Page 37 - Fantasia n°6 - Mai 2017
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SANTÉ
Tous unis contre la clope !
A l’occasion du ramadan, le Docteur Youssouf Ali et son équipe du service addictologie du CHM vous propose d’arrêter de fumer dans un élan collectif. Focus sur cette campagne alliant fête traditionnelle et lutte des temps modernes.
D’OÙ VIENT CETTE IDÉE D’UN
« MOI(S) RAMADAN SANS TABAC » ?
Dr Youssouf Ali. Notre projet s’inspire comme son nom l’indique d’un dispositif national de réduction de nombre de fumeurs mis en place l’année dernière « MOI(S) SANS TABAC », lui-même inspiré d’un projet anglais appelé « Stoptober » mis en œuvre par Public Health England depuis 2012, avec une adaptation à une réalité locale en incluant le Ramadan comme valeur ajoutée et levier puissant pour mobiliser la volonté à opérer un changement . L’objectif pour cette année 2017 « expérimentale » est d’inciter 300 personnes dont une bonne partie incarcérée à arrêter de fumer et l’année prochaine de mobiliser 1000 personnes à travers des outils de communications (informations et sensibilisations), des groupes d’informations et de paroles pour les personnes engagées suivis d’entretiens motivants d’évaluation et de prise en charge individuelle des personnes engagées.
POURQUOI CHOISIR SPÉCIALEMENT LE MOIS DU RAMADAN POUR ARRÊTER DE FUMER ? N'EST CE PAS UNE DIFFICULTÉ SUPPLÉMENTAIRE ?
Dr Y. Ali. Le mois de Ramadan est une école de changement comportemental où le fumeur jeuneur ne fume pas toute la journée du lever au coucher du soleil. C’est aussi un sevrage forcé où des signes de manque physique peuvent apparaitre. La personne sou re de cet état de fait puis s’intoxique au coucher du soleil jusqu’au moment où il va dormir, en essayant de combler les récepteurs nicotiniques à l’origine de sa sou rance sans y parvenir complètement avec des troubles du sommeil qui s’ensuivent. Si cette personne était patchée à la nicotine, elle serait à notre avis apaisée et jouirait d’un ramadan sans tabac. Avec la motivation collective et le changement opéré au niveau comportemental, ce mois-là, semble être le bon moment pour arrêter de fumer. Je rappelle que notre population est à 95% musulmane, et que sa religion interdit toute consommation de tabac. N’est-il pas aussi le moment de puri er l’âme ?
1 MOIS, C’EST LONG... VOUS NE PENSEZ PAS AVOIR MIS LA BARRE TROP HAUT ? Dr Y. Ali. Le délai nécessaire pour un sevrage physique est de 3 à 6 mois alors que la dépendance comportementale et psychique est plus longue que ça. Néanmoins, il est admis que le mois le plus di cile est le premier. Nous savons qu’après un mois d’abstinence, le fumeur a cinq fois plus de chance d’arrêter dé nitivement.
QU’ALLEZ-VOUS PROPOSER AUX FUMEURS QUI VEULENT ARRÊTER ?
Dr Y. Ali. D’abord qu’ils ont fait le bon choix, celui de ne pas enfumer leur santé, leurs économies (n’oublions pas un paquet c’est 7€ par jour, soit 280€ par mois), il n’est jamais trop tard pour arrêter de fumer ! Nous incitons les fumeurs à travers un débat radiodi usé à arrêter de fumer en leurs expliquant les avantages d’une telle initiative et en les poussant à ré échir sur leur situation. Pour ceux qui ont une réticence, ce changement constitue l’opportunité d’exposer leurs craintes. A nous d’y apporter des réponses.
Nous invitons ceux qui ont décidé d’arrêter de fumer à s’inscrire dans les groupes d’informations et de paroles dont l’objectif est de motiver plus ces personnes et leur fournir les outils d’accompagnement. Puis, nous nous entretenons avec chacun d’eux, a n d'évaluer leur degré de dépendance et de toxicité à travers un test Fagerström, mais aussi avec un test CO. Il s’agit d’une vraie prise en charge individuelle.
QUELS SONT LES OBJECTIFS DE CE PROJET ?
Dr Y. Ali. Comme je l’ai évoqué plus haut, l’objectif est de réduire le nombre de fumeurs cette année. N’oublions pas que le tabac tue chaque jour en France 200 personnes, et que c’est un facteur de risque pour plusieurs maladies (cancers, bronchites, impuissance...).
1000 PERSONNES EN 2018 ?! VOUS N’Y ALLEZ PAS AVEC LE DOS DE LA CUILLÈRE. C’EST AMBITIEUX...
Dr Y. Ali. Cette année, le centre hospitalier de Mayotte et ses partenaires (MILDECA, ARS, SPIP, direction de la Maison d’Arrêt de Majicavo, IREPS, SAOME, Radio Dziani, Radio kwezi, Mayotte première...) mettent deux équipes sur le terrain pendant 3 mois pour mener à bien ce travail. Nous avons recensé déjà plus de 150 personnes juste pour la Maison d’Arrêt, nous pensons en e et former trois autres équipes au Nord, au Sud et à Petite Terre, pour nous accompagner l’année prochaine et sollicitons à travers SAOME de la Réunion les partenaires privés (médecins, kinés, in rmiers...). Nous pensons ainsi atteindre nos objectifs.
AVEC TOUS CES ÉVÉNEMENTS, VOUS RISQUEZ D’INCITER LES NON-FUMEURS À SE METTRE À LA CLOPE JUSTE POUR PARTICIPER ET RENCONTRER DE NOUVELLESPERSONNES...
Dr Y. Ali. Nous les invitons à ne pas fumer à travers nos émissions et à ouvrir un débat au sein des cellules familiales, a n d’inciter leurs enfants à ne pas fumer, car le tabac est la première marche d’accès au monde des produits psychoactifs.
Les non-fumeurs ont aussi un rôle pour soutenir leurs proches fumeurs qui souhaitent arrêter de fumer. Et devenir - qui sait -, nos porte-parole.
QUELS CONSEILS DONNERIEZ VOUS AUX PERSONNES QUI SOUHAITENT ARRÊTER DE FUMER ?
Dr Y. Ali. Qu’il est jamais trop tard pour arrêter de fumer et faire des économies. Qu’ils ont cette opportunité à saisir avec ce « MOI(S) RAMADAN SANS TABAC » pour opérer le changement tant attendu, et se libérer du tabac.
Ce challenge, ils peuvent le gagner. Ils peuvent se rapprocher de nous, du tabac info service, de leurs médecins, pharmaciens ou autres professionnels formés pour béné cier des conseils et des outils, a n d’arrêter toute consommation de tabac sans sou rance.
MOI(S)
RAMADAN SANS TABAC
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Fantasia - 05/17
Dr. Youssouf Ali


































































































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