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 ÉTÉ















 Le phare de Cap Carbon                             Tlemcen du temps des Mérinides


 LE PLUS GRAND PHARE NATUREL DU MONDE  IL ÉTAIT UNE FOIS EL MANSOURA


     C’est aux Mérinides qu’on doit la construction de Tlemcen. La construction de Mansoura fut entreprise en 1299, c’est‐à‐dire à l’époque où les Abd‐el‐
 Ville millénaire, située au  dira : « Peu d’endroits de la mer Mé-
     Wâd commandaient à Tlemcen. Elle fut entreprise par une dynastie ennemie des Abd‐el‐Wâd (zianides), la dynastie des Mérinides ou Béni‐Merin qui
 cœur de l’espace méditerra‐  diterranée sont d’un effet aussi sur-  avait sa capitale à Fès.
 néen, Bejaia possède de  prenant, aussi beau que la vue sur
 nombreux sites naturels  l’extrémité du Cap Carbon ».  Mansoura, pour faire oublier   tale abdelwadite.  couvraient une superficie immense de
 Phare dit « d’atterrissage », il n’in-
 tels que le Cap Carbon qui  Tlemcen   C’est pour cette raison qu’Abou Ya-  plus de 100 hectares, il reste au-
 dique pas que la proximité du port
 offre une vue imprenable           qoub Yousef a fondé ce qu’il a appelé  jourd’hui si peu de ruines.
 de Bejaia, il projette aussi son fais-
 sur la grande bleue, le pic  ceau pour rassurer que les quais de  « le camp victorieux » : El-mahalla el-  Très vite le camp devint un souk, un
 des singes, l’anse de Tame‐  la ville sont presque à porter de  l est facile de comprendre pour-  mansoura. Le premier siège de Tlem-  marché en plein air. Car la capitale ab-
                                                                 delwâdîte était fermée au négoce par
                                   cen dura huit ans. La politique d’Abou
      quoi les Mérinides cherchaient à
 laht (les Salines), le fort de  brasses.Constitué d’une tour cylin-  Is’emparer de Tlemcen. A cette  Yaqoub Yousef était vraisemblable-  le blocus mérinide. Les caravanes qui
 Gouraya et le bastion de  drique en verre, reposant sur la ter-  époque, l’Afrique du nord vivait une  ment double: il essayait, par des com-  faisaient le commerce des épices, des
 Cap Bouak.  rasse d’une bâtisse, l’axe de la  situation inédite: l’empire almohade  bats quotidiens à main armée sur  objets de luxe, des objets de toute
 lampe du  phare s’élève à prés de  venait de sombrer parce qu’il n’était  tous les points où la ville abdelwâdite  utilité entre le Soudan et les ports de
 erché sur un éperon rocheux
 242 m  au-dessus du niveau de la  pas capable de défendre ses trop  était fortifiée, de diminuer la capacité  la Méditerranée (Djemaâ-Ghazaouet,
 à l’extrémité du Cap Carbon,
 Pau Nord du port de Bejaia, un  mer et à près de 15 m au niveau du  vastes territoires. Quatre Empires sont  de résistance de l’ennemi, et, par une  Honain. Oran), au lieu de s’arrêter
 phare offrant un décor de rêve veille  sol. Il fut initié en 1870, mais la pre-  nés des débris de l’Empire aImohade  habile politique économique, il drai-  dans la capitale abdelwadite, s’arrêtè-
 sur les marins.  mière incandescence en prove-  : la dynastie des Hafsides, qui règne à  nait à l’intérieur de son camp tous les  rent à Mansoura. Le prestige militaire
    Tunis ; la dynastie des Beni Abd-el-
                                                                 de Mansoura se trouva accru d’un
 Luis Salvator De Hasbourg, archi-  nance du cylindre ne fut possible  Wàd (zianides), qui règne à Tlemcen ;  échanges qui se faisaient autrefois  prestige commercial subit et considé-
                                   dans la ville de Tlemcen et il réduisait
 duc d’Autriche, dans son livre ‘Bou-  qu’en 1906.  nu a une portée de 29 miles nau-  connu par les marins du monde en-  lisation maritime (ONSM), orga-  la dynastie des Beni Merin, qui règne  ainsi à la famine la capitale des Beni  rable. Mais là encore, c’est la nécessité
 gie, la perle de l’Afrique du Nord’,  De couleur blanche, le feu que les  tiques, soit un peu plus de 50 km.  tier…Le phare de Cap Carbon est  nisme sous tutelle du ministère des
 navigateurs peuvent repérer à l’œil  Avec ces caractéristiques, il est re-  géré par l’Office national de signa-  Travaux publics.  à Fès ; la dynastie des Beni Wattas, qui  Abd-el-Wâd.  qui poussa Abou Yaqoub Youssef à
    règne dans le Rif marocain. Chacune                          faire de son camp une véritable cité.
    de ces quatre dynasties a le désir et                        Le développement de Mansoura
 Beni Saf  l’ambition de reconstituer à son profit  Une ville édifiée, par nécessité   donne tous les signes de l’improvisa-
    l’intégrité de l’Empire almohade. Le                         tion.                          Lhassen le mérinide entreprit le  plus évidente. En 1337, Abou Tach-
 RACHGOUN, DESTINATION PRÉFÉRÉE DES TLEMCÉNIENS  conflit entre ces tribus devint, alors,  Les premiers travaux d’Abou Yaquoub  A partir de 1302, Mansoura sera fer-  deuxième siège de Tlemcen, il ne  fine, qui commandait alors à Tlemcen,
                                                                                                                              ne put contenir une attaque violente
                                                                                                trouva à l’emplacement de Mansoura
    inévitable. Durant leur règne sur
                                                                 mée par des remparts en pisé, elle
                                   Yousef furent des travaux d’investis-
    Tlemcen, les souverains mérinides  sement autour de la capitale abdel-  aura son palais royal et sa mosquée,  que des ruines. Mais il eut vite fait de  des Mérinides et succomba les armes
    élevèrent  des monuments dans leur  wadite. Abou Yaqoub Yousef était  c’est-à-dire les édifices indispensables  réparer l’enceinte que les Beni Abd-  à la main avec ses trois fils en es-
 chent. Sa plage attire les milliers de  Rachgoun, moyennant 70 Da la  camp de Mansoura, donnant un  bien plus préoccupé d’empêcher les  à l’exercice du Gouvernement et à  el-Wàd s’étaient empressés de démo-  sayant de défendre l’entrée de son
 fidèles venant de la wilaya 13, plus  place, à l’aller comme au retour. Si  aperçu sur le style de vie de ces sol-  sorties des Abd-el-Wâd de Tlemcen  l’accomplissement des devoirs reli-  lir. Il avait avec lui une armée qui  palais du Mechouar.
 particulièrement ceux résidant  à l’aller, les moyens de transport  dats pendant les dix années de siège  que de construire à l’emplacement de  gieux. Elle aura son marché.  On com-  égalait et même surpassait en nom-  Les sultans mérinides, qui comman-
 dans l’axe de la RN22 (Tlemcen-  sont disponibles à tout moment, le  qu’ils soutinrent en deux fois contre  son camp des demeures somp-  prend que les historiens, en  bre l’armée de son prédécesseur  daient déjà sur toute la région de
 Hennaya-Remchi). Quelles raisons  retour par contre est plus hypothé-  les Beni Abd-el-Wâd.  tueuses pour lui et pour ses troupes.  particulier lbn Khaldoun, puissent dé-  Abou Yaqoub Yousef. Ce deuxième  Tlemcen, prirent possession de la ville
 sont derrière l’engouement de ses  tique, bien qu’un receveur de Kar-  Quand Abou Yaqoub Yousef arriva  Mais le siège ne devait pas donner de  clarer qu’en 1302 Mansoura n’est plus  siège de Tlemcen ne dura que deux  mais ne s’y installèrent pas. Abou Lha-
 estivants ?  san prétend qu’il soit garanti.  près de Tlemcen en mars 1299 avec  résultat immédiat. Abou Yaqoub You-  un camp mais une ville.  ans. Abou Lhassen reprit la politique  sen fit de son camp la ville officielle
 Il y a d’abord la force de l’habitude,  La troisième raison et non des  l’intention d’en faire un siège en règle,  sef s’y attendait du reste. L’hiver 1299  Le premier siège de Tlemcen, qui a  d’Abou Yaqoub Yousef, qui consistait  et le siège de son gouvernement sur
 car les Tlemcéniens ont de longue  moindres, qui est liée à la sécurité,  il était décidé à s’établir près de la  arrivait.  Abou Yaqoub Yousef, pour se  duré huit ans, se termine en 1307 sans  à ruiner la puissance des Beni Abd-el-  le Maghreb central. Il restaura les mo-
 date le réflexe de rallier Rachgoun,  fait définitivement pencher la ba-  ville abdelwâdite pour un temps indé-  défendre contre les rigueurs du froid,  apporter de solution au conflit entre  Wâd de deux manières : par le siège  numents qui avaient été édifiés par
 alors qu’elle faisait encore partie de  lance en faveur de Rachgoun. Les  terminé, qu’il avait des raisons de  se fait construire à l’intérieur du camp  les Mérinides et les Béni Abd-eI-Wâd.  militaire et par la famine. Le blocus  son grand-père Abou Yaqoub Yousef.
 la wilaya de Tlemcen et bien avant  familles y viennent en effet en  supposer assez long.  A quatre re-  une demeure royale ; en face, il élève  En 1307, Abou Yaqoub meurt assas-  réalisé par Abou Lhasen fut beaucoup  La mosquée porte une inscription qui
    prises, en 1290, 1295, 1297,1298, de  une mosquée pour lui et pour ses  siné par un eunuque de son palais.  plus sérieux que le blocus d’Abou Ya-  permet d’attribuer à Abou Lhasen sa
 que Marsat Ben M’hidi ne sorte de  grand nombre, car elles se sentent
    passage près de cette capitale rivale,  troupes. Des bâtiments destinés aux  Il restait, pour lui succéder, son petit-  qoub Yousef. En effet, il ne fallut que  restauration. Sur l’emplacement du
 l’anonymat. De plus, Rachgoun  chez elles sur cette plage paisible,
    Il avait tenté avec ses hommes l’assaut  fonctionnaires royaux, des habitations  fils, Abou Tabit Omar. Ce jeune  deux ans à Abou Lhassen pour ré-  palais royal, Abou Lhasen fit bâtir, en
 n’est qu’à une trentaine de kilomè-  où pratiquement tout le monde se
    de Tlemcen. Mais les murs de Tlem-  de soldats, des hôpitaux, des bains,  homme, impatient de s’assurer l’héri-  duire à la dernière extrémité les habi-  1344, le palais de la victoire (Dar-el-
 tres de Remchi et à une cinquan-  connaît et se respecte mutuelle-
    cen étaient solides. Les soldats des  des caravansérails, furent construits à  tage politique de son grand-père,  tants de Tlemcen et pour obtenir la  fath).
 taine de bornes de la capitale des  ment. Chose que corrobore d’ail-
    Beni Abd-el-Wâd étaient courageux  l’intérieur du camp. Et il fallut bien en-  Abou Yaqoub Yousef, s’empressa de  reddition du souverain abdelwâdide  La domination mérinide de Tlemcen
 Zianides. Ces deux facteurs pèsent  leurs un citoyen par cette
    et bien armés. Abou Yacoub Yousef  tourer le tout d’une muraille pour se  retourner à Fès, capitale de l’Empire  qui commandait la ville. Abou Lhas-  va de 1337 à 1348 : elle s’étend sur
 indubitablement de tout leur poids  affirmation : «Cela fait des années
    avait compris qu’un long siège serait  protéger de l’ennemi. De cette pre-  mérinide, pour y régler les détails de  sen  eut le temps de donner à Man-  une période de onze ans. C’est en
 sur le choix de beaucoup d’ama-  que je viens en famille à Rachgoun.
    nécessaire pour venir à bout des Beni  mière muraille, il ne reste aucune  sa succession. Avant de quitter Tlem-  soura les monuments dont elle est  1344 qu’Abou Lhasen fit édifier le pa-
 teurs de baignades et de bron-  Cette plage est belle et les gens
    Abd-el-Wâd. Le voilà donc arrivé en  trace. C’est seulement deux ans après,  cen, il conclut une sorte de paix avec  fière de s’enorgueillir aujourd’hui.  lais de la victoire. Il ne put y séjourner
 zettes, même s’ils ne disposent pas  qui la fréquentent sont pour la plu-
 Marsat Ben M’hidi est devenu l’un  plus des nombreux émigrés, suc-  mètres du chef-lieu, et surtout de  1299 avec une importante armée,  en l’année 1302, qu’Abou Yaqoub  le Sultan Abou Hammou 1er. Aux  C’est en 1337 qu’Abou Lhasen vint à  que quatre ans. En 1348, les souve-
 de véhicules personnels. A Remchi,  part respectueux des règles de la
 des grands pôles d’attraction de la  combant aux charmes de ce site  l’inexistence de transport public,  qu’il désire fixer sur place jusqu’à la  Yousef fit construire les remparts en  termes de ce traité, Abou Hammou fit  bout de la résistance des Beni Abd-el-  rains abdelwâdides remontent sur le
 région ouest, en matière de tou-  paradisiaque, pour la majorité des  du moins en liaison directe. Les es-  par exemple, les transporteurs, à  bienséance. Jamais je n’ai eu à me  reddition de Tlemcen.  pisé qui sont encore visibles au-  évacuer Mansoura et la laissa complè-  Wâd. Le blocus économique qu’il  trône de Tlemcen, chassent les Méri-
 risme balnéaire, mais pour des rai-  Tlemcéniens, l’élue de leur cœur  tivants non véhiculés ont intérêt à  l’instar des vendeurs à la criée,  plaindre de comportements indé-  La plaine qui s’étend à l’ouest de  jourd’hui. Jusqu’en 1302, Mansoura  tement vide.  avait établi autour de Tlemcen était si  nides de Mansoura, pillent les
 sons  plus  pratiques,  les  demeure la plage de Rachgoun.  y passer quelques jours, histoire  s’égosillent pour attirer les candi-  cents à mon égard ou à l’égard de  Tlemcen, entre la ville et le col du Juif,  n’était qu’un camp, le camp victo-  efficace que les princesses abdelwâ-  constructions d’Abou Lhassen et font
 Tlemcéniens sont restés fidèles à la  C’est que, paradoxalement, l’ex-  d’amortir les frais du taxi ou du  dats au départ à cette plage. Quo-  ma famille. Je préfère, de loin,  lui paraît un emplacement tout dési-  rieux. A partir de 1302, elle est une  Le second siège de Mansoura    dides, au bout de deux ans de siège,  passer la charrue sur ce qui avait été
 plage de Rachgoun. Si le village  Port Say n’est guère accessible à  «clan» affrété. Ces contraintes inci-  tidiennement, les Karsan délaissent  Rachgoun à d’autres plages, parce  gné. C’est là qu’il installe un camp. La  ville, médina, et les historiens l’appel-  avaient offert de se sacrifier pour per-  autrefois une ville florissante. Man-
 côtier de Marsat Ben Mhidi reçoit,  tous les habitants de la wilaya de  tent les Tlemcéniens à opter pour  leurs lignes habituelles, au grand  qu’on s’y sent à l’aise. C’est son  raison qui a commandé cet emplace-  lent  la  nouvelle Tlemcen  pour l’op-  Pendant les trente années qui sépa-  mettre à leurs frères et à leurs maris  soura est bien morte, son existence,
 chaque été, des vacanciers affluant  Tlemcen, en raison de son éloigne-  Rachgoun, village balnéaire, rele-  dam des usagers, pour se consa-  principal atout. Et, croyez-moi, je  ment était claire: les Beni Merin  poser à la capitale abdelwâdite.  rent les deux sièges de Tlemcen, Man-  de soutenir plus longtemps le siège.  traversée de tant de vicissitudes, aura
                                                                                                                              duré moins d’un demi-siècle (1299-
                                                                                                Cependant, la supériorité militaire des
 de toutes les contrées d’Algérie, en  ment, qui le maintient à 125 kilo-  vant de la wilaya d’Aïn Témou-  crer au transport des estivants vers  ne suis pas le seul à le penser…».  avaient le désir de créer un camp d’où  Les événements ont poussé Abou Ya-  soura fut livrée au pillage des Beni
    il leur fût possible d’attaquer la capi-  qoub à bâtir des constructions qui  Abd-el-Wâd. En 1335, quand Abou  Mérinides devenait de jour en jour  1348).
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