Page 30 - Le Petit Journal n° 187
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Dossier
Petit journal
(infestée), les bactéries s’agglutinent et sécrètent un bio- film, c’est-à-dire une sorte de gel qui forme un « bou- chon », empêchant l’alimentation de l’arbre. La bactérie est aussi présente chez des végétaux hôtes sauvages ou non (graminées, carex...) qui, « porteurs sains », consti- tuent un réservoir. Lorsqu’un insecte vient piquer une plante infestée, quelle qu’elle soit, pour se nourrir, il se « charge » de transporter la bactérie ! On connaît diffé- rentes souches de Xylella dont certaines ont des hôtes spécifiques. L’olivier n’est connu comme une plante hôte que depuis 2010.
la mode des « vieux » oliviers
Outre la bactérie, les humains sont actuellement res- ponsables de gros dégâts dans les oliveraies. Voilà déjà une bonne quinzaine d’années, en effet, que le vieil oli- vier intéresse les paysagistes, les jardineries, les pépi- niéristes et leurs clients. La longévité et la symbolique véhiculée par l’arbre en ont fait un incontournable du jardin « original » ou « moderne » ou « tendance » ou la pièce obligatoire de certains aménagements paysagers. Le résultat est souvent beau, agréable, et même chargé d’émotions lorsque l’arbre est un pluri-centenaire ! Tout ceci sous réserve que l’arbre survive à la transplantation, évidemment. Car, même si l’acheteur le bichonne, les conditions d’arrachage (pour être transporté, l’arbre est très sévèrement rabattu, ce qui laisse de grosses coupes et des plaies de taille) et de transport ont parfois large- ment entamé le potentiel de reprise. L’implantation et le maintien en vie de ces arbres se fait à grand renfort de techniques qui ne sont pas neutres en termes d’éco- bilan (énergie pour l’arrachage, le transport, la remise en place de ces gros arbres : creuser une fosse + lever et mettre en place un arbre assez lourd). Dans certains cas, il faut aussi travailler le sol : décompacter, drainer voire changer en partie la terre – au moins, l’olivier a plus de chance de s’en sortir ! Les engrais ne sont pas trop nécessaires, mais, par contre, les plaies de taille né- cessitent parfois d’être traitées pour éviter l’installation de champignons ou de bactéries.
Des conséquences désastreuses
Cette mode entraîne la disparition de paysages entiers, et avec eux des écosystèmes et des économies locales. Le prélèvement des oliviers met en danger une partie de la faune et de la flore inféodée à cet arbre. Certains sols fragiles sont en danger, car depuis des centaines d’années, ce sont les oliviers qui en limitaient l’érosion, les enrichissaient en matière organique... Que dire de la culture millénaire que les hommes ont développée au- tour de l’olivier ? Des liens sociaux tissés lors des travaux de récolte ? Un patrimoine naturel et culturel disparaît avec les arbres arrachés à leur terre natale.
Angela David
(1) plante hôte réceptive = plante qui va développer la maladie
Comment limiter l’emprise de Xylella fastidiosa ?
Pour arrêter la dissémination de la bactérie et endi- guer la catastrophe, il convient de respecter stric- tement les règlements sanitaires qui limitent le transport, la commercialisation dans certaines zones et imposent la désinfection. Malheureusement, l’éradication de la maladie passe surtout par l’arra- chage des arbres. L’utilisation d’antibiotiques n’est pas recommandée : ils pourraient compromettre la récolte, et surtout favoriser le développement de souches plus agressives, résistantes. Les chercheurs travaillent actuellement sur d’autres voies, en par- ticulier les peptides antimicrobiens, qui tuent direc- tement les bactéries et présentent peu de risques de provoquer l’apparition de souches résistantes. Autre piste : l’utilisation de virus spécifiques pour s’attaquer à la bactérie de l’olivier, ou encore traiter avec un acide aminé non essentiel (N-actylcystéine) qui perturbe la formation du biofilm. Ces pistes ont l’avantage de ne pas perturber les équilibres écolo- giques, alors que la réduction des populations d’in- sectes vecteurs de la maladie serait plus probléma- tique pour l’environnement.
30 PJ	Petit Journal Rebelle-Santé N° 187


































































































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