Page 1 - Réflexions, printemps 2024 - copie 2
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Le champ, le temps et la relève
Gilles Delisle, Ph.D.
Je sens bien que je l’écris souvent. Le temps passe. Ça n’est pas un scoop mais une évi-
dence. Pour le CIG, le temps passe, depuis 43 ans. Au jour le jour, on y pense peu mais, à
l’occasion d’un anniversaire, par exemple, on a envie de regarder derrière puis, devant.
Derrière, on voit la construction progressive d’un itinéraire de formation clinique où, tou-
jours, se sont conjugués les éléments théoriques, pratiques et expérientiels. On voit aussi la
constitution d’une équipe de formateurs et de superviseurs de haut niveau, formés à la pra-
tique réfléchie. Et on voit défiler des visages, des histoires et des noms : ceux de plus de 700
diplômés qui ont fait la route avec nous.
Avant de regarder devant, il convient aussi de regarder à gauche et à droite. Ce qu’on voit,
c’est que le « champ » a changé, que les repères historiques qui balisaient la construction de
l’attachement, de l’estime de soi et de l’Éros se déplacent, souvent à grande vitesse. Les
grands phénomènes sociaux tels #metoo, la pandémie, les migrations sont passés par là, à la
manière de plaques… socio-tectoniques. Ces phénomènes et leurs répercussions sur la santé
mentale doivent être pris en compte dans nos pratiques. Pas à la manière de nouveaux tabous
générateurs de censure, mais comme indicateurs additionnels sur notre tableau de bord. Sur
ces sensibilités nouvelles, nous avons le défi de la mise au travail et de la mise en mots au
sein de la relation thérapeutique.
C’est bien ce qu’ont étudié les quelque 150 psychothérapeutes qui, au cours de la dernière
année, ont participé au séminaire Les crises développementales de l’âge adulte. Il en ressort
que nous sommes appelés à développer ce qu’on pourrait appeler une double focale. En situa-
tion clinique, on doit bien sûr continuer de prendre en compte le développement précoce et
ses vicissitudes. À cela s’ajoute de plus en plus une réelle appréciation des effets de l’air am-
biant et des transformations du champ sur la santé mentale.
Si au CIG on porte le regard devant, que voit-on ? D’abord une équipe où des formateurs et
des superviseurs séniors encadrent et inspirent une nouvelle génération qui se forme à prendre
la relève dans les années qui viennent. Ensuite le maintien d’une tradition d’excellence di-
dactique, rendue possible par la transmission depuis la génération des fondateurs à celle des
héritiers. On devine les contours d’une continuelle mise à l’épreuve de nos conceptions, de
nos réflexions, de nos actions.
Réfle xions
Le bulletin de liaison du CIG
Printemps 2024