Page 48 - AQMAT Magazine Hiver 2024
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Comme présentés dans la plainte, les sécateurs de Woodland Tools et ceux de Fiskars.
Gestion
Réclamations, contre-réclamations et victoire judiciaire dans les outils de jardinage
Au printemps 2022, le fabricant d'outils de jardinage Fiskars a remarqué un nouveau concurrent dans
les rayons de Blain’s Farm & Fleet et d'autres grands centres de jardin américains. Cette nouvelle marque s’appelait Woodland Tools. L’entreprise a également constaté autre chose : certains produits de Woodland Tools ressemblaient étrangement à leurs sécateurs, ébrancheurs, ciseaux à herbes et élagueurs. Plus tard, ils ont découvert que les dirigeants de Woodland Tools étaient d'anciens employés. Fiskars a porté plainte.
D ans sa poursuite, l’entreprise fondée en Finlande en 1649 – oui, oui, en 1649! - a soutenu que le nouveau joueur dans son marché « n'avait pas été créé pour innover, mais
pour copier Fiskars et profiter des investissements de Fiskars dans ses produits, clients et activités. »
La plainte précise que Woodland Tools a recruté des employés de Fiskars pour acquérir leurs connaissances et informations rela- tives aux pratiques commerciales, informations confidentielles et secrets commerciaux. Woodland Tools aurait même délibérément copié les conceptions des produits et la stratégie marketing de Fiskars tout en prétendant aux consommateurs être responsable de ses propres conceptions.
Coup de théâtre, aucune de ces accusations n'a été retenue par le tribunal.
Pire, Woodland Tools a réagi en contre-attaquant avec des allégations sur l'invalidité des brevets de Fiskars et de fausses publicités concernant la puissance de coupe et le pays d'origine.
Commentant l'affaire, la spécialiste juridique Rebecca Tushnet, professeure à la Harvard Law School, fournit davantage de contexte :
«Fiskars a allégué que Woodland avait pratiqué de la fausse publicité en décrivant son sécateur de contournement pour usage régulier comme « conçu aux États-Unis ». Fiskars n’a pas su étoffer sa preuve de tromperie des consommateurs et n’a
pas démontré une fausseté littérale. Woodland a, pour sa part, su démontrer qu’elle avait conçu aux États-Unis au moins un élément de chacun de ses produits. »
La professeure continue :
« Fiskars se targue que certains de ses produits ont « jusqu'à trois fois plus de puissance de coupe ». Woodland a exposé que cette déclaration et d'autres allégations de puissance du genre 2x ou 3x étaient ambiguës et trompeuses pour les consommateurs, car les publicités/emballages ne précisaient pas par rapport à quels autres outils ils étaient plus puissants. »
Quant aux allégations «Made in USA», Mme Tushnet écrit : «Fiskars a dû admettre que certains de ses produits avaient été conçus en Finlande, ce qui rendait caduque sa plainte en terri- toire américain. »
Explication : sans brevet de design valide ou autre droit de pro- priété intellectuelle, il est tout à fait légitime de copier d'autres produits pour concurrencer le vendeur d'origine. La concurrence est bien vue dans le droit américain, car elle encourage des prix plus bas et de meilleurs produits.
La prof Tushnet conclut : «Il est intéressant de noter que le nou- veau concurrent a réussi à contester la véracité de certaines des affirmations de la marque établie dans ses contre-accusations – les nouveaux entrants sur le marché peuvent être des acteurs indélicats, mais les marques établies peuvent l'être également. »
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