Page 37 - Eléments Post Replica - Théâtre Louis Calaferte Tarabuste_Classical
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tions de travail éprouvantes, c’est à cette époque qu’il découvre l’art
dramatique et la lecture, par l’intermédiaire de retransmissions radio-
phoniques hebdomadaires et de fascicules de La Petite Illustration
prêtés par un contremaître, féru de théâtre.
Sa décision est prise : il sera écrivain. il n’aura plus désormais ... «Le théâtre inquiète les pouvoirs...» (Petit diction-
qu’un désir : écrire pour le théâtre, jouer la comédie. naire à manivelle). Il avait bien compris la fonction
essentielle du théâtre : être le contre pouvoir de tous
il quitte alors l’usine, entre comme apprenti dessinateur dans un les pouvoirs, et surtout ceux du conformisme ambiant,
cabinet de soieries. en janvier 1947, il décide de « monter » à Paris de la civilisation qui s’abandonne, de la culture qui
pour tenter sa chance. il n’y connaît personne, n’a aucunes ressources se défait dans le laminage mercantile d’une prétendue
communication qui n’est que de la réclame grossière
et survit malgré de grandes difficultés matérielles (Débuts à Paris, in
où tout est traité au niveau le plus bas. Les parti pris
Km 500). C’est à Paris que faisant le sordide apprentissage de la étaient vindicatifs, et l’écriture tranchante. Mais son
misère, il commence néanmoins à écrire pièces et nouvelles. théâtre restera un modèle d’humanité, dans une
perfection formelle rarement atteinte. « Il est vraisem-
Le comédien Guy rapp, auquel il se présente pour une audi- blable que dans ses rapports avec l’oppression du
tion, prend connaissance d’une de ses nouvelles, Le Déserteur, y réel, à la fois de situation et d’expression, la forme
décèle des dons de dialoguiste, et lui propose d’écrire une pièce en théâtrale comique est davantage que le champ clos
trois actes, qu’il mettra en scène si elle est réussie. rédigée en quelques du livre susceptible de s’accomoder des libertés de
semaines, Absence est présentée à Chartres et à Angers (1949) où elle l’imagination » (LOUIS CALAFERTE, Carnet V).
sera plutôt bien accueillie par la presse. Mais à Paris, ce texte mélo- Le théâtre ne fut donc pas pour Calaferte une
tentative secondaire, car il écrit en 1993 qu’il s’inscrit
dramatique, auquel est adjointe une pièce en un acte, Babel, n’a
«d’exceptionnelle façon, dans la mesure où le théâtre
aucun succès. La qualité des dialogues est néanmoins saluée par la est, qu’on le veuille ou non, absolument irremplaçable
critique. en raison de cette fusion immédiate entre pensée et
public qu’il offre chaque soir dans les salles surchar-
en 1951, Louis Calaferte achève son premier livre (Requiem des gées de la violence du désir de l’œuvre en charnelle
innocents) dont il soumet le manuscrit à Joseph kessel, qui s’enthou- rencontre avec cette complémentarité indispensable
siasme et l’aide à en retravailler la construction puis le présentera au comédien qu’est le spectateur ».
lui-même à rené Julliard. Parution suivie très vite d’un second
ouvrage (Partage des vivants), qui obtient la bourse del duca, véri- JEAN-PIERRE MIQUEL
table consécration pour ce très jeune écrivain. Le livre, retenu pour (l’Edj du 5 mai 1994)
le Prix femina, déclenchera une véritable bataille entre les membres
du jury. Après treize tours de scrutin, le prix ne lui est pas attribué.
Les journalistes, déçus, lui décernent, à cette seule occasion, le Prix
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