Page 6 - Programme du concert de Jean-Claude Pennetier au Théâtre des Champs-Elysées
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Notes sur le programme
W. A. Mozart : Fantaisie en ut mineur K. 475 ; Sonate en ut
mineur K. 457 (Molto allegro, Adagio, Allegro assai)
Parmi les œuvres de Mozart, certaines semblent avoir été composées sans commande ni souci de satisfaire. Les pièces jouées ce soir en font partie : toutes les trois écrites dans le mode mineur, elles sont particulièrement graves et ne comportent guère d’aimable compensation susceptible de les faire passer auprès d’un public mondain. La Sonate en ut mineur est datée du 14 octobre 1784 dans les Carnets de Mozart. C’est avec le K. 310 en la mineur, composée à Paris six ans plus tôt, la seule sonate pour piano que Mozart ait confiée au mineur. Quelques mois plus tard, le 20 mai 1785, il ajoute dans le même ton une fantaisie en guise de prélude, presque aussi longue et encore plus inquiète, et publie les deux œuvres dans un même recueil, fait unique. Entretemps, au mois de décembre, le compositeur a été initié à la Loge maçonnique.
La tonalité d’ut mineur est, dit-on, celle du drame et de la passion, mais aussi de la gravité : c’est dans cette tonalité que quelques mois plus tard, Mozart écrit la Musique funèbre maçonnique. L’accord ascensionnel en forme de « fusée de Mannheim » qui ouvre la sonate est caractéristique : il se retrouve dans le même ton au début de la Sérénade K. 388, du Prélude et fugue pour piano K. 394, et dans bien d’autres compositions. Dans la Fantaisie, l’accord (qui semble préfigurer la Première Ballade de Chopin) est aggravé par des sinuosités chromatiques qui le rendent particulière- ment menaçant, sinon démoniaque, tandis que les trois mouvements de la Sonate semblent traduire les réponses humaines à cette menace : angoisse, douleur, révolte. Est-ce un hasard si Beethoven, dans le mouvement lent de sa Sonate dite « pathétique », reprend le tournant décisif de l’andante ?
W. A. Mozart : Rondo en la mineur K. 511
Daté du 11 mars 1787, c’est le premier retour de Mozart à la tonalité de la mineur depuis la Sonate K. 310 mentionnée plus haut. Ce qui pourrait avoir été inspiré au compositeur par la mort de l’un de ses meilleurs amis, Hatzfeld, qui avait exactement le même âge que lui – 31 ans. Mais la pièce est peut-être aussi le reflet des improvisations que Mozart avait pratiquées avec grand succès lors de sa tournée à Prague au début de l’année. Il est ici particulièrement difficile d’assigner un « affect » précis à cette composi- tion ni tragique ni joyeuse, et foncièrement ambiguë, ce qui a dû marquer Chopin, là encore, mais cette fois plutôt le Chopin des Valses ou des




























































































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