Page 22 - Lux in Nocte 3
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Les petits portraits




                                                                                            Malvina  C.


               Ils étaient alignés sagement sur le mur du musée. Une grande pièce à l’étage où se
               côtoyaient  des  personnages  sans  nom.  Portrait  de  femme  et  portrait  d’homme,
               portrait d’enfant aussi. C’était une exposition temporaire sur le portrait à l’époque
               romantique.  La  période  représentée  balayait  presque  toute  la  première  moitié  du
               XIXe siècle. On découvrait des petits formats intimistes et beaucoup de miniatures
               délicates aux couleurs claires.

               Ces personnages anonymes pour la plupart, posaient dans leurs riches habits, leurs
               bijoux et toute la représentation sociale d’une élite alliant bourgeoisie et aristocratie.
               Dans  les  visages  plus  ou  moins  aimables,  transpiraient  les  caractères  individuels
               affirmés. Pourtant au premier regard, il était difficile de remarquer des personnalités
               différentes.  Un  voile  de  conformisme,  de  « représentation »  semblait  unifier  la
               multiplicité  des  visages.  Quelques  regards  plus  perçants  finirent  par  accrocher  le
               visiteur.  « Tiens  celui-ci  m’appelle…  et  celle-ci  ne  veut  pas  que  je  passe  sans  la
               saluer. »  La  ronde  des  visages  cherchait  sans  voix  à  attirer  l’attention  sur  ces

     21        individus tombés dans l’oubli. Sauf quelques artistes connus, sauf quelques familles
               célèbres, il était ardu de se souvenir de cette foule assemblée par un collectionneur
               passionné.

               Je  m’attarderai sur  les  miniatures,  ces petits  portraits  qui  préfigurent les portraits-
               cartes  de  la  fin  du  siècle  et  les  photos  d’identité  contemporaines.  Il  faut  se
               rapprocher, et regarder attentivement les détails peints avec minutie sur de l’ivoire,
               du vélin ou de la porcelaine pour saisir les caractéristiques que chaque personnage a
               voulu révéler.

               Voici le portrait d’une jeune femme au col de petit gris dont l’attitude fière et pensive fait
               ressortir le double collier de perles qui orne son buste et son chignon. Elle apparait
               fragile  dans  sa  jeunesse  éclatante,  le  visage  à  la  carnation  pâle  contrastant  avec  le
               rideau rouge et la robe sombre. Et ici c’est une autre inconnue,  portrait d’une jeune
               femme  en  robe  mauve,  souriante,  animée  d’une  joie  adolescente  mêlée  de  gravité
               bienséante. Elle aussi sur fond rouge arbore des vêtements chatoyants d’où sourd un
               intérêt pour la mode et la richesse des tissus et des dentelles. Je regarderai aussi cette
               miniature d’une dame portant une robe bleue ornée d’un camée. Le peintre est connu, et la
               dame pose devant un fond de nuages gris ; sa pose hiératique s’accorde à son air figé,
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