il aura fallu seulement sept mois pour des- considèrent qu’il aurait pu facilement re-
tion fut immédiatement réprimée par les n’autorisait aucunement une intervention tituer Mouammar Kadhafi et ses fidèles. En prendre Benghazi en mars 2011[9]. En effet,
autorités. En réaction, le Conseil de sécurité de changement de régime. comparaison avec les guerres en Afghanis- au début de l’intervention, l’armée rebelle
des Nations Unies adopta les résolutions En avril 2011, le chef des forces rebelles, le tan et en Irak, cette intervention a été d’une était désordonnée et dépourvue de forma-
1970[1] et 1973[2], qui interdisaient tous les général Abdel Fattah Younes[4], déclarait rapidité redoutable et bien moins coûteuse tion.