Page 49 - Demo livret 8
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K comme PAYSAGE AVEC RUINE
Les puissants piliers ornés de fines colonnes graciles s’élèvent du monceau de décombres qui remplissent l’espace intérieur ; ils soutiennent encore en partie la haute voûte. L’époque de la grandeur du temple et de ses serviteurs est là, dans ces ruines ; et de l’ensemble détruit ont surgi un autre temps, une autre exigence de clarté et de vérité. De hauts pins élancés et toujours verts ont poussé des décombres et au milieu d’images saintes vermoulues, d’autels brisés et de bénitiers éventrés se tient un prêtre évangélique, appuyé sur les restes d’un tombeau épisco- pal, la Bible dans la main gauche, la main droite posée sur le cœur, les yeux tournés vers le ciel bleu, contemplant pensivement les petit nuages légers et lumineux.
Caspar David Friedrich, En contemplant une collection de peintures, traduction Laure Cahen-Maurel, éd. José Corti, Paris,2011
Ce dernier chapitre s’esquisse avec les images empreintes du regard contemplatif où la vision esthétique du territoire devient possible par une prise de distance par rapport au quotidien et ses drames.
On retrouve des indices de ce regard dans des clichés d’époques différentes. Commençant avec les portraits de dos de regardeurs anonymes, qui proviennent souvent des archives de familles relogés dans la région après la guerre, le septième cahier se poursuit avec les prises de vue qui correspondent à ce qui est regardé. Plus que l’objet du regard, c’est la façon même de regarder qui réunit ces images. Quand bien même différente serait leur esthétique, elles laissent toutes deviner la figure de l’auteur, contemplateur parfois mélan- colique, parfois ému, en admiration devant ce qu’il voit.
On aperçoit ce regard par exemple sur les dessins d’Avenir Maximov, premier architecte de Kaliningrad, qui réalise dans le cadre de sa fonction des centaines d’aquarelles de Königsberg en ruines (cahier 7 | 13), alors que son successeur, Dmitri Navalikhin, élabore le projet table-rase qui annonce sa démolition totale. Vingt ans plus tard, on retrouve ce regard sur les pages de l’album «Königsberg, vestiges de la grandeur passée », réalisé par Viktor Aldakouchkine, à l’époque où ce qui reste du vieux centre-ville est en train d’être démoli (cahier 7 | 23, 27).
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