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Les petits portraits
Malvina C.
Ils étaient alignés sagement sur le mur du musée. Une grande pièce à l’étage où se
côtoyaient des personnages sans nom. Portrait de femme et portrait d’homme,
portrait d’enfant aussi. C’était une exposition temporaire sur le portrait à l’époque
romantique. La période représentée balayait presque toute la première moitié du
XIXe siècle. On découvrait des petits formats intimistes et beaucoup de miniatures
délicates aux couleurs claires.
Ces personnages anonymes pour la plupart, posaient dans leurs riches habits, leurs
bijoux et toute la représentation sociale d’une élite alliant bourgeoisie et aristocratie.
Dans les visages plus ou moins aimables, transpiraient les caractères individuels
affirmés. Pourtant au premier regard, il était difficile de remarquer des personnalités
différentes. Un voile de conformisme, de « représentation » semblait unifier la
multiplicité des visages. Quelques regards plus perçants finirent par accrocher le
visiteur. « Tiens celui-ci m’appelle… et celle-ci ne veut pas que je passe sans la
saluer. » La ronde des visages cherchait sans voix à attirer l’attention sur ces
21 individus tombés dans l’oubli. Sauf quelques artistes connus, sauf quelques familles
célèbres, il était ardu de se souvenir de cette foule assemblée par un collectionneur
passionné.
Je m’attarderai sur les miniatures, ces petits portraits qui préfigurent les portraits-
cartes de la fin du siècle et les photos d’identité contemporaines. Il faut se
rapprocher, et regarder attentivement les détails peints avec minutie sur de l’ivoire,
du vélin ou de la porcelaine pour saisir les caractéristiques que chaque personnage a
voulu révéler.
Voici le portrait d’une jeune femme au col de petit gris dont l’attitude fière et pensive fait
ressortir le double collier de perles qui orne son buste et son chignon. Elle apparait
fragile dans sa jeunesse éclatante, le visage à la carnation pâle contrastant avec le
rideau rouge et la robe sombre. Et ici c’est une autre inconnue, portrait d’une jeune
femme en robe mauve, souriante, animée d’une joie adolescente mêlée de gravité
bienséante. Elle aussi sur fond rouge arbore des vêtements chatoyants d’où sourd un
intérêt pour la mode et la richesse des tissus et des dentelles. Je regarderai aussi cette
miniature d’une dame portant une robe bleue ornée d’un camée. Le peintre est connu, et la
dame pose devant un fond de nuages gris ; sa pose hiératique s’accorde à son air figé,