Page 49 - MOBILITES MAGAZINE N°20
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                    INTERVIEW/ Patrick Vergriete t
         : avez-vous revu à la baisse la contribution
versée à Transdev ?
PV : non, nous avons juste modifié les règles du jeu. Nous avons signé un avenant au contrat et introduit un intéressement à la fréquenta- tion. Le trafic sera mesuré grâce au dispositif de comptage que nous avons mis en place en 2015. Le système fonctionne avec des cellules installées dans les bus.
: quels sont les premiers impacts de cette
mesure sur la fréquentation du réseau DK’bus ?
PV : c’est un réel succès : le premier week-end de septembre 2018, la fréquentation a augmenté de 84%. en semaine, la hausse est en moyenne de + 51%. Nous sommes passés de 37 000 voyages à 56 000 voyages avec des pointes qui dé- passent les 65 000 voyages cer- tains jours. Nous pensions que la croissance du trafic serait de l’ordre de 33 %. C’est pourquoi nous avons un peu renforcé le nombre de bus en circulation. Autre signe pro- metteur : les immenses parkings situés à proximité de la commu- nauté urbaine sont à moitié vides, là où ils étaient bondés. Nous constatons que les premières per-
sonnes à abandonner leur voiture travaillent en centre-ville. Désor- mais, elles viennent en bus car l’offre est attractive et elles n’ont plus besoin de payer le stationne- ment. Nous allons récupérer une part du foncier dédié aux parkings pour mener des opérations d’ur- banisme. La gratuité des transports publics est un instrument de trans- formation de la ville.
: selon vous, faut-il la généraliser à tous les
réseaux de transport public ?
PV : je n’ai jamais dit qu’il fallait ins- taurer la gratuité des transports pu- blics dans toutes les villes. Je dis qu’il est temps d’avoir un débat adulte, raisonnable et fondé sur des arguments qui ne sont pas fallacieux. Le seul problème de la gratuité est son coût. A Dunkerque, cela nous a coûté environ 4,5 M€ et j’ai expliqué comment nous l’avons financée. Dans d’autres agglomérations, le taux de couverture des dépenses par les recettes est plus élevé variant de 20% à 45%. J’invite les respon- sables politiques au niveau national à dresser une liste des avantages et des inconvénients pour pouvoir faire un arbitrage objectif.
: autrement dit, la gratuité doit être pensée au
cas par cas ?
PV : dans certaines agglomérations le coût de la gratuité sera très élevé pour des avantages moins forts qu’à Dunkerque. C’est le cas dans les collectivités où la part modale de la voiture est faible ou en régression. C’est également le cas dans celles où la problématique des personnes isolées est peu im- portante. Idem pour les agglos où la question du pouvoir d’achat est moins prégnante. Dans ces cas-là, il ne faut pas instaurer la gratuité des transports publics car le coût sera largement supérieur aux bé- néfices attendus.
LA GRATUITÉ DES TRANSPORTS EN COMMUN EST UN OUTIL DE DÉVELOPPEMENT D’UNE VILLE À CONDITION DE BIEN LE PENSER, DE LE PRÉPARER EN AMONT.
: pourquoi lors du 1er colloque organisé à
Dunkerque les 3 et 4 septembre 2018 sur le thème de la gratuité, avez-vous lancé un réseau international de villes ayant instauré cette mesure ?
PV : il est temps que la gratuité des transports publics ne soit plus abordée sous l’angle du préjugé et du dogme avec des phrases je- tées en pâture sans mener au préalable un travail d’analyse et de recherche. Je veux un débat qui gagne en maturité à ce sujet. Je comprends les arguments de Damien Castelain, président de Lille métropole quand il me dit que les recettes du réseau Trans- pole pèsent 20% et que la part modale de la voiture s’est réduite. C’est un élu qui regarde de manière lucide et claire quel est le meilleur outil pour améliorer la mobilité.Cela n’a rien à voir avec les discours de la FNAUT qui a des discours dog- matiques.
Nous avons créé ce réseau inter- national car nous avons assez des débats lamentables sur la gratuité. Ces rencontres, organisées une fois par an, nous permettront de faire le point sur les avancées et les inconvénients. Il s’agit d’aider les villes qui y songent à bien me- surer la puissance de cette mesure. La gratuité des transports en com- mun ne doit pas se limiter à en- gagement politique pris dans une campagne électorale. Ce n’est pas une décision démagogique : c’est un outil de développement d’une ville à condition de bien le penser, le préparer en amont. A Dunkerque nous avons mis quatre ans pour préparer cette mesure. elle va per- mettre une transformation pro- fonde des modes de vie et révo- lutionner les transports publics. z
PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTINE CABIRON
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 MOBILITÉS MAGAZINE 20 - NOveMbre 2018 - 49
 



































































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