Page 31 - Lux in Nocte 4
P. 31

Un siècle déjà que s’est produite l’apocalypse. Les photos sont en noir et blanc, en
               sépia  aussi.  Aujourd’hui  les  maisons  détruites,  le  sol  éventré,  ont  atténué  leurs
               cicatrices et la vie a repris son chemin dans les zones les moins touchées mais les
               communes disparues, avalées par le fracas des bombes, ne sont pas revenues. Les
               champs témoignent encore de cette catastrophe malgré la régénération des espèces.

                                          C’est un village-rue, les maisons accolées
                                          gardent en silence leur mémoire sacrifiée
                                        et se serrent pour oublier le froid et la guerre
                                                  qui furent leur destinée.

               Puis le village a perdu ses coutumes et son patois. Les enfants qui ont survécu à la
               guerre sont morts et leurs enfants ont quitté la terre qui ne les nourrit plus. L’aventure
               les  a  conduits  vers  les  cadences  des  usines  et  dans  l’effervescence  des  villes.
               Lentement, imperceptiblement le style s’est modifié. Dans le paysage, les maisons se
               sont  habillées  de  crépi  flambant  neuf  et  leur  physionomie  s’est  rapprochée  des
               pavillons de banlieue. Cette vision nimbée d’une chape impersonnelle aux relents
               actuels a recouvert mon enfance. Seul le vert des prés se réveille au printemps et
               garde sa fraicheur. Seule la végétation a gardé son intégrité, sa couleur et sa nostalgie.

                                                                                                                31
                                         C’est un petit village accroché aux collines
                                            dans ses pâturages l’herbe est douce
                                                  aux mufles des bovins

                                         Bercé par la brume, son souvenir s’allume,
                                              en des réminiscences posthumes
                                                 au gré de mes automnes.

















                                                Pèlerinage en Argonne
                                                          2018
   26   27   28   29   30   31   32   33   34   35   36