Page 44 - L’aventure, l’ennui, le sérieux V. Jankélévitch
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la Représentation et non du Vouloir 1, ce dernier étant du côté du sérieux et de l’éthique. C’est dire qu’une représentation théâtrale, même une repré- sentation tragique, n’est pas une tragédie, comme l’est l’aventure mortelle, mais une tragédie simu- lée : l’aventure esthétique est le lieu du « comme si2 » où tout le monde «joue le jeu». Jeux de rôle, jeux d’enfants : « faisons comme si nous étions...» des restaurateurs, des docteurs, des Indiens et des cow-boys.
L’aventure esthétique, en ce sens – et même si c’est en réalité le cas de toute aventure –, est une miniature de la vie dans la vie : la vie qui joue avec elle-même pour se reposer du sérieux de la
1. Le monde comme Représentation, chez Schopenhauer, désigne l’ensemble des phénomènes visibles dans l’espace, ceux que notre perception met en forme pour leur donner un semblant d’unité. Au contraire, le Vouloir est le monde soustrait à notre perception, celui des processus en devenir, qui constituent la véritable trame du monde, celle du temps qui détruit toutes les formations statiques que notre enten- dement produit à partir des données des sens pour pouvoir stabiliser le monde et agir sur lui.
2. « Comme si » est une expression dotée d’un sens et d’une portée philosophique très féconds, dont on trouve des indications chez Jankélévitch et sur laquelle s’arrête le grand livre de Hans Vaihinger, partiellement traduit en français : La Philosophie du comme si, trad. C. Bouriau, Kimè, 2008. Voir le livre de Christophe Bouriau, Le « comme si ». Kant, Vaihinger et le fictionalisme, Cerf, 2013.