Page 14 - Milano
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Le jour où nous avions instauré ce rituel du «racontage de sa journée», mal nous en avait pris de lui donner la parole en dernier. Pour nous deux, les choses avaient été assez rapidement pliés, pas par manque d’anecdotes à raconter mais simplement parce que nous souhaitions regagner nos chambres au plus vite après une journée plus qu’harassante. Jérif, lui, avait compris le : « vas-y, raconte-nous ta journée... » au sens le plus littéral du terme. Oh Sieur, ça y est, il partait à chaque fois dans une description très détaillée de chaque moment de son interminable journée, de la maîtresse qui ne s’était pas attachée les cheveux comme d’habitude au concierge qui avait oublié les clés de leur classe... Une heure après, nous étions encore là, la tête affalée sur la table, feignant malgré nous de l’écouter, acquiesçant mécaniquement, inexorablement. Et puis, il y avait ces instants suspendus, empreints d’espoir où, pendant cinq secondes, il s’arrêtait, où nous croyions naïvement que le chapitre de sa journée touchait à sa fin !!