Page 76 - En chemin

“Il n’y a personne, tu vois bien qu'on n’est pas là!!!

Tout à l'heure quand on parlait sur le canapé, qu'on se regardait dans les yeux, un
verre de rouge à la main et tellement de désir sur les lèvres.
Là je sentais ta présence.
Je ne sais plus de quoi on parlait, pleins de trucs sans intérêt sûrement, le sujet était
peut-être ailleurs. Comme des messages d'inconscient à inconscient. Quelque chose
qui soigne l'âme.

Mais là, je ne sais plus très bien qui tu es.
J'ai l'impression que tu es devenu une autre personne. Préoccupée par demain, par
ce que tu te donnes le droit de faire, de penser, d'avoir envie.

J'entends tellement de bruit dans ta tête. Je te sens tellement loin.
Pourtant quand je te regarde tu as l'air de prendre du plaisir dans mes bras, mais
c'est comme si je sentais un décalage entre ce que je vois et ce que je ressens.
Comme quand on regarde un film où la bande-son à 2 secondes de retard. C'est
irritant.

Je me demande si c'est moi qui n'y suis pas ou si c'est nous qui n'arrivons pas à
rentrer vraiment dans cette intimité des profondeurs de nos êtres.
Je sens bien que nos corps se sont rencontrés, mais il y manque l'essentiel. Je n'y
trouve plus ton âme.

Pourtant, tout à l'heure j'en suis sûr, on y était dans le coeur. Quelque chose, de plus
grand que nous, nous habitait.
Viens on arrête ces vas et viens ridicules, viens on retourne sur le canapé, viens on
retourne parler.

Un truc en moi sait déjà que le canapé sera là, mais qu'on ne réussira plus à
retrouver l'endroit d'où on parlait toi et moi.
Comme si tout ça nous avait définitivement éloigné dans l'espace et le temps.
Voilà où on en est.
À vouloir un futur on est incapable d'être dans le présent.
Je sais bien que demain j'aurais compris quelque chose de tout ça mais là j'ai juste
envie de te dire << viens on va dormir. >>

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