Page 46 - Demo livret 8
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Le terrain a finalement été vendu et la « maison du maçon » a été démolie. De bouche à oreille la rumeur a atteint la directrice d’un petit musée local, qui s’est précipitée sur le chantier pour récupérer les bas-reliefs (cahier 4 | 43-44).
On reconnait ici l’esthétique du bricolage caractéristique de toutes les provinces russes, cocasse et bariolée, toutefois le voisinage avec les ruines prussiennes la rend particulièrement charismatique. L’absurde et l’ironie de ce voisinage alimentent les plai- santeries des habitants sur eux-mêmes ; on combat le déclin avec le rire.
Ainsi, un habitant de Kaliningrad, Nikolaï Tronevski, photographe engagé et ethnog- raphe amateur, invente l’état de Spandin et s’en proclame maire. Spandin vient de l’alle- mand Spandinen, nom du quartier le plus défavorisé de Königsberg dont il a hérité la mau- vaise réputation à l’époque de l’URSS. Pour Tronevski cette appellation résume la situation actuelle dans l’enclave ; tout en la dénonçant, il la tourne en dérision. Tronevski raconte le quotidien de Spandin sur sa page personnelle sur les réseaux sociaux, en annotant ces prises de vue par les commentaires sarcastiques qui pointent avec justesse les problèmes locaux. « À Spandin on conserve le patrimoine par des tapis », dit-il en dessous de l’image montrant un tapis mis à sécher sur le muret en brique rouge d’une ruine (cahier 6 | 33).
Petit à petit Tronevski, développe la mythologie de cet état imaginaire où les édifices délaissés dans la zone rurale deviennent toutes sortes d’institutions citadines : musée, théâtre, université... Le Spandin de Tronevski possède sa bibliothèque, ses « usines de brique » (des bâtiments en cours de démontage), son « gastronome » spécialisé dans la vente de boissons alcoolisées...
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